Chili, l’autre 11 septembre

2021/09/08 | Par Geraldo Vivanco

Bien avant la date anniversaire des « événements du 11 septembre », on présente de nombreux reportages dans les grands médias, car cela fera 20 ans cette année qu’ont eu lieu les attaques terroristes aux États-Unis qui ont fait 2 997 morts.

On entend toutefois très peu parler, pour ne pas dire pas du tout, que le 11 septembre prochain, au Chili et dans les pays où des Chiliens vivent en exil, on commémorera le 48e anniversaire du coup d’état militaire brutal au cours duquel plus de 3 000 personnes sont mortes ou disparues.

En août 2011, le rapport officiel d’une commission publique qui a reçu et investigué les cas de violations des droits humains par des agents de l’État, a évalué que le nombre de victimes dépasserait les 40 000 et celui des morts serait de 3 065. Ces chiffres ne tiennent pas compte des exilés ni des familles des victimes.

D’après un rapport de la Commission interaméricaine des droits humains, entre 1973 et 1990, durant la période de persécution et extermination de la dictature, 5 400 demandes de protection de la loi ont été déposées et seulement dix d’entre elles ont été accueillies.

À près de 50 ans du soulèvement militaire fatidique, il y a toujours 900 personnes disparues, preuve que l’État chilien a systématiquement violé les droits humains du peuple sans reconnaitre sa responsabilité, sans chercher la vérité, la justice et la réparation; cela avec la complicité d’une importante partie du pouvoir judiciaire sous la dictature tout comme sous le gouvernement actuel.

L’Histoire du Chili est marquée par les inégalités sociales. Les discriminations basées sur la classe sociale et l’origine ethnique ont provoqué des protestations continues depuis plus d’un siècle. Tout cela s’est confirmé avec la dernière révolte populaire qui a éclaté en octobre 2019 et qui poursuit encore aujourd’hui la lutte pour changer les systèmes socioéconomique, politique, de pouvoir et de justice ouvertement inégalitaires.

D’octobre à décembre 2019, le gouvernement chilien a répondu aux manifestations massives par une violence maximale, sans se soucier des normes relatives au respect des droits humains comme en font foi les chiffres qui donnent près de 30 000 détentions, dont 2 300 hommes, femmes et enfants toujours prisonniers, 34 décès, 11 300 personnes blessées, 464 personnes avec des lésions oculaires causées par des tirs et des gaz lacrymogènes et plus de 5 500 plaintes de personnes ayant souffert de violations de droits humains et, malgré ces cas, la justice a rejeté pratiquement toutes les demandes de protection des tribunaux.

Déclarer que le Chili vit actuellement une rupture démocratique au sein de ses institutions, ne serait pas exagéré. Dans le domaine de la justice, on applique un double standard pour enquêter et condamner selon la situation économique et le pouvoir du suspect. Il n’y a pas de loi mais plutôt une impunité pour les cas de corruption au sein d’institutions comme les forces armées, policières, politiques et entrepreneuriales, par contre, on accumule les lois pour punir et réprimer avec une violence extrême ceux qui ont le courage de sortir manifester dans les rues pour une société plus juste, digne et inclusive.

Une autre forme de violence de l’État s’exerce à travers la militarisation des territoires des Premières Nations (Wallmapu) pour y protéger les entreprises privées qui violent les droits humains ainsi que le droit à la terre et à l’autodétermination des peuples.

Jusqu’à ce jour, l’État et les institutions judiciaires du Chili (durement critiquées par des organisations internationales de droits humains) n’ont pas de registre des prisonnières et prisonniers politiques détenus depuis octobre jusqu'à maintenant. D’ailleurs, ces personnes détenues, en grande majorité, n’ont pas d’antécédents criminels et sont emprisonnées depuis plus de 20 mois, sans aucune accusation prouvée contre elles, grâce à la prison préventive; d’autres encore se retrouvent avec des sentences d’années de prison, à la suite de témoignages de policiers qui, comme il a été démontré dans de nombreux cas, sont basés sur des mises en scène orchestrées par ces derniers.

En octobre 2020, grâce à la pression populaire, un plébiscite national a été tenu et le résultat, dans une proportion de 80%, demandait la rédaction d’une nouvelle constitution pour remplacer celle qui avait été héritée de la dictature militaire de 1973. Les 15 et 16 juin 2021 le peuple a choisi les membres de l’Assemblée constituante qui élaboreront le texte de la nouvelle constitution pour le soumettre à la révision et approbation de la population.

La diversité de la société chilienne est bien représentée au sein de l’Assemblée avec 77 femmes, 78 hommes, 17 représentants des premières nations et une dirigeante, Elisa Loncón, universitaire de renom et représentante du peuple Mapuche.

Cette démarche démocratique, inédite dans l’histoire politique du Chili, est porteuse d’espoir pour la grande majorité. Il y a toutefois un obstacle de taille à sa réalisation : un front d’attaque regroupant les défenseurs du système économique actuel qui nient les violations des droits humains et n’acceptent pas un état plurinational.

De l’extérieur du pays, nous avons espoir que l’Assemblée constituante établisse pour le peuple du Chili les fondements d’une société diversifiée, solidaire, juste et inclusive. Des membres de la communauté chilienne de Montréal, accompagnés par la solidarité de la société québécoise et canadienne, organisent une activité le 11 septembre prochain, au cours de laquelle on commémorera le 48e anniversaire du coup d’état militaire au Chili.

Pour la liberté des prisonnières et prisonniers politiques, pour faire connaitre la véritable situation politique au Chili dont les grands médias de communication refusent de parler.

Lieu : Parc des Amériques (angle Saint-Laurent et Rachel) à Montréal
Samedi 11 septembre
De 9 h à 19h.

 

Édition numérique de l'aut'journal  https://campaigns.milibris.com/campaign/608ad26fa81b6a5a00b6d9fb/