Retour « stratégique » du trafic des stupéfiants sous le protectorat de la CIA

 

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L’Afghanistan libre



Sur les conseils du Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (Pnucid), le gouvernement taliban a imposé en 2000 l’interdiction de toute production d’opium. Auparavant, selon la Drug Enforcement Administration (DEA) des États-Unis, l’Afghanistan était responsable de plus de 70 % de la production mondiale d’opium et d’environ 80 % des opiacés (c’est-à-dire de l’héroïne) destinés au marché européen.1

Les gains annuels découlant du trafic des stupéfiants dans le Croissant d’or (qui ont atteint entre 100 et 200 milliards $) représentaient environ le tiers du produit annuel des narcotiques dans le monde, lequel serait de l’ordre de 500 milliards $, selon les Nations unies2.

À bien des égards, le commerce des stupéfiants et les voies empruntées pour acheminer la drogue sur les marchés européens et nord-américains revêtent un caractère « stratégique ». De puissants intérêts financiers sont à la base de ce commerce et ils exercent, en coulisse, une influence qui s’étend à toute la politique étrangère des États-Unis.

Ces milliards de narcodollars ont été déposés dans le système bancaire occidental. La majorité des grandes banques internationales – de concert avec leurs filiales établies dans les paradis fiscaux – en blanchissent d’impressionnantes quantités. Autrement dit, l’Afghanistan, le pays le plus pauvre de la planète, a permis aux institutions financières, aux syndicats financiers et au crime organisé d’accumuler d’immenses richesses grâce au trafic des stupéfiants. Une partie des recettes provenant de la drogue ont profité à la CIA, qui continue à protéger ce commerce aussi bien en Asie qu’en Amérique latine. Il est évident que seul un très petit pourcentage de ces recettes demeure en Afghanistan.

Après l’interdiction de la culture du pavot imposée en 2000 par le gouvernement taliban, la production d’opium a chuté de plus de 90 %, ce qui a réduit le narcotrafic et causé d’énormes pertes aux intérêts qui soutiennent ce commerce rapportant des centaines de milliards de dollars, notamment aux institutions financières occidentales3. L’Alliance du Nord est devenue le principal pouvoir politique engagé à protéger la production et la commercialisation de l’opium brut.

Après l’axe du mal, celui du pavot

Bien que la question du pétrole et des pipelines émanant du bassin de la mer Caspienne ait assurément constitué un facteur important, le bombardement de l’Afghanistan a permis de rétablir le commerce lucratif de la drogue, qui jouit de la protection de la CIA.

Dès l’établissement du gouvernement fantoche des États-Unis, dirigé par le premier ministre Hamid Kharzaï, la production d’opium a grimpé en flèche jusqu’à ses niveaux antérieurs. Les marchés d’opium ont été rétablis. Le Pnucid estime que la production d’opium a augmenté de 657 % en 2002, comparativement à l’année précédente où la culture de l’opium ne couvrait plus qu’environ 7 606 hectares (voir le tableau ci-dessous). Présentement, le Pnucid en évalue la superficie entre 45 000 et 65 000 hectares.

Suite aux événements du 11septembre, le prix de l’opium a triplé en Afghanistan. Au début de 2002, son coût (en $/kg) était près de dix fois supérieur à celui de 20004.

*Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), globalresearch.ca

1 BBC, Afghanistan’s Opium Industry, 9avril 2002.

2 Douglas Keh, Drug Money in a Changing World, Document technique no 4, 1998, Pnucid, Vienne, p. 4. Voir également Programme des Nations unies pour le contrôle international de la drogue, Rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants pour 1999, E/INCB/1999/1 Nations unies, Vienne 1999, pp. 49-51, et Richard Lapper, « UN Fears Growth of Heroin Trade », Financial Times, 24 février 2000.

3 Pnucid, Afghanistan, Opium Poppy Survey, 2001, http0//www.undcp.org/pakistan/report_2001-10-16_1.pdf .

4 Pnucid, Afghanistan, Opium Poppy Survey, Pre-Assessment, 2002, http0//www.undcp.org/pakistan/report_2002-02-28_1.pdf .