Mathieu Bock-Côté décrypté

2022/01/07 | Par Pierre Dubuc

Dans une entrevue accordée dernièrement à l’émission Dernier Rappel animée par Paul Journet sur les ondes de Radio-Canada, Mathieu Bock-Côté défend le « souci du pluralisme intellectuel » de la chaîne française CNews où il est maintenant un des animateurs vedettes. À Paul Journet qui l’invite à reconnaître un courant dominant carrément à droite sur cette chaîne, MBC déclare : « Le courant dominant est le souci du pluralisme. (…) La vertu de Cnews est de permettre une diversité de points de vue de s’y exprimer. Vous retrouvez Laurent Joffrin, qui est un ancien directeur de Libération. Il n’est pas reconnu comme étant un homme de droite. Vous retrouvez des figures plus conservatrices. Vous allez retrouver différentes tendances. C’est une chaîne d’info qui laisse une très grande place à la vie des idées. » 

En vérité, le « pluralisme » de CNews est fortement contesté, c’est le moins qu’on puisse dire. « Selon le journal Libération du 14 juin 2021, les statistiques sur la répartition des invités dans les émissions politiques en fonction de leur tendance politique donnent, à CNews, 36 % des cas à l’extrême-droite. Cette statistique représente uniquement les invités qui représentent un parti politique, sans inclure ceux qui ne sont pas membres, mais qui sont de la même idéologie telle que celle d'animateurs comme Zemmour avant d’être candidat. Si on ajoute les invités de la droite classique, c’est 65 % des invités politiques de CNews. » (cf L’empire Bolloré en France).

Le Canard enchaîné du 22 décembre 2021 est encore plus direct : « C’est du non-stop ! La Zemmour Parade démarre chaque matin sur CNews avec Pascal Praud puis Jean-Marc Morandini, elle se poursuit à midi avec Sonia Mabrouk, l’après-midi autour de Laurence Ferrari, le soir de nouveau avec Praud, suivi de Mathieu Bock-Côté et de Thomas Lequertier. Ouf ! Le respect du pluralisme et du cahier des charges de CNews a vécu. »

La chaîne est accusée de ne pas respecter les règles émises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'autorité française de régulation de l'audiovisuel, en diffusant les invités du « courant non dominant » la nuit, comme des chaînes québécoises diffusent de la chanson anglaise toute la journée et « respectent » formellement les quotas imposés par le CRTC en programmant la chanson française la nuit.

Le Canard enchaîné écrit : « LA Commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias a connu un grand moment, vendredi (10/12). Thomas Bauder, le patron de l’info de CNews, a tenté de justifier le non-respect du pluralisme de sa chaîne, sanctionnée par le CSA : ‘‘C’est vrai que l’actualité politique récente était plutôt à droite, il y avait beaucoup d’intervenants à droite, beaucoup de temps de parole à droite (…), mais nous faisons tout pour les équilibrer.’’ Relancé sur CNews qui diffuse les interventions du gouvernement et de la gauche en pleine nuit, Bauder a ajouté : ‘‘Sur le temps de parole de nuit, vous avez raison. Mais c’est, comment dire, transparent vis-à-vis du CSA. Le temps de parole de nuit, c’est pas du temps de parole caché. Il a pu y avoir un souci de bien faire. Et de rattraper du temps de parole…’’ »

 

L’extrême-droite

Mathieu Bock-Côté s’est aussi défendu d’être le faire-valoir d’Éric Zemmour « Dans mon travail, je n’ai ni à accompagner Éric Zemmour dans sa campagne ni à le diaboliser. » Une opinion qui n’est certes pas partagée par le journal Le Monde qui a récemment publié un portrait de MBC sous le titre « La doublure de Zemmour ».

Dans un autre segment de l’émission Dernier Rappel, MBC a refusé l’étiquette d’« extrême-droite » accolée à Éric Zemmour. « Éric Zemmour est accusé d’être d’extrême droite. Je pense que le concept d’extrême droite, aujourd’hui, ne sert pas à décrire, mais à décrier. L’extrême droite, selon moi, c’est la contestation des exigences démocratiques : les élections, le respect des libertés publiques. C’est aussi la tentation autoritaire. »

La « tentation autoritaire », le service d’ordre de Zemmour n’y a pas résisté lors du meeting de lancement de sa campagne en tabassant des opposants. La « contestation des exigences démocratiques » n’était pas non plus présente dans des vidéos, révélés par Mediapart, où deux supporteurs d’Éric Zemmour tirent à la carabine sur des cibles imaginaires. Casquette blanche sur la tête, avec la réplique zemmourienne « Ben voyons », ils tirent sur des ennemis invisibles (gauchistes, communistes, arabes), des drapeaux algériens, marocains, et… Emmanuel Macron.

Bien sûr, Zemmour a joué les indignés et juré que ces fiers-à- bras ne faisaient partie ni de ses « sympathisants », ni de ses « militants », ni de ses « amis ». Mais les médias n’ont pas manqué de rappeler qu’ils avaient sans doute trouvé leur inspiration chez Zemmour lui-même qui, dans une exposition, s’était emparé d’un fusil de précision militaire et s’était amusé à viser les journalistes en déclarant : « On rigole plus là, hein ? Et poussez-vous ! Reculez ! Reculez ! »

Et, bien entendu, « le concept d’extrême droite » n’est pas pertinent pour « décrire » le programme d’un candidat qui veut, entre autres, expulser de France deux millions d’étrangers au cours des cinq années de son mandat présidentiel, supprimer le droit du sol, le droit d’asile, le regroupement familial et toutes les aides sociales aux étrangers extra-européens. Tout cela se fera, bien évidemment, sans violence, ni autoritarisme.

Dans son entrevue accordée à Paul Journet, Bock-Côté conclut le volet sur les médias par ces mots : « La polarisation est un trait de la politique française. La tentation de la guerre civile les habite depuis toujours. »

Alors, passons de la parole aux actes ! Votons Zemmour !