Plus d’anglais, moins de français, on n’arrête pas le progrès !

2022/05/06 | Par Suzanne-G. Chartrand

L’autrice est retraitée de l’enseignement, prix de la meilleure thèse de doctorat portant sur la didactique de l’argumentation écrite (Éducation, Université de Montréal, 1992), coordonnatrice de Debout pour l’école !
 

On apprenait dans La Presse du 28 avril que le gouvernement s’apprête à autoriser un programme d’anglais enrichi dès le primaire. Position totalement électoraliste de la part d’un gouvernement nationaliste qui prétend défendre la langue française en péril au Québec, principalement dans la région métropolitaine. Ajouter des heures d’anglais, c’est nécessairement en enlever à d’autres matières et qui sera le dindon de la farce, pensez vous ?

J’ai enseigné le français en 5e année secondaire dans les années 1980, puis ai contribué à former les enseignantes et enseignants de français durant plus de vingt ans dans des programmes universitaires. Pendant tout ce temps, j’ai régulièrement analysé l’examen de français de 5e secondaire du Ministère en tant que didacticienne du français, spécialisée dans l’enseignement et l’apprentissage de l’écrit et de l’argumentation. Et je n’ai cessé de dénoncer publiquement cet examen mal foutu et dont le contenu n’a cessé de se détériorer au fil des ans. La dernière mouture de l’examen de français de 5e secondaire est scientifiquement inacceptable ! Je suis prête à en débattre avec les responsables du MÉQ.

On m’objectera peut-être que la très grande majorité des élèves québécois réussit cet examen haut la main ? Eh oui, ils ont pendant plusieurs mois appris par cœur comment remplir le moule, c’est-à-dire le plan du texte attendu et les tous les trucs pour réussir. Pourtant, une fois titulaires de leur diplôme d’études secondaires, combien se retrouvent dans les centres d’aide en français au cégep, car considérés trop faibles en français écrit pour réussir leur scolarité. La majorité obtiendra leur diplôme d’études collégiales, mais, rebelote, combien se retrouveront à leur entrée à l’université avec des mesures de soutien en français ? Et que dire de la qualité du français écrit de nombre de thèses de doctorat, tous domaines confondus ?
 

Des examens bidon

Cela illustre que ces examens ministériels sont des passoires et ne valident pas de réelles compétences en français écrit. Des chercheurs viennent de mener une étude sur celles-ci dans un programme universitaire et sont estomaqués par la faiblesse généralisée des étudiantes et étudiants dans les domaines de la construction d’un texte, du vocabulaire, de la syntaxe et on ne parle même pas de l’orthographe, évidemment catastrophique.

Alors, plutôt que de privilégier encore l’anglais, langue dominante dans le mode entier, impérialisme états-unien oblige, il serait nettement plus urgent d’accorder plus d’importance au français parlé et écrit au primaire et au secondaire, de dégager nettement plus de temps pour faire écrire, réécrire et apprendre aux élèves à se corriger, de cesser d’occuper le temps disponible par des évaluations incessantes pour finalement faire passer tout le monde, ou presque, réussite et taux de diplomation obligent. Et on voudrait faire de même avec un examen ministériel d’anglais !

À quand une réelle politique qui fera du développement des compétences langagières en français des élèves une responsabilité de tous les personnels scolaires ? Pourquoi la classe de français serait-elle condamnée à n’être qu’une obligation plutôt qu’une source infinie de découvertes et de fierté pour tous les élèves ? C’est plus qu’urgent !