Film Black de Montréal : Un festival en pleine maturité

2022/09/20 | Par Julien Beauregard

L'été tire à sa fin, mais la saison des festivals continue de faire vibrer la ville de Montréal toute l'année et de faire mentir les rabat-joies qui ne reconnaissent pas la vitalité de la métropole francophone. C'est effectivement au nom de ce caractère festif de la ville que la coordonnatrice en chef du Festival international du film Black de Montréal (FIFBM), Andrea Este, s'enthousiasme pour la tenue de la 18e édition de l'évènement. L'aut'journal s'est entretenu avec elle.

Cette année, le FIFBM présente une sélection de 95 films qui paraitront tant dans les différentes salles montréalaises de l'Impérial, du Beaubien, du Quartier latin, de la Cinémathèque québécoise, du Cinéma du Musée et du Cinéma du Parc que dans une offre en ligne.

En effet, l'offre en ligne est un héritage du Grand Confinement qui a vu les salles de spectacle fermées pour des raisons sanitaires. Comme plusieurs autres l'ont fait, les organisateurs du festival se sont tournés vers ce type de présentation. Aujourd'hui, Andrea Este y voit une façon d'atteindre un nouveau public.

Comme film d'ouverture se tiendra au Cinéma l'Impérial la présentation du documentaire Lovely Jackson, de Matt Waldeck racontant l'histoire de Rickey Jackson, condamné injustement à la chaise électrique en 1976 avant d'être libéré en 2014. Madame Este évoque un film qui s'amorce dans le désespoir, mais se conclut de façon lumineuse.

Le film de clôture est une fiction française intitulée Tropique de la violence, de Manuel Schapira. Son synopsis évoque le récit initiatique et mouvementé d'un enfant forcé à vivre en marge de la société à Mayotte, une île française située près de l'île de la Réunion.

En plus, la programmation prévoit des présentations spéciales avec invités et discussions ouvertes, comme Kaepernick and America, de Tommy Walker et Ross Hockrow, un documentaire qui revient sur l'agenouillement symbolique de Colin Kaepernick en 2016. Seront présents pour l'occasion des athlètes québécois qui partageront l'influence de ce geste sur leur carrière et le rôle qu'ils ont à jouer comme figure publique au sein de leur communauté.

Dans le cadre de la présentation du documentaire A Star without a star (Juanita), de Kirk E. Kelleykahn, qui revient sur le parcours de la comédienne Juanita Moore, pour qui aucune étoile n'a été créée au fameux Walk of Fame d'Hollywood alors qu'elle avait été mise en nomination aux Oscar en 1959 et qu'elle s'inscrivait dans la continuité du parcours de Hattie McDaniel, récipiendaire d'un Oscar pour son rôle dans Gone with the wind (1939). Des membres de l'entourage de Juanita Moore devraient être présents au cours de la représentation du film qui aura lieu au Cinéma du Musée.

Ce désir d'étendre la portée du festival va au-delà du circuit traditionnel des grandes salles. Il profite également de celui des institutions communautaires comme la Maison de la Culture Côte-des-Neiges, où sera diffusé le documentaire Dear Jackie, du réalisateur Henri Pardo, portant sur la communauté noire de la Petite-Bourgogne dans le sud-ouest de Montréal sous la forme d'un message envoyé à Jackie Robinson, premier homme noir à intégrer le circuit professionnel du baseball américain.

Le FIFBM sera également présent à la maison d'Haïti et à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord avec une programmation spéciale de courts-métrages, dont certains sont adaptés à un plus jeune public.
 

Un festival en mission

Lorsqu'elle est interrogée sur les critères de sélection des films à présenter, Andrea Este évoque bien sûr des critères esthétiques, mais aussi la présence de personnes noires devant ou derrière la caméra. Elle rappelle que Fabienne Colas, avec sa fondation éponyme, a mis sur pied en 2005 ce festival en réaction à leur faible présence dans le milieu cinématographique. Par ailleurs, cette année, la fondation Fabienne Colas lance le projet de l'Institut Festwave qui permettra de favoriser l'émergence d'une prochaine génération de créateurs.

Madame Este rappelle que le FIFBM est une occasion en or pour les gens du milieu de se rencontrer et de fraterniser. Son existence dépasse les frontières du Québec et existe dans cinq autres villes canadiennes. Il vise aussi à s'exporter et à reproduire l'expérience faite en 2018 à Salvador au Brésil.

Tout comme au départ le festival restreignait sa portée aux artisans haïtiens avant de s'ouvrir internationalement, aujourd'hui, il élargit son influence à d'autres formes d'art. Et ce n'est qu'un commencement, promet Andrea Este. En effet, le FIFBM inaugure cette année un Pop-up Market qui se tiendra à la Cinémathèque québécoise où des artistes, des créateurs de la diaspora noire exposeront leurs œuvres et leurs produits.

Soulignons finalement qu'à 18 ans, le festival a atteint sa pleine maturité. Il jouit d'une réputation grandissante et se languit de toucher un public de plus en plus varié, mais aussi de voyager et de nous faire voyager.

Le Festival du film Black de Montréal
du 20 au 25 septembre 2022
https://montrealblackfilm.com/