Laïcité et Quebec bashing : Si vous nous trouvez indignes de faire partie du Canada, on peut partir

2021/12/15 | Par Pierre Dubuc

La décision de retirer une enseignante voilée de sa classe, en application des dispositions de la loi 21 sur la laïcité, a provoqué une nouvelle salve de « Quebec bashing » en provenance du Canada anglais et la réaction indignée à bon droit de bon nombre de Québécoises et Québécois.

Comment sortir de ce cercle vicieux ? Puisons dans notre histoire, la solution s’y trouve. En 1917, le refus de la conscription par les Québécois a provoqué une réaction hystérique du Canada anglais. La presse anglophone vociférait contre le mouvement pacifiste québécois. C’est alors que le député J.N. Francoeur a déposé une motion à l’Assemblée législative du Québec en faveur de l’indépendance du Québec, une motion qui stipulait que le « Québec serait disposé à accepter la rupture du pacte fédératif de 1867 ». C’était la première fois que la question de l’indépendance du Québec refaisait surface sur la scène politique depuis les Patriotes de 1837-1838. Rapidement, le Canada anglais est revenu à de meilleurs sentiments à l’égard du Québec et Francoeur a retiré sa motion.

Bernard Landry et la motion Francoeur

Dans leur livre The Unexpected War (Penguin, 2008), Janice Gross Stein et Eugene Lang affirment que c’est la mobilisation contre la guerre en Irak au Québec qui est la cause principale de la décision de Jean Chrétien de dire Non aux États-Unis. Chrétien, soulignent-ils, craignait que l’adhésion du Canada à la guerre entraîne la réélection d’un gouvernement du Parti Québécois dont le chef, Bernard Landry, s’était prononcé contre la guerre.

Dans ses Mémoires, l’ambassadeur des États-Unis à Ottawa à l’époque, Paul Cellucci écrit que « le Québec constituait un problème tout comme les opposants au sein du Parti libéral qui ne voulaient pas voir le Canada trop se rapprocher des États-Unis d’un point de vue militaire ».

En fait, Bernard Landry m’a confié qu’il avait en tête la motion Francoeur et qu’il aurait pu déclencher un référendum pour l’indépendance du Québec en le justifiant par l’opposition des Québécoises et des Québécois à la participation du Canada à la guerre.

Il aurait pu faire campagne contre la guerre en s’appuyant sur l’extraordinaire mobilisation qui a vu à trois reprises, par des froids sibériens en plein mois de février, plus de 200 000 personnes, de toutes origines ethniques, descendre dans la rue pour s’opposer à la participation du Canada à la guerre en Irak.

Une question stipulant que le Québec était « disposé à accepter la rupture du pacte fédératif de 1867 » aurait fort probablement pu rallier une confortable majorité. Les conditions étaient réunies pour transformer le mouvement contre la guerre en mobilisation pour l’indépendance du Québec.

Le débat présent et à venir sur la loi 21 pourrait remettre à l’ordre du jour une nouvelle mouture de la « motion Francoeur ». Encore faudrait-il à Québec un gouvernement prêt à se tenir debout devant le Canada anglais !