La paix s’oppose à toute propagande

2022/04/12 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est secrétaire général des Artistes pour la Paix
 

Remise d’une deuxième Palme d’Or à Cannes au cinéaste serbe Emir Kusturica pour Underground (BHL collabo de l’OTAN en Libye, avait crié au meurtre : il plombe aujourd’hui la campagne de la candidate socialiste aux présidentielles françaises).

La première propagande, russe, est imposée par un régime de fer qui n’hésite pas à emprisonner toute personne qui contrevient à la censure gouvernementale interdisant le mot « guerre » pour imposer le terme « opération militaire » dont il n’est jamais permis d’évoquer les cafouillages stratégiques. Toute bavure violente de l’armée russe (tueries de civils, bombardements d’hôpitaux, gares, refuges et même centrales nucléaires) est déclarée officiellement impossible et procédant d’une « mise en scène occidentale » : les citoyens russes qui colportent des images prouvant le contraire sont également emprisonnés. Les seuls pays amis sont ceux qui ne remettent pas en question cette propagande et bénéficient alors de livraisons avantageuses de pétrole ou de gaz, telle la Hongrie d’extrême-droite, isolée de l’Europe; mais aussi tels les pays majoritaires du Sud, faisant partie ou non de l’Organisation de Coopération de Shangaï i.

La seconde, plus souple, occidentale, consiste à empêcher toute entrevue et la circulation de toute publication qui remettent en question le narratif de l’OTAN et du gouvernement américain selon qui toutes les manœuvres militaires russes (se concentrer sur le Donbass, replier ses troupes « menaçant » Kyiv alors que Poutine avait annoncé dès le premier jour qu’il n’avait pas l’intention d’occuper la capitale ukrainienne) ne peuvent s’expliquer que par la résistance armée du peuple héroïque ukrainien.

Cette propagande impose que la solution à la guerre en Ukraine ne peut être que militaire, un mensonge favorisant le complexe militaro-industriel-médiatico-académique-humanitaire. Pourquoi médiatique? Lire l’article d’un groupe de recherche indépendant suisseii. Pourquoi humanitaire? C’est qu’il s’est développé en dehors des agences utiles de l’ONU (UNICEF, UNHCR) tout un réseau de sauveurs d’humanité souvent bien intentionnés et encouragé par des dons de milliardaires, car nos sociétés capitalistes adorent la charité, puisqu’elle les dispense de justice sociale et fiscale : cf les démêlés des familles Trudeau et Morneau avec WE-Unis Charity.

Nous avons dénoncé la première propagandeiii, par des articles de Jean Bédard et d’André Jacob et par une lettre signée par 110 personnes adressée en protestation à l’ambassadeur russe à Ottawa, mais comme nos médias diffusent à la tonne des articles sur le sujet, il va de soi que notre devoir de pacifiste est maintenant de se concentrer sur la difficile et ingrate mission de dénoncer la seconde qui infeste nos médias.

Pourquoi? Parce qu’il est tout-à-fait ignoble de faire croire que l’OTAN est amie de l’Ukraine, alors que son Secrétaire général Stoltenberg vient d’annoncer qu’il faut se préparer à six mois de guerre au moins, confirmant ainsi la conjuration au président Zelensky de l’ex-président de l’Afghanistan en exil, Hamid Karzaï, de ne pas permettre aux Russes et aux Américains de s’affronter sur son territoire, comme ils l’avaient fait depuis 1979 en son pays maintenant totalement dévasté et ruiné.

La livraison d’armes canadiennes à l’Ukraine, annoncée dans le budget du 7 avril, ne fera qu’allonger la résistance et le nombre de morts ukrainiennes, à moins d’un revirement de situation hautement improbable, tel le renversement de Poutine. Alors qu’une humble reconnaissance par le Canada des erreurs du gouvernement conservateur et de son ministre Baird qui avaient appuyé la révolution du Maidan et les attaques subséquentes nazies contre les russophones apaiserait la situation en favorisant une négociation revenant aux principes des accords de paix de Minsk.

Il est intéressant de relire l’article sur Kusturica de février 2015 où il ne se privait pas de dénoncer la censure de l’empire américain s’attaquant à la cultureiv. L’article est aussi riche de ses commentaires et de ses nombreuses références à l’Ukraine, entre autres à David Mandel parce que nous adhérons à son explication des faitsv : n’est-elle pas la meilleure façon de dénoncer la propagande de nos médias et de notre gouvernement?

Les Ukrainiens ne doivent pas mourir pour « la liberté » de posséder des armes nucléaires!