Chili : un nouveau président et l’espoir d’une nouvelle constitution

2022/01/05 | Par Geraldo Vivanco

Au Chili, après deux ans de soulèvement social, le mouvement se poursuit. Celui-là même qui a obligé le gouvernement de droite de Sebastián Piñera à tenir un référendum, en octobre 2020, sur la constitution de 1980 héritée de la cruelle dictature civico-militaire. Le choix du peuple fut, à 80%, d’y mettre un terme. En mai 2021, les 155 membres qui allaient former l’Assemblée Constituante, chargée de rédiger la nouvelle constitution ont été choisis par les citoyens.

À la surprise générale, les candidats indépendants élus composent près du tiers de l’Assemblée Constituante. 17 postes ont été réservés aux représentants des Premières Nations. Les partis traditionnels ont été punis : la droite n’a pu cumuler le tiers des sièges requis pour influencer le contenu de la nouvelle constitution. À gauche, les partis qui ont gouverné en formant des coalitions entre 1990 et 2010 ont été dépassés par le Parti Communiste et le Frente Amplio formant la coalition « Apruebo Dignidad ».

Lors du premier tour de l’élection présidentielle, le 21 novembre 2021, les partis traditionnels et les partis qui ont gouverné durant la période post-dictature ont fait très mauvaise figure et nous avons assisté à une lutte inédite dans l’histoire politique du Chili.

Le candidat avec un programme conservateur d’extrême-droite, Josée Antonio Kast, a obtenu une avance de 2 % sur son plus proche rival, Gabriel Boric, représentant de la coalition de gauche « Apruebo Dignidad ». Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité, un deuxième tour a donc eu lieu le 19 décembre dernier.

Le résultat final est un grand triomphe du candidat issu des luttes étudiantes de 2011, Gabriel Boric, qui recherche pour le Chili une transformation sociale. Avec 55,9% des voix, il a vaincu l’alliance de l’extrême-droite qui en a obtenu 44,1%.

En votant Boric, les Chiliens ont l’espoir de protéger l’Assemblée constituante qui travaille à la rédaction de la nouvelle constitution qui inclura les grandes demandes qu’exige et propose la grande majorité du peuple.

D’autre part, l’extrême-droite unie derrière Kast mettra toutes ses énergies à continuer de déstabiliser l’Assemblée constituante. N’oublions pas l’interventionnisme du gouvernement actuel et ce que les grands médias de communication, aux mains du pouvoir politique et d’affaires, ont tenté de discréditer l’Assemblée en orchestrant des campagnes de désinformation.

Josée Antonio Kast et son Parti Social Chrétien, qui se sont déclarés défenseurs de l’ère Pinochet en offrant l’amnistie à tous les militaires de l’époque condamnés pour crimes contre l’humanité, souhaitaient imposer un État totalitaire et coercitif, avec la militarisation des territoires des Premières Nations, la restriction et le recul de la liberté et des droits citoyens, particulièrement au détriment des femmes. Son programme incluait le retrait et l’abandon de traités et organisations internationaux; le maintien du système néolibéral pur et dur au moyen de la vente d’entreprises de l’État.

Avec cette élection donc, nous avons fermé un chapitre pour en ouvrir un autre dans lequel l’espoir a gagné contre la peur, contre les stratégies de communication de l’extrême-droite, capable de donner de grands résultats en un court laps de temps, grâce à son pouvoir économique et à l’appui des médias et de journalistes sous le joug de ce même pouvoir économique.

Rappelons que le chemin vers la nouvelle constitution a été ouvert par un mouvement de révolte sociale sans précédent qui a coûté des vies, des lésions oculaires, des emprisonnements politiques, de la répression contre les Mapuche qui sont entourés de militaires. Ce mouvement continue de résister à la crise démocratique, institutionnelle, sociale, de droits humains et de santé.

Nous lançons un appel aux Chiliennes et Chiliens vivant à l’extérieur du pays ainsi qu’à leurs sociétés d’accueil qui ont appuyé la lutte de notre peuple. Cette situation est loin d’être terminée, il reste encore de longs mois à ce gouvernement qui a été dénoncé à maintes reprises pour violations des droits humains par plusieurs organisations internationales.

Ce n’est que le 11 mars 2022, que Gabriel Boric entrera en fonction comme président, et ce n’est que vers le mois de juin suivant qu’on devrait tenir un référendum pour approuver le texte de la nouvelle constitution qui libérera le Chili de ses crises, qui aidera à guérir les plaies du passé et du présent avec la vérité et la justice.

Je fais une grande accolade à toutes les personnes, organisations qui se sont intéressés à la cause du Chili et en ont été solidaires, à toutes les lectrices et tous les lecteurs, à L’aut’jounal qui me permet de publier ces lignes.