27 % des Québécois craignent que la guerre en Ukraine dégénère en conflit mondial

2023/01/06 | Par Pierre Dubuc

Au début de l’année nouvelle, le Journal de Montréal a publié un sondage sur les principales inquiétudes des Québécois à l’aube de la nouvelle année. Sans surprise, la hausse des prix à la consommation vient en tête de liste pour 43 % des répondants.

Mais, ô suprise !, en seconde place, on trouve la guerre! 27 % des répondants craignent que la guerre en Ukraine se transforme en guerre mondiale.

Dans cette perspective, saluons l’excellent éditorial du 30 décembre 2022 de Guy Taillefer dans Le Devoir intitulé « Les armes ont assez parlé ».
 

Une guerre américaine par procuration

Taillefer interprète correctement la visite du président ukrainien Zelensky à Washington en y voyant le symbole de l’alliance entre Kiev et les États-Unis, mais aussi, par extension, « l’assujettissement de l’Ukraine à des dynamiques internationales trop étroitement tributaires, encore et toujours, des rivalités entre puissances dominantes ». L’éditorialiste défend l’indépendance de l’Ukraine « déjà gagnée » selon lui, mais il décrit bien le caractère de cette guerre en y voyant avant tout « un combat mené par procuration par les États-Unis contre la Russie et, au-delà, contre la Chine alliée ».

Comme la précédente, cette nouvelle guerre froide n’est utile ni « au développement démocratique. Ni politiquement, ni socialement, ni économiquement », affirme-t-il. Il rappelle que la guerre froide précédente « a eu des effets délétères sur la liberté d’expression et sur l’égalité économique et raciale » aux États-Unis et que « la création d’emplois et le filet social ont été sacrifiés sur l’autel des dépenses militaires ».

Taillefer critique « le leitmotiv moral et manichéen consistant à opposer ‘‘démocraties contre autocraties’’, mais là seulement où les intérêts des États-Unis ne sont pas menacés ».

En affirmant que « Poutine, à son corps défendant, a resserré les rangs derrière l’alliance militaire qu’est l’OTAN », tout en reconnaissant que « l’invasion de l’Ukraine s’inscrit fermement pour lui dans un projet visant un ‘‘changement tectonique de tout l’ordre mondial’’, une entreprise de refonte géopolitique que partage Pékin pour l’essentiel », Taillefer confirme le caractère interimpérialiste de ce conflit.
 

Que fait le Canada pour la paix?

L’éditorialiste souligne à grands traits les conséquences de la guerre sur l’Ukraine avec « la militarisation massive d’un pays qui était déjà l’un des plus pauvres d’Europe » et « au moins cinq millions de déplacés intérieurs, et encore plus d’Ukrainiens en exil, un hiver sans eau et sans électricité, les pénuries alimentaires ».

Il ajoute : « Plus on laisse parler les armes, plus le pays aura forcément du mal à se relever ». Il conclut :

« Des balbutiements de négociations de paix se font entendre, mais ils sont à peine audibles, tant les camps restent sur leurs positions maximalistes. Or, si l’heure n’est pas encore à la diplomatie, comme tout le monde le répète, ce n’est pas une raison pour ne pas chercher par tous les moyens à sortir du ‘‘scénario de l’anéantissement’’, comme l’a fait valoir le président Emmanuel Macron. Le peuple ukrainien, tout résilient et combatif et solidaire qu’il soit, a bien assez souffert. Il n’y aura pas de paix, quelle qu’elle soit, sans amertume. »

Le seul reproche que nous pouvons adresser à l’éditorialiste du Devoir est de ne pas avoir directement interpellé le gouvernement Trudeau, qui fait sien « le leitmotiv moral et manichéen consistant à opposer ‘‘démocraties contre autocraties’’ » et qui, avec ses alliés de l’anglosphère – États-Unis et Grande-Bretagne – est dans le camp des va-t’en guerre les plus agressifs.

Pourtant, le Canada a déjà joué un rôle de pacificateur dans d’autres conflits et – est-il nécessaire de le rappeler? – a été l’origine des Casques bleus de l’ONU. Pourquoi ne se dissocie-t-il pas des meneurs de guerre? Est-il sous l’influence du lobby de la minorité ukrainienne et de sa leader, la ministre Chrystia Freeland?

Historiquement, le Canada – et plus particulièrement le Parti Libéral – a entretenu de bonnes relations avec la Russie et la Chine. La perestroïka a été conçue au Canada lors d’entretiens entre Alexander Yakovlev, l’ambassadeur de l’URSS au Canada et Mikhaïl Gorbatchev (voir notre article « Gorbatchev et le Canada : l’histoire méconnue »). Le Canada a longue histoire d’amitié avec la Chine et a été un des premiers pays à reconnaitre la République populaire de Chine (voir notre dossier à ce sujet).

Aujourd’hui, les quelques marges d’indépendance que le Canada détenait à l’égard des États-Unis disparaissent sans même que se manifeste de quelconques dissidences. Tous les partis d’opposition à Ottawa alignent leurs pas sur ceux de Mme Freeland. Il serait temps qu’ils écoutent le message des Québécois dont plus du quart place en deuxième position leur crainte que le conflit ukrainien dégénère en conflit mondial et qu’ils oeuvrent, comme nous les y invitons avec Guy Taillefer, à la recherche de la paix en Ukraine.