À la SHDM, la grève et la solidarité ont payé

2022/04/05 | Par Orian Dorais

Après quatre années sans convention collective, une entente vient d'être adoptée entre la partie patronale de la Société d'Habitation et de Développement de Montréal (SHDM) et ses employés, représentés par le Syndicat des Cols Bleus de Montréal (SCFP-FTQ). Selon Luc Bisson, le président du Syndicat, une entente aurait pu survenir beaucoup plus tôt, n'eut été de l'intransigeance de la direction de la SHDM, qui, par ailleurs, ne rechigne pas à rémunérer grassement ses cadres. Retour sur ce long conflit de travail.

O. : M. Bisson, pouvez-vous me résumer les principaux évènements des négos ?

L. B. : Donc, les cols bleus de la SHDM sont une des 25 accréditations représentées au sein de notre syndicat. La convention 2013-2017 qui protégeait les travailleurs et travailleuses de la SHDM est échue depuis le 1er janvier 2018. Je rappelle, et c'est très important, que cette convention 2013-2017 a été signée au printemps 2012, donc sept mois AVANT son entrée en vigueur. Aujourd'hui, on est plus que quatre ans après la date où une nouvelle convention aurait dû entrer en vigueur, soit le Nouvel An 2018, et on vient d'arriver à une entente de principe.

Vous voyez la différence majeure entre une direction conciliante au point de régler des mois avant la date prévue et une direction intraitable qui laisse ses employé.e.s des années sans une entente acceptable. C'est pas un hasard, parce que, dans les dernières années, il y a eu des changements administratifs à la tête de la SHDM et, depuis, la politique patronale a été de ne rien céder dans les négos. Même que les cols bleus de la SHDM se sont donné un mandat de grève au début décembre 2021 et le retour au travail n'est prévu que pour le 11 avril 2022. Un peu plus que quatre mois de grève. La population nous a beaucoup encouragés, des gens nous écrivaient pour nous dire à quel point ils avaient hâte de revoir nos cols bleus au travail.

O. : Et quel bilan tirez-vous de ces négos, de cette grève?

L. B. : L'aspect positif, c'est qu'une entente de principe a enfin été conclue et acceptée par les deux tiers des syndiqués de la SHDM. On a réussi à leur dégager une augmentation totalisant 14,85 % sur la période 2018 à 2024, en plus de primes de services et de primes de déplacement, donc une rémunération supplémentaire en fonction du kilométrage parcouru.

Parlant du déplacement, je tiens à souligner que, pendant toute la pandémie, et encore aujourd'hui, les cols bleus de la SHDM ont eu à se déplacer, à payer pour de l'essence, dans un contexte d'inflation galopante. Les cols bleus, contrairement aux cadres administratifs, pourtant mieux payés, n'ont pas pu faire de télétravail. Ils ont dû dépenser pour travailler...

De plus, les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations se sont pas mal détériorées. La direction de la SHDM a recruté un avocat pour négocier à sa place. C'est la première fois que notre syndicat doit négocier avec une tierce partie. Une tierce partie qui coûte très cher. En passant, les services d’un avocat c'est pas donné. Puis, ça nuit beaucoup à la proximité des travailleurs avec leurs patrons.

Je tiens à rappeler que la directrice de la SHDM gagne presque 200 000 $ par année, donc plus que la mairesse Plante, et que neuf nouveaux membres se sont ajoutés au conseil d'administration. La Société a un revenu de 75 millions $ par année. Pourtant, cette même direction nous dit qu'elle ne peut pas trop augmenter le salaire des cols bleus, parce que ça couterait trop cher.

Un autre aspect que je déplore est le refus de la SHDM de titulariser ses cols bleus qui travaillent comme paysagistes. La plupart de ces paysagistes sont des femmes. Elles gagnent à peine plus que le salaire minimum et, maintenant, la direction refuse même de leur garantir une sécurité d'emploi pour les prochaines années. Est-ce que le but ultime, c'est de confier l'entretien paysager au privé ? En tout cas, je pensais qu'on avait passé l'époque du cheap labour féminin...

O. : Vous avez mentionné la mairesse Plante, que beaucoup décrivent comme une gauchiste (même quand elle fait démanteler des campements de sans-abris par la police). Est-ce que son administration vous a aidé dans la résolution du conflit ?

L. B. : Non. Pas vraiment de support du cabinet de la mairesse ni de son parti. Par contre, on a eu beaucoup de soutien de la part du Syndicat des Cols blancs. Les cols blancs nous ont accompagnés dans des manifestations, entre autres devant le bureau Accès Montréal de Ville-Marie. L'administration municipale, qu'elle soit de Projet Montréal ou autre, sait que, dorénavant, entre les cols bleus et blancs, c'est « enjeux communs, front commun ».