Les Juifs de Strasbourg

2022/11/25 | Par Michel Rioux

Le pape Clément VI avait pourtant proclamé, ex cathedra, dans une bulle pontificale datée de septembre 1348, que la peste ne faisait pas de distinctions entre les Juifs et les chrétiens. Il ignorait que c’était le bacille de Yersin, mais il savait que ce n’étaient pas les Juifs.

N’empêche !

Cinq mois plus tard, en février 1349, dans la ville française de Strasbourg, citée de nos jours en exemple comme haut lieu de l’esprit européen, 1000 Juifs montaient sur le bûcher « pour empêcher la peste d’entrer à Strasbourg. Il fallait neutraliser ceux qui étaient soupçonnés de la propager. Or, de Suisse, venait le bruit que les Juifs étaient à l’origine de la peste », raconte la chronique du temps.

Dans l’Ancien Testament, on appelait l’animal qui portait sur son dos tous les péchés du monde le « bouc émissaire ».

C’est à croire que si ce pays postnational qu’est le Canada de Justin Trudeau ne brille pas comme il le devrait au firmament de ces grands pays qui font l’envie du monde entier, c’est la faute de ce Québec, éternel empêcheur de tourner en rond.

L’histoire est jonchée de ces occasions où ce garnement de Québec a refusé de marcher au même pas que le Canada.

Les deux grandes guerres ont été la scène d’une farouche résistance à la conscription chez ceux qu’on appelait alors les Canadiens français.

Le Québec a refusé, en 1971, la Charte de Victoria, que Pierre Elliot Trudeau voulait lui imposer. L’objectif du fédéral était de s’inviter dans un champ de compétences qui n’était pas le sien, à savoir les politiques sociales.

En 1987, à l’occasion du débat entourant l’Accord du lac Meech, l’ex-premier ministre Trudeau, comparaissant devant un comité de la Chambre des Communes, avait exposé sa position, qui est absolument contraire au sentiment québécois. « C’est qu’il doit y avoir vis-à-vis son pays, sa nation, son peuple, une loyauté plus grande que la somme des loyautés vis-à-vis les provinces. Autrement dit, il y a un bien commun canadien qui élargit en quelque sorte le bien commun de chacune des provinces. Il doit y avoir une adhésion pour que cet esprit national existe : il doit y avoir une adhésion à cette chose plus large qui s’appelle le Canada. »

Le problème pour cette vision trudeauiste, c’est que les Québécois, en forte majorité, se voient d’abord et avant tout comme des Québécois et non pas comme des Canadiens, ce que sont en premier lieu les Ontariens, les Manitobains et les habitants de toutes les provinces anglophones.

Si les pétrolières de l’Ouest canadien ne réussissent pas à faire passer leurs pipelines sous 830 de leurs cours d’eau, c’est la faute de ces Québécois qui refusent de voir que l’avenir, c’est dans les énergies fossiles qu’il se trouve. TransCanada, l’entreprise qui met en avant ce pipeline nommé Énergie Est, précisait à l’époque qu’il traverserait 46 cours d’eau dits éphémères, 395 cours d’eau dits intermittents, 233 petits cours d’eau permanents, 94 moyens cours d’eau permanents et, surtout, 28 grands cours d’eau permanents, dont le fleuve Saint-Laurent.

Voilà ce qui s’appelle refuser de se faire passer un sapin, même déguisé en pipeline…!

Le Québec a aussi dit non au projet de gaz naturel liquéfié, puisé en Alberta et en Colombie britannique, qu’on voulait installer au Saguenay. Ici, il n’est pas question d’exploiter le gaz naturel par fracturation hydraulique, malgré les efforts de Lucien Bouchard, payé par l’industrie pour nous en convaincre.

Contrairement à toutes les autres provinces, jamais le Québec n’a accepté de signer la Constitution imposée par le fédéral il y a 40 ans.

Le Québec bashing a cependant atteint un sommet il y a quelques jours. Selon ce qu'on pouvait lire en une du Toronto Star, la pénurie de Tylenol pour enfants serait largement due à l'obligation du bilinguisme sur les produits vendus au Canada. On peut s’attendre à ce que bientôt, des fermiers de la Saskatchewan nous accusent de ce que leurs vaches ne livrent plus que du lait en poudre…

C’est la faute à El Niño, chantait Plume Latraverse. Ou encore, aux Juifs de Strasbourg…

Mais tout n’est pas perdu…

Il y a 50 ans, le regretté Jean Lapointe avait écrit une chanson qui avait soulevé l’ire d’un grand nombre de Québécois.

« Pourquoi y a-t-il des gens
Qui veulent faire de mon pays
Un tout petit pays
Un genre de Roumanie ? »

Mais, après avoir chanté cette chanson, à la suite de son passage au Sénat, il a déchanté. « On ne pense pas pareil. On n’est pas faits pareil », avait-il confié au journaliste Denis Lessard. Et il y a quelques mois, il disait : « Ça va venir un jour ou l’autre, l’indépendance du Québec. Puis je le souhaite, oui, vraiment ! »