Ça suffit, Jean-François ! Un peu de sérieux !

2022/03/08 | Par Pierre Dubuc

Jean-François Lisée aime à répéter qu’il a été conseiller spécial de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard. Réjouissons-nous aujourd’hui qu’il ne conseille pas les dirigeants et généraux de l’OTAN. Dans sa chronique du Devoir du 5 mars 2022 – qui le déshonorerait à jamais, s’il fallait le prendre au sérieux – intitulée « Ça suffit ! Allons-y ! », il milite pour l’instauration d’une « No fly zone » par l’OTAN au-dessus de l’Ukraine au risque de provoquer une guerre totale, comme l’expliquait le secrétaire général Jens Stoltenberg de l’OTAN, qu’il cite : « On comprend le désespoir, mais si nous faisons cela, on pourrait se retrouver avec une guerre totale en Europe impliquant beaucoup plus de pays et beaucoup plus de souffrance ». Mais, loin de l’Europe, loin des théâtres de guerre, assis dans son salon d’Outremont, Lisée nous dit qu’il faut « y aller » ! Go ! Go ! Go !
 

Monsieur Sondage

Lisée a toujours fondé ses politiques sur les sondages. À tous les colloques, conférences, débats, il arrivait toujours bardé de sondages. Il était l’incarnation même de la volonté populaire. Comment osé le contredire ! Aussi, quand ses sondages lui ont dit que l’indépendance ne recueillait plus la ferveur populaire, il l’a reporté aux calendes grecques. Et il a réussi à convaincre une majorité des membres du Parti Québécois de le suivre dans cette voie.

Aujourd’hui, il vient de faire ses comptes : « Près de la moitié des Français (45%), des Américains (48%) et une nette majorité des Canadiens (61%) sont favorables à ce que leurs soldats participent à une action combinée de l’OTAN en Ukraine ». Et ces sondages, c’est béton, parce que « ces appuis ne vont que croître à mesure que les images de destruction et de détresse humaine vont se multiplier ». Qui, déjà, a dit que la première victime de la guerre est la vérité ?

L’Histoire nous apprend que les populations s’enthousiasment toujours pour la guerre lors de son déclenchement. Puis, les gens s’intéressent de plus près aux véritables enjeux, en discutent, en débattent. Et, souvent, l’opinion se retourne, surtout quand les premiers cercueils reviennent.
 

Appel à la guerre totale

Ce qui est particulier dans le cas de Lisée, c’est l’étendue de son appel à la guerre. Selon lui, « la résistance des Ukrainiens et la mobilisation de l’opinion internationale » (toujours les sondages) rendent « possible de ne plus faire du début du XXIe siècle le récit de l’avancée inéluctable des dictatures et du recul des démocraties ». Tout un programme !

Si on le comprend bien, à partir des exemples qu’il donne, les réponses « mesurées » – ou l’absence de réponses – des puissances occidentales, lors l’invasion de la Crimée et du Donbas par la Russie ou de la répression à Honk-Kong ou à l’endroit des Ouïgours par la Chine auraient dû – ou devrait dans le cas de l’invasion pressentie de Taïwan par la Chine – provoquer de la part de l’Occident un tonitruant « Ça suffit. Allons-y ». Autrement dit, Lisée juge que l’opinion mondiale est prête pour une Guerre mondiale! Les sondages le confirmeront!

Pour relativiser l’analyse prospective de Lisée et de ses sondages, rappelons que le Parti Québécois, sous sa gouverne, a réalisé le pire score de son histoire. Je l’appelle donc à la prudence dans ses appels à une guerre mondiale. Il se pourrait bien que les dictatures l’emportent !