Aires protégées : une autre ruse pour continuer à surexploiter le territoire ?

2023/01/06 | Par Dominique Bhérer

L’auteur est médecin vétérinaire à Maniwaki
 

En réalité, on détruit beaucoup plus aujourd’hui qu’on ne produit. (A. Crytes, Montcerf, Bûcheron de 1920 à 1970)

Une plantation, ce n’est pas une forêt. On constate que l’agriculture pose de gros problèmes, voila qu’on apporte la même destruction à la forêt. (William Commanda, Kitigan Zibi)

Le sol organique est la partie la plus importante de l’écosystème forestier. (Georges Marek, forestier Nord Ontario)
 

Les politiciens ont ignoré Halte à la croissance, Brundtland ,Rio, Kyoto, Paris, et ont continué à gaspiller et à subventionner les méthodes d’exploitation les plus nocives pour la biodiversité. Souhaitons que le 30 % d’aires protégées ne soit pas une autre ruse pour continuer à surexploiter le reste.

Le Canada et le Québec protègent déjà 15 % et 17 % du territoire. Pourtant rien n’a changé en forêt, en agriculture, en mer. On exploite avec les mêmes méthodes qui appauvrissent la base même de ces industries que sont le sol et la biodiversité. Est-ce que 13 % de plus va changer les choses ?
 

Forêts

Depuis 40 ans, le Canada récolte, majoritairement en coupe rase, 800 cent mille hectares (ha) par an de forêt souvent primaire et en convertit la moitié en monoculture de résineux. (Québec 200 milles ha, 100 milles ha replantés). Le Canada prétend être un pays forestier modèle, protecteur de la biodiversité, alors que les plantations qu’il subventionne sont exactement l’opposé de la biodiversité.

Si les 2 milliards d’arbres promis par Ottawa sont plantés en forêt, c’est un autre cent milles ha qui sera reboisé après avoir été peignée, scarifié et parfois complètement décapé. Ces opérations détruisent tout ce qui a survécu à la coupe. Quelques années plus tard, la régénération feuillue est détruite à nouveau avec du Roundup ou des débroussailleuses. Ces territoires subissent trois interventions majeures en 15 ans. Voir sur You Tube, Forêtvive, sols forestiers, scarifiage lourd. https://www.youtube.com/watch?v=eh13wqkza5E&t=99s

Le Québec n’applique pas sa réglementation qui interdit de couper tous les arbres de moins de 12 cm, les érables et cèdres de moins de 30 cm, les pins blancs et rouges, merisiers et chênes de moins 40 cm. Québec ne pénalise pas et ne comptabilise pas le sol très endommagé de chaque coté du chemin qui peut occuper plus de 20 % de la surface exploitée. Il faut limiter au chemin de camion (3 %) le sol endommagé, interdire l’ébranchage au chemin et évaluer, grâce à un indice d’érosion, la perte de fertilité due à la compaction, l’assèchement, l’inondation, le scarifiage, la perte des branches, l’évaporation(CO2).
 

Agriculture. Monoculture de céréales

Ottawa subventionne la monoculture depuis 150 ans dans la prairie canadienne qui a perdu 40 % de sa couche organique. Québec finance le remplacement des fermes mixtes qui transformaient herbes et céréales en lait, viande et œufs, par des monocultures de céréales qui servent surtout à nourrir des animaux sur d’autres fermes.
 

Élevage hors-sol

Une part plus grande à chaque année des œufs, du lait, de la viande est produite grâce à des aliments provenant d’autre fermes et d’autres pays. Cela pollue les sols où se concentrent les animaux et, ce qui est pire, appauvrit ceux qui produisent les aliments à cause du non-retour du fumier. Maïs et soya américains et brésiliens nourrissent des vaches en Hollande dont on devait expédier le fumier en Allemagne. Aussi utilisés en Chine dans des fermes-usines de 100 milles vaches et, dernière absurdité, des porcheries à étages de 600 milles porcs (1).
 

Pesticides

Ce sont ces politiques de spécialisation et de grossissement des fermes qui sont responsables du problème des pesticides. En 1960, il y avait un million de vaches dans les champs et des truites dans le moindre ruisseau. On ne voit plus que des tracteurs dans la plaine du St-Laurent transformée en monoculture et on retrouve une trentaine de pesticides dans ses rivières. Depuis 15 ans, le poisson a disparu de la rivière Chibouet selon Fernand Hébert qui y pêche depuis 70 ans (2).
 

OGM

La biodiversité des semences (100 000 variétés de blé et de riz) est menacée par la dérive du pollen qui peut atteindre 1000 km dans le cas des arbres.

Il faut interdire l’élevage hors-sol, probablement la pire erreur de l’agriculture moderne, de façon à ramener les animaux sur le sol qui les nourrit et limiter les monocultures destinées aux animaux et à la bioénergie.
 

Océans

Nous ne connaissons pas la mer, mais M. Daniel Pauli explique que les chalutiers raclent annuellement une surface grande comme les USA et passent jusqu'à 7 fois au même endroit détruisant l’habitat d’innombrables organismes. Il affirme que les débarquements de ces chalutiers ne couvrent même pas le coût des subventions (3-4).

Les méthodes d’exploitation actuelles appauvrissent les sols et la biodiversité. Selon trois rapports de l’ONU, 90 % des subventions en agriculture sont nocives pour l’environnement (5). On connait bien les problèmes depuis très longtemps. Pour les corriger il faut espérer un miracle: réussir à empêcher la politique de subventionner ces méthodes.
 

1-https://information.tv5monde.com/video/chine-l-hotel-cochons-la-plus-gra...

2- https://www.lapresse.ca/actualites/2019-09-21/pesticides-la-riviere-aux-...

3-https://www.ted.com/talks/daniel_pauly_the_ocean_s_shifting_baseline?lan...

4-https://www.20minutes.fr/planete/environnement/997711-20120906-peche-pay...

5-https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/14/les-subventions-agrico...