Attache ta tuque !

2022/10/26 | Par Michel Rioux

Ainsi donc, pour une gauche nourrie sans doute au caviar, comme pour ces Apôtres de l’amour infini qui préfèrent visiblement se complaire dans leurs fantasmes en chantant « Tout le monde, il est beau! Tout le monde, il est gentil! », le voile islamique ne serait rien d’autre qu’une espèce de tuque comme on en porte chez nous en hiver, ou encore ne serait qu’un vulgaire bout de tissu dans lequel seule la mauvaise foi pourrait amener quelqu’un à voir des symboles inventés.

Des amis me disent qu’au Québec, c’est pas pareil !

Mais bon sang ! Comment un objet peut-il être, dans plusieurs pays, un signe d’oppression tel que des femmes sont prêtes à mourir pour qu’on les en délivre, comme c’est tragiquement le cas aujourd’hui en Iran, et qu’on puisse le considérer ici comme un signe de libération ! Même un jésuite pur jus, versé dans la plus absconse des casuistiques, n’arriverait pas à résoudre la quadrature de ce cercle.

Dans le Globe & Mail, une commentatrice, Marsha Lederman, publiait il y a quelques jours une chronique ayant pour titre : « Cessons de dire aux femmes ce qu’elles doivent porter, en Iran et ici. » En matière de banalisation, difficile de faire mieux ! Établir une équivalence entre les 200 femmes assassinées en Iran pour se délivrer du voile et les quelques femmes qui ne peuvent, comme le prescrit la loi 21, occuper une fonction d’autorité en portant le voile illustre bien à quelles profondeurs abyssales peut conduire la rectitude politique.

Militante pour la laïcité, Nadia El-Mabrouk a déploré dans Le Devoir que la Fédération des femmes du Québec se soit livrée à un amalgame en « insinuant que le gouvernement du Québec, tout comme le régime des mollahs d’Iran, imposerait une façon de s’habiller aux femmes ».

La grande victoire de l’islam politique depuis trente ans aura été de faire de ce qui n’a rien à voir avec la religion un symbole de la sujétion ordinaire. Et ils sont plusieurs à participer à cette déplorable banalisation.

Le gouvernement de notre postnational Justin a mis en circulation une publicité dont la vedette était une fillette portant le voile.

Le 21 octobre dernier, le Parlement européen votait un amendement interdisant que des fonds publics soient désormais consacrés à la promotion du hijab. L’année dernière, la Commission européenne avait en effet lancé une campagne dont le slogan était : « La beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hijab. »

Les HEC, haut lieu supposé du savoir et de la science, ont fait récemment une campagne de recrutement dont le personnage principal était une femme voilée.

Ensaf Haidar, qui fut candidate du Bloc Québécois dans Sherbrooke et femme de Raif Badawi, s’est insurgée. « En tant que musulmane pacifique, j’insiste sur le fait que le voile ne vient pas de l’Islam et qu’il est un symbole de l’esclavage et de l’oppression des femmes. Arrêtez d’abuser des femmes avec des publicités aussi stupides. »

Une animatrice de la CBC, Ginella Massa, présentait il y a quelques semaines un reportage sur la répression menée par la police des mœurs contre les femmes qui mettent le feu à leur tchador. La présentatrice était… voilée ! Comment a-t-elle pu ne pas entendre ce cri d’une jeune Iranienne : « Je manifeste avec les gens qui dansent et qui pleurent. Je suis fatiguée d’être l’esclave de ces islamistes. Je me suis juré que je ne porterai plus jamais le voile. Je vois chaque jour des centaines de femmes qui font de même, pour se délivrer de cette oppression. »

Les maisons de haute couture comme H & M, Oscar de la Renta, Tommy Hilfiger et autres n’ont pas manqué de s’engouffrer dans ce filon dans lequel valsent des milliards de dollars. On estime que les ventes liées à la mode islamique dépassent les 370 milliards de dollars. Une créatrice de mode étasunienne a écrit : « Peu importe l’évènement, le hijab doit sublimer la tenue. C’est pour ça qu’on a voulu proposer des modèles de luxe, faits de soie, de tulle et de dentelle, et ornés de broches personnalisées. » Des parures hautement détaillées dont le prix varie de 350 $ à 450 $. Davantage que tout ce que je porte, souliers compris.

Dans une lettre collective, un groupe de femmes féministes a dénoncé ce silence: « En tout cas, on ne peut que déplorer que celles et ceux qui ne manquent pas une occasion de dénoncer le patriarcat lorsqu’il est blanc s’enferment dans le mutisme lorsqu’il ne l’est pas. (…) Par cette lettre, nous en appelons aux féministes québécoises : cessez de vous complaire dans le confort de l’indifférence. »

En espérant qu’au Québec, nous n’en arriverons pas à mourir pour pouvoir enlever sa tuque !