Pensionnats autochtones: un désastre qu’on aurait évité

2022/04/05 | Par Dominique Bhérer

L’auteur habite Maniwaki

On aurait évité de grandes souffrances aux enfants et à leurs parents et obtenu plus rapidement de meilleurs résultats scolaires si, à l’instar du Père Guinard en 1924, on avait enseigné pendant les mois d’été alors que les familles étaient réunies dans les villages. Les enfants auraient pu continuer à accompagner leurs parents pour hiverner dans leurs territoires familiaux. Très peu de gens connaissent l’existence et l’importance pour les premières nations de ces territoires, décrits par l’anthropologue Speck il y a 100 ans1.

Dans ses mémoires, le père Joseph-Étienne Guinard (1864-1965), missionnaire à Maniwaki, explique que sur les conseils du père Blanchin, missionnaire à Masteuiash (Pointe Bleue), et connaissant l’échec des écoles de Rapid Lake et de lac Victoria où on enseignait pendant 10 mois, a convaincu Ottawa de payer les salaires d’institutrices qu’il a engagées pour enseigner pendant les mois d’été. La première école, celle d’Obedjwan, ouvrit le premier juin 1924, confiée à Mlle Alexandra Bibeau de Grondines.

En trois ou quatre mois, les enfants apprenaient à lire, écrire, compter. Les institutrices, qui ne parlaient pas la langue de leurs élèves, devaient d’abord leur enseigner le français grâce à des images2. (pages 176 à 185). Ce qui démontre la grande capacité d’apprentissage des enfants qui a inspiré le proverbe qui dit qu’enseigner à un enfant, c’est graver dans la pierre.

Le père Guinard n’eut pas de problèmes de recrutement devant plutôt refuser des candidates enseignantes. Une d’entre elles lui a demandé pourquoi ses élèves faisaient très peu de fautes d’orthographe, contrairement aux autres québécois. Il lui répondit que c’était probablement dû à leur sens de l’observation très développé nécessaire pour se retrouver en forêt.

Évidemment, ni les politiciens, ni les hauts-fonctionnaires, ni les autorités religieuses n’allaient tenir compte de l’expérience d’un simple missionnaire ni même de l’avis du responsable médical en chef des affaires indiennes de 1904 à 1917, le Dr Bryce, qui a dénoncé en vain le sort des enfants dans les pensionnats qui avaient alors un taux de mortalité entre 14 et 24 %3.

1-Speck, Frank, The family hunting band as the basis of alkonquian social organisation.
https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1525/aa.1915.17...
2-
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2096590?docref=7gei1xLoScla8ss_b6OqPQ
3- https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Bryce The Story of a National Crime: Being a Record of the Health Conditions of the Indians of Canada from 1904 to 1921.