Une transition industrielle vers la carboneutralité

2021/10/06 | Par Audrey Yank

L’auteure est ingénieure, membre de la table Industrie du Front Commun pour la transition énergétique et membre du Regroupement Des Universitaires.

DES UNIVERSITAIRES (12 de 15) – Des cheminées fumantes sur fond de smog : une image frappante souvent utilisée pour illustrer l’impact carbone des industries. Ce secteur est en effet le deuxième plus grand émetteur de GES au Québec, avec 30,5 % des rejets totaux selon l’inventaire québécois des émissions de GES. La moitié des émissions qui en proviennent sont liées à la production de chaleur et l’autre moitié aux procédés industriels.

Une feuille de route

Dans un contexte visant à accélérer la transition du Québec vers la carboneutralité, quelle est la vision d’avenir pour la production industrielle? Des industries québécoises qui fabriquent des produits vraiment utiles et écoresponsables, qui consomment uniquement des énergies renouvelables et qui opèrent dans une nouvelle norme de circularité. C’est la transformation proposée par la Feuille de route vers un Québec ZéN (zéro émission nette) du Front commun pour la transition énergétique.

Nécessairement, il s’agit d’une vision transformatrice. Comment la Feuille de route envisage-t-elle d'y arriver?

D’abord, elle propose de diminuer la consommation totale d’énergie en agissant sur la demande, dans une optique de sobriété et d’efficacité énergétique, tout en évitant la délocalisation des émissions de GES au-delà de nos frontières. En deuxième lieu, elle fait valoir la nécessité de décarboner la production de chaleur et les procédés industriels tout en maximisant les synergies industrielles. Cette décarbonation nécessite d’éviter toute conversion des systèmes actuels vers le gaz naturel et de rejeter tout nouveau projet industriel fortement émetteur de GES.

Énergies fossiles et production de chaleur

Les industries québécoises font encore grand usage d’hydrocarbures pour la production de chaleur. De moins en moins de motifs techniques empêchent le remplacement des combustibles fossiles par des énergies de source renouvelable pour ce genre d'applications. Si plusieurs industries préfèrent le pétrole ou le gaz, c'est généralement pour des motifs économiques, les coûts sociaux liés à leur combustion étant en majeure partie externalisés. Il est important que les pouvoirs publics s'attellent à la tâche de corriger cette situation.

Décarbonation des procédés industriels

Quant aux GES associés aux procédés industriels, leur élimination peut se faire de diverses façons et les efforts en ce sens sont requis de toutes parts. D’abord, en renonçant, en tant que société, à utiliser des produits issus de tels procédés ou en les remplaçant par des produits ayant un impact carbone minimal (par exemple, utiliser du bois plutôt que du ciment dans le domaine de la construction, des engrais verts plutôt que des engrais azotés, etc.). Ensuite, en renonçant à consommer des produits non durables, superflus ou néfastes. Puis, en mettant au point de nouveaux procédés zéro émission, comme l’industrie de l’aluminium dit être en voie de le faire (https://www.elysis.com/fr/elysis). Finalement, en utilisant des ressources renouvelables, tel le gaz naturel renouvelable (GNR), pour les produits indispensables qui exigent le recours au gaz, ou des ressources issues d’une synergie industrielle, comme les extrants et les rejets thermiques d’autres processus.

Transition juste pour les travailleurs et travailleuses

Le secteur industriel compte plusieurs dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses au Québec. Aussi, l’emplacement de plusieurs industries place les collectivités où elles sont implantées dans une position de dépendance à une économie peu diversifiée.

Les changements qui auront des impacts sur ces personnes et ces collectivités doivent se faire dans le cadre d’une transition juste, soit de façon à ce que la transition vers la carboneutralité atteigne à la fois des objectifs environnementaux, mais aussi sociaux et économiques, sans exacerber des inégalités existantes et sans laisser personne derrière. Ceci implique que les plans de décarbonation soient élaborés en concertation avec les travailleurs et les travailleuses.

Enfin, le Québec compte surtout des PME qui n’ont pas toutes les moyens financiers ou l’expertise nécessaires pour assurer leur décarbonation. C’est pourquoi une mutualisation des solutions doit aussi être envisagée.

Éviter les fuites d’émissions de GES

La tarification du carbone fait partie des stratégies clés pour inciter l’adoption de pratiques industrielles moins émettrices de GES. Le Québec a déjà fait un pas dans cette direction avec son système de plafonnement et d’échanges des émissions, le SPEDE.

Par contre, le prix sur le carbone doit être juste pour envoyer un signal fort, et celui-ci doit s’accompagner d’une réglementation et d’incitatifs pour éviter la délocalisation des GES. En d’autres mots, il faut éviter que des industries d’ici s’installent ailleurs pour poursuivre leurs activités fortement émettrices de carbone.

Cette fuite des émissions peut aussi être évitée avec l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières canadiennes et avec des représentations à l'échelle internationale pour encourager des systèmes cohérents en la matière. Établir un système de traçabilité de l’empreinte carbone favorisera l’achat de produits fabriqués localement.

Oui, mais le plastique?

Il faut noter que l’usage de certains produits provenant de la pétrochimie restera encore nécessaire pour une longue période, mais que leur remplacement graduel par des produits plus écologiques est nécessaire. Ces produits devront représenter une fraction très faible des produits manufacturés et s’insérer dans des circuits de recyclage ou de réutilisation pour en diminuer l’impact sur l’environnement.

En somme

Les avenues sont nombreuses pour entamer un virage vers une décarbonation du secteur industriel, mais l’essentiel est d’assurer une diminution totale de l’énergie et le recours à des énergies renouvelables tout en valorisant la circularité. Les travaux de recherche et développement doivent se poursuivre avec un soutien adéquat.

La Feuille de route Québec ZéN propose aux gouvernements, aux industries et à la population de nombreuses actions spécifiques qui découlent directement des principes résumés plus haut. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire le texte complet de la Feuille de route.

Questions ou commentaires?

Ce texte fait partie d’une série de 15 articles qui visent à faire connaître la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité Québec ZéN 2.0. Ce projet a été élaboré par des membres du Front commun pour la transition énergétique et leurs allié.e.s. Créé en 2015, le Front commun regroupe 90 organisations environnementales, citoyennes, syndicales, communautaires et étudiantes représentant 1,8 million de personnes au Québec.

 

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