Une région ressource peut-elle dire non à un projet minier?

2024/09/25 | Par Marc Nantel

L’auteur est porte-parole du Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)

Le projet minier de graphite La loutre en Outaouais, qui reçoit du financement des États-Unis et du gouvernement fédéral, a soulevé une mobilisation à la fois de la population, des élus locaux et des entreprises contre ce projet. Le ministre responsable de la région, Mathieu Lacombe, a dû faire une sortie pour annoncer que le gouvernement provincial ne donnerait pas de financement à l’entreprise, car ce genre de projet n’est pas compatible avec la zone de villégiature qui est à proximité de plusieurs lacs récréotouristiques.

Donc, on note qu’il faut à la fois avoir l’appui de l’ensemble des intervenants de la région et d’un ministre de la CAQ pour que le gouvernement Legault prenne du recul face à un projet minier.

Que se passera-t-il avec le nouveau projet minier Horne 5 de la compagnie Falco à Rouyn-Noranda qui cherche à avoir l’autorisation du conseil des ministres pour opérer? Ce projet a déjà l’appui du député et de la chambre de commerce et de l’industrie de Rouyn-Noranda. Le gouvernement va-t-il tenir compte des doléances des résidents qui s’inquiètent au sujet des impacts sur la sécurité de la population vivant autour de la future mine?

C’est une ancienne mine d’or souterraine, située en pleine ville de Rouyn-Noranda, que la compagnie Falco cherche à remettre en opération pour les 15 prochaines années. Le projet a toutefois une caractéristique unique soit d’être localisée sur une concession de Glencore Canada sous la fonderie Horne, qui est en opération depuis 1927 dans le secteur de Noranda et qui fait la manchette depuis plusieurs années pour les rejets toxiques qu’elle émet dans l’atmosphère.

Depuis le 27 août 2024, la compagnie Falco s’est soumise elle-même à une enquête tenue par le Bureau d’audience publique en environnement du Québec. Elle cherche à faire valoir que l’extraction de l’or, de l’argent, du cuivre et du zinc sera pour la ville une occasion de créer de la richesse pour la population. Dans la logique de vente de projet minier, elle met l’emphase sur le fait qu’elle va extraire des minéraux critiques et stratégiques qui serviront à la décarbonation de l’économie (cuivre et zinc), ce qui est impossible à valider.
 

Inquiétudes de la population au sujet du projet Horne 5

Le fait de vouloir opérer sous la fonderie Horne a soulevé des inquiétudes auprès de plusieurs citoyennes et citoyens concernant les émissions atmosphériques qui seront produites par la minière et qui s’ajouteront à celles de la fonderie qui dépassent déjà les normes. Les résidents s’inquiètent également des risques concernant la qualité des structures de cette usine centenaire.

Plusieurs contaminants potentiellement cancérigènes et cancérigènes sans seuil contaminent déjà la ville de Rouyn-Noranda et dépassent les normes. La documentation est abondante sur le sujet depuis le dépôt des études de biosurveillance de 2018 et 2019 et des études de l’INSPQ qui ont suivi. Le dévoilement du document de l’annexe 6 retenu par le docteur Aruda et finalement rendu public a été le moment d’une prise de conscience collective des dangers sur la santé.

Parce que le projet Horne 5 produira des émissions atmosphériques additionnelles, il n’aurait jamais dû être soumis à une enquête du BAPE, car il contrevient à l’article 197 du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère. Même le président du BAPE, lors de la première partie des audiences, s’interrogeait sur le fait que l’article 197 ne faisait pas partie du débat. Le ministre de l’Environnement, monsieur Benoit Charrette avait lui-même indiqué que ce projet ne pouvait avoir lieu et pourtant le processus de l’étude d’impacts a été enclenché. Comme par enchantement, l’article 197 ne semble plus faire partie des enjeux.

Article 197 : Il est interdit, à compter du 30 juin 2011, de construire ou de modifier une source de contamination ou d’augmenter la production d’un bien ou d’un service s’il est susceptible d’en résulter une augmentation de la concentration dans l’atmosphère d’un contaminant mentionné à l’annexe K au-delà de la valeur limite prescrite pour ce contaminant à la colonne 1 de cette annexe ou au-delà de la concentration d’un contaminant pour lequel cette valeur limite est déjà excédée.

La deuxième inquiétude réside dans la vétusté de la fonderie Horne. Les structures de la fonderie Horne sont vieillissantes. En 1991, sous la pression gouvernementale et le financement des deux paliers de gouvernement, la Fonderie Horne avait mis à contrecœur en opération une usine d’acide qui a permis de réduire la quantité de SO2 dans l’atmosphère et même d’être très rentable. Depuis, ce complexe est vieillissant. Nous avons eu beaucoup de signalements anonymes d’anciens travailleurs qui nous ont fait part d’observations de fuites d’acide dans le complexe. On nous a laissés entendre que le complexe approche de sa fin de vie.

Comment ces structures réagiront-elles à des mouvements sismiques et à des vibrations dues à des dynamitages journaliers?

La mine aura une profondeur d’environ 1 km; plus elle ira en profondeur, plus les mouvements sismiques induits pourront se produire. À titre d’exemple, depuis quelques années des projets miniers comme la Goldex et La Ronde ont subi des tremblements de terre qui ont varié en intensité allant jusqu’à 4,5 à l’échelle de Richter. S’ajoutent à ce phénomène les vibrations journalières produites par les opérations de dynamitage de la Horne 5. Le cumulatif de ces évènements pourrait-il endommager les structures de la Fonderie Horne? Cette éventualité est appréhendée par Glencore Canada puisqu’elle a exigé dans la Convention de licence d’exploitation et d’indemnisation d’inclure des sommes monétaires pour compenser la fonderie pour des arrêts de travail forcés si la minière provoquait des bris.

De plus, la ville de Rouyn-Noranda est assise sur plusieurs dizaines de galeries souterraines. À titre d’exemple, le 6 février 2013, un trou béant d'une largeur de huit mètres et de trois mètres de profondeur s'est formé dans la colline face au terrain de baseball du parc Mouska situé sur le site de l'ancienne mine Chadbourne.

Tous ces éléments contextuels font craindre le pire. Soit que les structures faisant circuler le SO2 et le SO3 puissent se fissurer et se propager vers la ville où la population n’aura que quelques minutes pour se réfugier dans un milieu clos, soit que les réservoirs d’acide sulfurique se fissurent et puissent répandre leur contenu dans l’usine.

Pourrons-nous assister à une décision du conseil des ministres qui refuserait que le projet de la Horne 5 aille de l’avant puisque le potentiel de risque pour la sécurité de la population est réel? Le fait d’être une région ressource et non une région récréotouristique aura-t-il préséance sur la sécurité de la population? Le fait d’avoir l’appui du député régional de la CAQ et de la chambre de commerce et de l’industrie de Rouyn-Noranda permettra-t-il au projet d’aller de l’avant?

La décision que le gouvernement prendra enverra un signal clair sur ses priorités.