Lock-out à la cimenterie Ash Grove

2021/11/05 | Par Gabriel Ste-Marie

L’auteur est député du Bloc Québécois

Le 22 mai dernier, la cimenterie Ash Grove de Joliette mettait ses travailleuses et travailleurs en lock-out. Un lock-out illégal, la convention collective n’étant même pas arrivée à échéance. Depuis, les 150 membres de la section 177 d’Unifor tiennent un piquet du petit matin jusqu’à la nuit venue devant le terrain de la cimenterie. Pour souligner les cinq mois du lock-out, le syndicat a organisé un imposant rassemblement le 22 octobre dernier.

Daniel Boyer, le président de la FTQ, était présent. Il accompagnait Renaud Gagné, directeur québécois d’Unifor. Des dizaines de syndicats des quatre coins du Québec étaient venus démontrer leur solidarité. Un autre rassemblement aussi imposant s’était tenu en juillet. De quoi encourager les lockoutés, dont Éric Giasson, le président du 177, et Josée Paquette, qui représente les employées et employés de bureau. Le moral, la détermination et l’énergie des lock-outés sont encore et toujours gonflés à bloc.
 

Un objectif idéologique

Tout porte à croire que l’objectif premier de la partie patronale est idéologique. Les négociations sont à l’arrêt et la direction a utilisé des briseurs de grève. À ce sujet, à la fin juillet, le tribunal administratif du travail a émis une ordonnance exigeant que la cimenterie arrête d’utiliser des scabs.

Lors du rassemblement, Renaud Gagné a rappelé qu’à la table de négociation, les pourparlers ne se sont même pas rendus aux enjeux salariaux. Par exemple, la partie patronale veut pouvoir licencier automatiquement tout travailleur qui ne se présente pas à son quart de travail. Et ce, dès la première faute, sans possibilité d’appel, peu importe la raison. De plus, le directeur québécois d’Unifor a expliqué que l’employeur fait tout ce qui lui est possible pour pouvoir recourir davantage à la sous-traitance et laisser ses employés sur le banc. Ce trop grand écart entre les parties a incité le ministère du Travail à suspendre les négos.

Lors de la négociation précédente, même si les relations entre patrons et travailleurs étaient loin d’être roses, le syndicat avait réussi à obtenir la signature d’une convention collective sans conflit. Depuis, l’irlandaise CRH, propriétaire de la cimenterie, a fait l’acquisition de l’américaine Ash Grove, qui gère désormais la cimenterie joliettaine. Présente aux États-Unis et au Canada, l’entreprise Ash Grove semble vouloir casser le syndicat. Si elle avait mieux connu l’histoire syndicale de la ville, l’entreprise aurait probablement choisi une autre usine où mener sa lutte idéologique.
 

Les installations en danger

En prévision du conflit de travail, Ash Grove avait fermé deux des quatre fours de l’usine en novembre de l’an dernier. Depuis son lock-out, elle doit faire venir par bateaux à fort prix des dizaines de milliers de tonnes de clinker, une composante entrant dans la fabrication du ciment qu’elle extrait normalement dans sa carrière sur les terrains de l’usine.

Tout cela dans un contexte où le prix du ciment atteint des sommets et où le Québec doit en importer. Cette volonté de vouloir faire reculer les conditions de travail des syndiqués se fait donc à un coût très élevé. L’entreprise se prive d’un important chiffre d’affaires et ses coûts augmentent.

Enfin, un arrêt des activités pendant l’hiver pourrait sérieusement endommager la cimenterie. Les syndiqués expliquent que l’usine est chauffée par l’activité des fours. Dans le cas d’un arrêt complet, le gel ferait éclater les conduites d’air et d’eau.
 

Toute la région affectée

Plus le conflit perdure, plus chaque partie y perd. L’économie du Grand Joliette écope aussi. Toute la région est donc préoccupée par le conflit. Le maintien d’un niveau d’emplois bien rémunérés est un enjeu non seulement pour les syndiqués et leurs familles, mais pour toute la communauté. On ne peut souhaiter qu’un retour rapide à la table de négociations, avec une attitude empreinte de bonne volonté de la part de la partie patronale, afin d’en arriver à une entente dans les meilleurs délais.

L’usine fait partie du paysage joliettain depuis plus de cinquante ans. On aperçoit ses quatre grandes cheminées juste avant d’entrer dans la ville. La cimenterie a été fondée dans les années 1960 par la famille Miron. Elle a été exploitée à partir des années 1970 jusqu’en 2009 par Ciment Saint-Laurent. Les relations de travail se sont détériorées lors de son achat par Holcim, qui l’a vendue en 2015 à CRH. Puis, l’Irlandaise a acheté Ash Grove à la fin de 2017.

On le sait, les cimenteries sont de grandes pollueuses. La cimenterie McInnis à Port-Daniel en Gaspésie arrive au premier rang dans ce domaine au Québec, devant les raffineries et les alumineries. Avant la fermeture de la moitié de ses fours, la cimenterie joliettaine arrivait au dixième rang.

L’urgence climatique nous force à revoir nos façons de faire. Il est notamment impératif d’opérer une substitution dans l’alimentation en énergie des cimenteries. Au début de ses négociations avec le gouvernement du Québec, McInnis s’était d’ailleurs engagée à produire son ciment à partir de résidus forestiers et à exporter toute sa production. Deux engagements brisés, une fois le contrat conclu avec les Libéraux.

Au moment où on commence à sortir de la pandémie, où l’on parle de relance économique en changeant nos façons de faire pour réduire nos émissions polluantes, Ash Grove manque une excellente opportunité pour moderniser ses installations afin de réduire ses émissions; elle préfère mener une lutte contre les conditions de travail de ses employées et employés. Souhaitons que ça change, et vite.

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