Forces et faiblesses du mouvement américain contre la guerre

2022/12/02 | Par Pierre Jasmin

Le 30 novembre 2022, s’est tenu un zoom suivi par 200 participants, où la parole a été donnée à des Américains, ce qui est compréhensible, puisqu’elles/ils doivent continuellement se défendre de l’accusation d’être téléguidées ou financées de l’étranger.

Leurs slogans sont simples, actuels et urgents (voir le site peaceinukraine.org) :

mettre fin à la guerre en Ukraine, pas à la vie sur terre!

Pas à la vie sur terre faisant référence aux bombes nucléaires.

C’est la souriante animatrice Haneh Jodat qui présentait les illustres pacifistes suivants :

  1. Mandy Carter, activiste lesbienne dans des causes sociales, dont en 1968 la marche organisée dans le sud pour la libération des Noirs par Martin Luther King et sa Southern Christian Leadership Conference (SCLC) et les marches contre la guerre au Vietnam, déplore que la diplomatie soit reléguée à l’arrière-plan et qu’il n’y ait aucune vérification dans quelles mains tombe l’envoi d’armes américaines à l’Ukraine (+ de 100 milliards de $). Sa quakerhouse rassemble des opposants.

  2. L’ancien congressiste démocrate Dennis Kucinich a rassemblé une trentaine de congressistes démocrates (lui est à la retraite, mais pas passive!) pour REPROCHER au président démocrate Biden ses continuels envois d’armes en poursuivant donc un rêve hégémonique américain complètement « outdated » et son obstination à ne pas entreprendre de NÉGOCIATIONS avec la Russie pour le bien de l’Ukraine.

  3. David Swanson, directeur exécutif de World Beyond War et auteur de « War is a lie » a répété que les messages les plus simples sont davantage intégrateurs, par exemple appeler à une trêve de Noël, ériger des pancartes avec de simples slogans, bref poursuivre la paix mondiale comme but commun, avec des discussions, certes, mais qui doivent se tenir sans hostilité.

  4. Marcy Vinograd, organisatrice pour l’incroyablement pertinente et féministe CODEPINK et membre de l’exécutif de la Coalition PAIX en UKRAINE; proche de Daniel Ellsberg, elle communique la lettre de Biden du 10 novembre 2021 où sa tactique d’armer l’Ukraine était explicitée avec l’intention nette d’impliquer l’OTAN et de reprendre la russe Crimée : elle pourfend ainsi un premier mythe qui est de croire que l’invasion russe ne fut pas provoquée, et poursuit en donnant un aperçu exact de la situation à Kherson, qui démolit le deuxième mythe entretenu par la propagande que la guerre est gagnante.

  5. Le jeune Ryan Black, organisateur pour Roots action dans l’Indiana et porteur de chiffres alarmants sur la possibilité via l’OTAN de guerre nucléaire que les autorités ne prennent pas au sérieux, aime conscientiser les jeunes à ce sujet.

  6. Le jeune Kury Petersen-Smith, dont la recherche couvre la militarisation des États-Unis, les dix mois de guerre évitable en Ukraine et la solidarité des Noirs avec la cause palestinienne, se demande quelle partie de l’argent dépensé dans la guerre aurait été suffisante pour loger les itinérants et pour rembourser les étudiants de toutes leurs dettes d’études, raisons principales de leur enrôlement dans l’armée.

  7. Ann Wright, colonel dans l’armée U.S. puis diplomate américaine pendant 16 ans (Nicaragua, Grenade, Somalie, Ouzbékistan, Kyrgyzstan, Micronésie, Afghanistan et Mongolie), a démissionné du gouvernement américain en mars 2003 par opposition à la guerre criminelle en Iraq. Elle a écrit Dissent: Voices of Conscience (Dissidence: les voix de la conscience); ses cartes de Pologne et de Roumanie qui ont avec la Biélorussie les plus vastes frontières avec la Russie fourmillent d’indications sur les forces armées occidentales qui y sont stationnées prêtes à envahir la Russie, alors qu’il y a soixante ans on déchirait nos chemises à penser que Cuba pourrait s’armer, si proche des USA. À certains qui préconisent les sanctions économiques contre la Russie, elle rappelle que les sanctions économiques tuent les plus vulnérables des sociétés visées.

  8. Le pasteur Mike McBride, actif dans la région de San Francisco pour restreindre la possession d’armes à feu dangereuses en des mains non moins dangereuses (antécédents criminels, extrême-droite ou instables), rappelle le pacifisme centenaire du pentecôtisme, appelé aussi Église de Réveil dans les pays francophones, mais insiste sur la décadence de l’impérialisme américain.

J’ai tenté de résumer par ces quelques lignes la force du mouvement américain, en particulier représentée par les femmes de Codepink et Ann Wright et David Swanson. Leurs discours avaient été prémédités pour donner une image d’unité, un peu fracturée vers la fin de la réunion quand l’ancien congressiste Kucinich a répondu à une question avec sa franchise louable : il nous a dit de ne pas compter de sitôt sur le Congrès pour changer leur position bloquée. Et le jeune Petersen-Smith a montré son ignorance politique (et son manque de tact, quoiqu’il faut pardonner à des jeunes aussi actifs que lui!) en blâmant ses aînés de ne pas avoir manifesté contre l’implication militaire de la Russie en Syrie…

Bref, l’éducation politique est toujours à faire et refaire dans un mouvement qui tire sa force dans des convictions religieuses admirables dans leurs dénonciations des tueries de leur propre pays. Mais dans ce webinar de deux heures complètes, malgré ma question envoyée en anglais aux porte-parole à ce sujet, personne n’a relevé l’absence totale de RÉFÉRENCE À L’ONU dont le Secrétaire général a pourtant demandé à tous les pays il y a un an exactement de couper de 10% leurs dépenses militaires afin d’améliorer le bilan des émissions carbones des armées et de commencer à régler les problèmes révélés par le GIEC. C’est comme si les États-Unis restaient, comme la Chine de l’Empire du Milieu il y a cent ans, centrés sur leurs nombrils. Mais contrairement à la Chine, ils sont fauteurs de guerres d’autre part…

RootsAction Education Fund <info@rootsaction.org>

Féministes pacifistes Ray Acheson www.wilpf.org