Un cadeau d’un milliard à McGill

2022/02/18 | Par André Sirois et Gilles Paquin

Pour le Collectif contre la privatisation du Royal Vic

André Sirois est avocat auprès de l’ONU
Gilles Paquin est journaliste à la retraite

 

Le don de l’ancien hôpital Royal Victoria à l’université McGill proposé par le gouvernement Legault coûtera plus d’un milliard de dollars aux contribuables québécois et aura des conséquences absolument néfastes pour le français à Montréal, pour le mont Royal et pour le centre-ville estime le Collectif contre la privatisation du Royal Victoria.

Considérant qu’en 2016, McGill estimait déjà qu’un tel projet valait au bas mot 782 millions de dollars, on peut affirmer que ce cadeau que le gouvernement Legault envisage de lui offrir coûtera plus d’un milliard de dollars actuels aux contribuables québécois, si la CAQ persiste à privatiser ainsi le domaine public de l’ancien hôpital Royal Victoria, ses dépendances et les parties avoisinantes du mont Royal. Un cadeau des Québécois qui, selon le chercheur et auteur Frédéric Lacroix, doublerait quasiment la taille de l’Université McGill comme le confirment les 182 pages du Plan directeur de McGill pour ses développements futurs. Comble tragique de l’absurde, le gouvernement Legault ferait du coeur de la métropole francophone la forteresse suprême des anglophones.

Le Collectif rappelle que l’université McGill a déjà obtenu une première subvention de $37 millions du Québec, en 2018, pour effectuer une étude de «faisabilité» de la transformation de l’immeuble désaffecté en centre de recherche. En juin dernier, le gouvernement Legault s’est aussi engagé à contribuer jusqu’à 475 millions $ au projet d’agrandissement de cette institution privée. Il envisage aussi depuis des mois de lui céder le Royal Vic, ses dépendances et de vastes terrains sur le mont Royal, dont la valeur totale pourrait facilement dépasser les 500 millions $.

Il ne faudrait pas que, par un curieux raisonnement, le gouvernement Legault s’imagine que, parce qu’il a renoncé au don à Dawson, il peut maintenant faire un don de plus d’un milliard à McGill. Ce projet constitue pour les francophones un acte de dépossession majeur du mont Royal et de leur centre-ville en faveur du développement abusif de la Forteresse McGill.

La présidente du Conseil du trésor Sonia Lebel a néanmoins défendu le projet de loi spéciale privé adopté l’automne dernier visant à faciliter la privatisation l’ancien Royal Vic et une partie du mont Royal au profit de l’université McGill, ce qui permettrait à celle-ci d’étendre encore davantage son emprise immobilière anglophone sur le mont Royal et le centre-ville de Montréal. Il faut éviter cette tragique erreur.

En 2012, avant que l’hôpital Royal Victoria et l’Hôtel Dieu ne cessent leurs activités au centre-ville, le gouvernement Marois a demandé à des experts de se pencher sur l’avenir de ces institutions. Leur rapport recommande unanimement que celles-ci demeurent dans le domaine public. Le Québec doit garder le contrôle de ces sites exceptionnels. Le rapport recommande instamment que le gouvernement du Québec ne se départisse pas de ce terrain et de ces bâtiments, mais qu’il les mettent en location par bail emphytéotique.

Revenus au pouvoir, les libéraux ont néanmoins décidé de passer outre à ces recommandations et de donner à McGill le Royal Vic, ses dépendances et une partie du mont Royal. Puis, pour des raisons inexplicables, le gouvernement Legault a ensuite pris aveuglément le relais des libéraux et s’est engagé à donner cet immense domaine public à McGill.

Devant les protestations, la ministre de l’Enseignement supérieur Danielle McCann a déclaré que le gouvernement n’avait reçu aucun autre projet, ce qui est exact, pour la simple raison qu’elle n’a jamais fait d’appel de projets. Quoi qu’il en soit, le gouvernement doit préserver la propriété de cet immense ensemble et, pour tout projet, procéder à une location par bail emphytéotique comme le recommandent les experts.

Par ailleurs, le gouvernement Legault a même balayé du revers de la main la demande présentée par un regroupement d’une cinquantaine d’organismes (la Coalition Le Royal Vic pour le bien public) qui voulaient obtenir une chance égale et du financement afin de préparer un projet pour le site dans une perspective d’intérêt communautaire tout en le maintenant dans le domaine public.

Comme le soulignait récemment avec justesse le Mouvement Québec français : « Rappelons que les universités anglaises au Québec, McGill au premier chef, reçoivent déjà un financement public correspondant au triple du poids démographique de la communauté québécoise de langue anglaise. » « Ce site doit servir à l’avancement du bien public commun, ce qui veut aussi dire l’avancement de notre langue publique commune. (…) Une politique linguistique renforcée ne veut rien dire si elle ne s’accompagne pas d’une vision institutionnelle cohérente pour l’avenir du français. Or, se présenter en sauveur du français à Montréal tout en rajoutant des milliards en deniers publics pour l’essor de l’anglais, c’est précisément le contraire de la cohérence. » On ne saurait mieux dire.

Il n’est pas dans l’intérêt des Québécois ni des Montréalais de sacrifier ainsi leur domaine public au profit d’une institution privée et de faire inconsidérément ce cadeau de plus d’un milliard de dollars à l’Université McGill. Le gouvernement Legault doit se raviser.