Une loi mollassonne pour le climat

2021/06/14 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

Le projet de loi concernant la transparence et la responsabilisation du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050 (C-12), qui sera présenté à nouveau aux Communes, ne répond pas à l’urgence climatique. Encore une fois, il s’agit d’un petit pas alors que nous avons besoin d’un grand saut en avant. C’est mieux que rien, mais ce projet de loi ne contient aucune cible et aucun mécanisme de responsabilisation. Tout cela parce que les libéraux, comme les conservateurs, n’en veulent pas, mais aussi parce que les néodémocrates, par pur opportunisme, ont trahi les idéaux qu’ils ont jadis défendus.

Une loi efficace aurait nécessité des cibles définies et contraignantes, pas seulement d’une campagne de relations publiques, mais le gouvernement Trudeau en est un d’image. Le 22 avril dernier, lors du Jour de la Terre, le ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson se pavanait devant les médias pour annoncer de nouvelles cibles de réduction de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030.

Pendant ce temps, en Chambre, le Bloc québécois par l’intermédiaire de ma collègue Kristina Michaud, a demandé au gouvernement s'il allait insérer cette cible dans son projet de loi C-12. Le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, reconnu pour son expertise environnementale l'a promis et je le cite: « [...] effectivement, nous inscrirons dans le projet de loi C-12 la cible du Canada pour 2030 en matière de lutte contre les changements climatiques. »

Or, non seulement le gouvernement Trudeau ne l'a pas fait, mais il a empêché le Bloc québécois de faire inscrire des cibles chiffrées dans ce projet de loi. Cela veut dire que, encore aujourd'hui, ces cibles sont aussi contraignantes qu'une résolution du Jour de l'An. Or, je le rappelle, le fédéral n'a jamais tenu ses résolutions. Il a échoué à remplir ses objectifs depuis l’Accord de Kyoto. Si le passé est garant de l’avenir, ça augure très mal pour les générations futures.
 

Transparence et responsabilité

Le projet de loi a été accueilli froidement au Sénat qui a visiblement compris rapidement l’essence même de C-12. La sénatrice Paula Simons a eu raison d’interpeller le ministre  Wilkinson : « Le nom même de la loi comprend des mots comme transparence et  responsabilité, mais je ne vois pas de véritable mécanisme de responsabilisation, et pouvez-vous nous dire comment vous voyez cette loi aller au-delà des belles paroles sur un morceau de papier? »

La raison pour laquelle ce projet de loi n’ira pas beaucoup plus loin que le bout de papier sur lequel il est écrit est simple, les libéraux avec l’appui du NPD ont battu 32 des 33 amendements du Bloc qui auraient forcé le gouvernement à être imputable de ses actes. L’un de ces amendements exhortait les gouvernements à rendre des comptes via un rapport annuel. Une loi climat efficace impliquait que le gouvernement divulgue les informations pertinentes aux citoyens afin qu’ils puissent évaluer l’efficacité de ses politiques. Cela n’arrivera pas.

Un bel exemple de gouvernance climatique est celui du Royaume-Uni qui a réussi à diminuer ses émissions de 28 % depuis 2010. Au sommet des actions qui ont permis d’en arriver à de tels résultats, l’indépendance entière d’un comité d’experts.

Voilà pourquoi il était important pour le Bloc québécois de mettre en place un tel comité. Le gouvernement Trudeau a beau dire qu’il se base sur la science quand il prend ses décisions, mais c’est de la foutaise. En votant contre le Bloc Québécois, il refuse que le comité qui conseille le ministre soit formé par des experts et scientifiques indépendants qui n’ont pas de lien avec l’industrie du gaz et du pétrole. Il refuse aussi d’avoir obligatoirement un expert en santé pour considérer les incidences sur la santé en lien avec les enjeux climatiques.

Pourtant, il est prouvé que  l’indépendance d’un tel comité est absolument nécessaire et qu’il doit avoir les ressources financières suffisantes pour réaliser son mandat.  Malheureusement, le PLC et le NPD se sont assurés en coulisse que rien de cela ne se concrétise.

Nous devrons nous rabattre sur le Commissaire  à l’environnement comme seul chien de garde du bien commun. Encore ici, le gouvernement et le NPD ont voté contre les amendements du Bloc Québécois qui auraient renforcé ses pouvoirs. Il n’y aura donc jamais de véritable évaluation du plan d’action du gouvernement et le public n’aura pas l’heure juste sur l’efficacité de la politique climatique. Des blâmes sans grave conséquence continueront d’être émis et rien ne changera.

René Lévesque avait raison : « La tâche des vrais démocrates est de voir à ce que le peuple soit de plus en plus au courant, instruit, renseigné sur ses propres intérêts. » Pour ma part, le gouvernement Trudeau a doublement failli à sa tâche.

 

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