Ballons dégonflés/Budget NORAD gonflé

2023/02/22 | Par Pierre Dubuc

Photo: Cartwright, Canada, Norad.

À en croire le NY Times, il y a des centaines de milliers de ballons lancés dans le ciel chaque année par des gouvernements, des entreprises privées, des centres de recherche, des organismes pour la météo. Le seul National Weather Service en lance 60 000 par année. La NASA plus de 1 700 au cours des dernières années. Et La Presse nous apprend dans son édition du 20 février que l’armée canadienne a dépensé depuis 2009 plus de 60 millions pour mettre dans le ciel des ballons. S’il faut tous les abattre, à 40 000 $ le missile, la facture va être salée.

Alors pourquoi tout ce branle-bas de combat ?  Sans doute est-ce une vaste mise en scène bien orchestrée pour justifier la nécessité de « moderniser » le NORAD. Imaginez ! Ses radars auraient été incapables de détecter des OVNIS, avant qu’ils soient repérés au-dessus des territoires canadien et américain et abattus par des avions de chasse américains.
 

Les meneuses de claque

Il faut donc y voir. D’autant plus que, selon le Journal de Montréal, brandissant cartes à l’appui, nous devons nous préparer à une invasion de l’Amérique du Nord par la Russie par l’Arctique ! La Russie est incapable de conquérir l’Ukraine, mais elle va se lancer à la conquête de l’Amérique du Nord !

La va-t-en-guerre Stéphanie Grammond, éditorialiste en chef à la Presse, le croit, elle aussi. Dans un son éditorial de la Saint-Valentin, intitulé Beaucoup plus grave qu’un ballon chinois, elle tire la conclusion suivante de l’affaire des ballons : « Une chose est claire : notre territoire est vulnérable. On doit prendre notre défense nationale beaucoup plus au sérieux ».

Elle évoque, elle aussi, « la menace de la Russie, notre voisine dans l’Arctique, qui a recommencé à envoyer des avions de chasse près de l’Alaska. Elle utilise aussi ses sous-marins pour montrer ses muscles à l’Amérique du Nord ».

Mais il y a, selon elle, de « bonnes nouvelles ». Dans son dernier budget, le gouvernement a annoncé un réinvestissement d’environ deux milliards par année dans la défense.

Deuxième « bonne nouvelle » : le fédéral a annoncé en juin un réinvestissement majeur de 40 milliards sur 20 ans pour le système de défense du NORAD. Mais, important bémol, « seulement 4,9 milliards seront déployés à plus court terme, soit sur six ans ».

Troisième « bonne nouvelle », le gouvernement libéral a annoncé en janvier l’achat de 88 avions de chasse F-35 au coût de 19 milliards.

Mais ce n’est pas assez. Le Canada, avec des dépenses qui doivent passer à 1,59 % du PIB d’ici 2026-2027, est encore loin de la cible de 2 % fixée par l’OTAN. Même si atteindre un tel niveau « est impensable à moyen terme, selon le Directeur parlementaire du budget, puisque cela nécessiterait un investissement annuel supplémentaire de 13 milliards », notre émule de Mme Thatcher affirme que « le Canada devra faire des choix et la défense nationale mérite d’être en haut de sa liste de priorités » et « pour envoyer un signal fort, le Canada doit accélérer la cadence ».

Aussi, lorsqu’au mois de mars, le président Biden, s’adressant à la Chambre des Communes, invoquera l’affaire des ballons dégonflés pour inciter le Parlement à gonfler le budget de la modernisation de NORAD et que la Chambre des communes se lèvera en bloc pour l’acclamer, Mme Grammond et ses amis va-t-en-guerre de La Presse et du Journal de Montréal seront aux premières loges pour l’applaudir à tout rompre.

Quant aux milliards manquants dans les transferts en santé aux provinces, c’est déjà de l’histoire ancienne… Entre s’armer pour tuer ou soigner nos malades, le choix est facile à faire…

En passant, La Presse est dépendante pour son financement de la loi votée par le gouvernement Trudeau lui permettant de donner de généreuses déductions fiscales à ses donateurs et Vidéotron, propriété de Québecor, comme le Journal de Montréal, est dans l’attente d’une décision favorable du gouvernement Trudeau pour approuver le transfert des licences d’utilisation de spectre de Shaw à Vidéotron – relativement à l’acquisition proposée de Freedom Mobile par Vidéotron.

Mais, bien entendu, cela n’a rien à voir avec ce qui précède.