Des Juifs contre l’occupation

 

L’un est Juif, l’autre Palestinien. Tous deux, vieux copains de l’enseignement, ont formé PAJU (Palestiniens et Juifs unis), un groupe de protestation dirigé contre l’attitude de l’État d’Israël dans le conflit qui l’oppose aux Palestiniens. Conjointement avec une vingtaine de regroupements semblables nés dans des grandes villes américaines sous le vocable d’Alliance juive contre l’occupation, PAJU s’efforce de contribuer à mettre sur pied un grand mouvement de protestation du genre de ceux qui ont contribué à mettre fin à la guerre du Vietnam et à l’apartheid sud-africain.

Bruce Katz est le porte-parole juif du mouvement qui, insiste-t-il, « n’est pas composé d’un groupe d’idéologues mais de citoyens conscients et pragmatiques ». En entrevue, M. Katz fait preuve d’une indiscutable ferveur, soutenue par une verve intarissable. C’est un militant de gauche qui, bien au-delà de ses préoccupations ethniques personnelles, s’enflamme tout autant devant les affres du ZLEA que face aux dénonciateurs entretenus par l’État québécois pour piéger les assistés sociaux. Laissons-lui le fil du discours.

Les Palestiniens soumis aux diktats des citoyens « supérieurs »

« Je connais plusieurs Juifs larges d’esprit mais qui portent des œillères dès qu’il s’agit de la question palestinienne. J’en connais aussi, heureusement, qui encouragent le boycott des produits israéliens offerts sur notre marché dans le but d’attirer l’attention de la presse mondiale, seule à pouvoir exercer une véritable influence sur les politiciens en forçant les colons israéliens à quitter les territoires occupés.

« Pour l’instant, les Palestiniens sont soumis aux diktats de citoyens dits “ supérieurs ” – les militaires israéliens en particulier – lesquels gèrent tout ce qui touche leur vie quotidienne. À titre d’exemple, le morcellement du territoire pour permettre l’installation de colons juifs venus du monde entier provoquent des complications qui frisent le harcèlement chaque fois que les Palestiniens doivent se déplacer à l’intérieur même des zones qui leur sont supposément réservées. Entre chaque village, à chaque intersection, ils doivent passer un barrière, présenter des papiers, se soumettre à une fouille, etc. Or il importe – simple histoire d’éviter une guerre ouverte dans cette partie du monde – de pouvoir offrir aux Palestiniens une vie nationale qui leur permettrait d’envisager des échanges égalitaires avec les Israéliens.

« D’ailleurs, Chaïm Weizmann, auteur de la Déclaration de Balfour, qui a servi à justifier l’installation d’Israël et qui fut le premier président du nouveau pays, préconisait un État indépendant pour les Palestiniens, qui soit fondé sur l’établissement de droits égaux entre tous les citoyens, Palestiniens comme Israéliens. Ce qui n’a jamais été accompli. Encore aujourd’hui, pour l’actuel premier ministre Ariel Sharon, “ la Palestine c’est la Jordanie ”, c’est-à-dire exclusivement l’autre rive du Jourdain. »

Les Juifs n’ont jamais été persécutés en Orient

« Quoiqu’on en dise, les Juifs, victimes de pogroms en Occident chrétien, n’ont jamais été persécutés en Orient, y compris par les musulmans. C’est le Parti travailliste, et non le Likhoud, qui, le premier, dès 1967, a fondé des installations juives sur des terres palestiniennes, geste à l’origine même du conflit qui perdure depuis lors. En 1989, avec la chute du communisme en Europe de l’Est, l’Autorité palestinienne a perdu ses appuis extérieurs les plus puissants. Quatre ans plus tard, ce sont les soi-disant Accords de paix d’Oslo, manigancés par les Américains, qui, en accordant une nette suprématie aux Israéliens dans la région, ont provoqué la naissance de l’Intifada.

En 95, le premier ministre Yitzhak Rabin avait entrepris de négocier des accords fondamentaux avec les Palestiniens, lorsqu’il a été assassiné par un militant du Likhoud. Après sa mort, sa veuve a clairement pointé du doigt Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou, les tenant “ responsables de la mort de (son) mari par leur rhétorique haineuse et inflammatoire dans la proclamation de leur opposition farouche au processus de paix déjà entamé ”. »

De l’eau pour les rosiers mais pas pour les Palestiniens

« Les colons juifs installés dans les territoire occupés d’Israël ne sont pas tous des droitistes, loin de là. La plupart affluent sur la terre palestinienne parce qu’Israël leur offre des avantages considérables en termes d’aide aux frais d’installation et de loyers modiques. Tous bénéficient cependant de passe-droits légitimés. Ainsi, si l’eau est fortement rationnée en territoire palestinien, la plupart des maisons de colons juifs sont munies d’imposants réservoirs placés sur les toits des habitations. Bien entendu, les Palestiniens n’ont aucunement droit à cette eau, même si les colons s’en servent abondamment pour arroser leurs rosiers.

Quand je dis des choses semblables ici, mes amis Juifs me traitent de gauchiste et sont convaincus que j’exagère. Et pourtant, en Israël même, il existe une vraie gauche, résolument opposée aux politiques courantes dans ce pays. Cette gauche préconise une fédération israélo-palestinienne où l’État et l’Église seraient séparés, règle de base pour toute démocratie qui se respecte. En effet, la société démocratiquement pluraliste doit respecter la liberté de croyance de tous et de chacun. »

Un mouvement mondial d’opposition

« Il existe également un mouvement relativement fort, actif dans une vingtaine de villes américaines. Une vigile silencieuse a marqué, le 8 juin dernier, dans 144 villes du monde, la journée de protestation mondiale contre l’occupation par Israël des territoires palestiniens… Contrairement à ce qu’affirment certains, nous ne sommes pas des marginaux mais des minoritaires… pour l’instant.

Nos demandes sont claires 0

– retrait des forces d’occupation des territoires palestiniens;

– démantèlement des colonies juives selon un règlement à venir;

– retour aux frontières d’avant 1967. »

Les demi-vérités des médias

« Je dois dire que nos récentes activités publiques ont été très suivies et que les citoyens du Québec tentent visiblement de s’éveiller à ce qui se passe au Moyen-Orient et parviennent de mieux en mieux à identifier les demi-vérités charriées par les médias canadiens en général. La presse anglophone en particulier maintient un silence quasi-total que n’ont violé, à ce jour, que Global Television et The Suburban. En français, Radio-Canada, La Presse et TQS font aussi exception en racontant la vérité par-delà les mensonges officiels. Les médias anglophones, encarcannés par des règles imposées aux grands conglomérats de presse, ont tendance à exonérer Israël. Plus libre face à ces diktats, la presse francophone en général est plus objective. Consultez les organes de presse des deux groupes linguistiques principaux et vous verrez.

La grande différence entre les deux positions tient peut-être au fait que les Canadiens français sont en mesure de juger avec davantage de sympathie la cause des Palestiniens porteurs d’eau, parce qu’ils l’ont été eux-mêmes pendant longtemps. Je ne puis que souhaiter que la société israélienne puisse être en mesure de rattraper le Québec sur la voie du pluralisme tant religieux que culturel. Je crois que cela est possible, à condition qu’ils (les Israéliens conservateurs) cessent de jouer à l’autruche. Car, malgré tout, j’affirme que la liberté de presse est encore plus grande en Israël qu’au Canada, comme en témoigne Ha’Aretz, un quotidien de Tel-Aviv qui se situe ouvertement à gauche sur l’échiquier politique et dont les éditoriaux ne sont pas tendres à l’endroit des différents gouvernements de leur pays. On peut d’ailleurs retrouver facilement les pages de l’édition anglaise de ce journal sur Internet.

Pendant ce temps, JANE’S, une revue de stratégie militaire américaine connue dans tous les états-majors du monde, affirme qu’Ariel Sharon est en train de planifier une invasion des territoires occupés afin de les reprendre au complet. Un tel geste d’agression, contraire à toute raison, semble absolument impossible sans l’appui de Washington. On peut donc prévoir presque à coup sûr une guerre régionale dans un avenir imprécis. »

Hélas, le scénario est envisageable.

Rencontre avec les vrais « damnés de la terre »

La rive occidentale du Jourdain (Cisjordanie), la bande de Gaza et Jérusalem Est, territoires de trois millions de Palestiniens, sont occupés par Israël depuis 34 ans

Environ 350 mille Juifs, venus de partout dans le monde, occupent des terres sur ces territoires et se les approprient carrément.

50 mille d’entre eux y ont été installés grâce à des subventions du gouvernement israélien.

Au cours des huit derniers mois, plus de 500 Palestiniens sont morts et plus de 16 000 ont été blessés.

Plusieurs enfants et adolescents ont été tués par des soldats ou des colons israéliens.

D’ailleurs, plus de 300 mille enfants âgés de 15 à 18 ans, prennent part à des conflits armés à travers le monde, une situation qui n’est pas étrangère au fait que les armes les plus sophistiquées sont devenues de plus en plus légères 0 tuer devient un jeu d’enfant.

Quatre millions de réfugiés palestiniens ont été forcés de quitter leur terre en 1948 (fondation d’Israël) et en 1967 (guerre des Six jours); certains d’entre eux (en tout cas, les moins de 40 ans) n’ont connu comme milieu de vie que le camp de réfugiés où ils sont nés et ont grandi.