Recrutement d’infirmières à l’étranger : où est l’éthique?

2021/10/20 | Par Pierre Prud’homme

Dans Le Devoir du 15 octobre dernier, nous apprenions que devant la pénurie d’infirmières, des agences privées québécoises de recrutement de personnel et le gouvernement du Québec cherchaient à faire venir de l’étranger plus de 4000 travailleuses de la santé, dont 3500 infirmières.

Dans cette compétition pour attirer des perles rares, des agences dénonçaient le manque de collaboration du ministère de la santé qui faisait preuve, selon elles, d’un « manque total de vision là-dessus », prétendant pouvoir le faire à moindre coût que le ministère.

Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que l’une d’entre elles détenait près de 2000 CV d’infirmiers et d’infirmières de l’Afrique subsaharienne dans sa base de données et que cette même agence avait proposé en 2019 un projet pilote de mise à niveau reconnue par l’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec à quelque 400 des Africains de l’Ouest qui avaient été présélectionnés!

Quand on connaît la capacité financière de ces pays qui n’arrivent pas à se payer les doses de vaccins dont leurs populations ont besoin pour faire face à la pandémie de COVID 19; quand on sait ce qu’exige à une société la formation d’une personne en soins infirmiers, en particulier dans les pays en voie de développement dont les ressources sont déjà limitées pour leur propre développement; et quand on est conscient qu’en pleine période de pandémie, tous les pays doivent pouvoir compter sur la totalité de leurs ressources, qu’elles soient humaines ou matérielles, suis-je le seul à avoir ressenti un profond malaise devant l’indécence d’aller « siphonner » des ressources humaines précieuses dans des pays beaucoup moins riches que nous et dont les besoins sont au moins tout aussi criants?

Tout comme pour les ressources du sous-sol africain pour construire nos appareils électroniques, le pouvoir que nous permet notre richesse collective ne nous donne pas le droit de nous approprier indûment des ressources humaines pour lesquelles ces pays ont investi des ressources d’autant plus précieuses qu’elles sont rares pour répondre à leurs besoins.

Oui, ayons de la vision, mais refusons celle-ci si elle n’est pas accompagnée d’une éthique qui intègre le respect des peuples et des nations.

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