Le filou des transports maritimes

Un premier ministre en deçà du soupçon

Paul Martin et compagnies dresse le portrait du filou de la finance afin de s’attaquer à la plaie que sont les paradis fiscaux. « Martin nous a fait comprendre les vices de la mondialisation économique et les liaisons incestueuses qui se dessinent toujours plus étroitement entre la finance, le crime économique et les sphères politiques », écrit l’auteur, Alain Deneault.

Il rappelle que Paul Martin a été ministre des Finances de 1993 à 2002. Durant presque toute la période, il a siégé au Fonds monétaire international et a présidé le G-20, groupe des vingt pays les plus puissants. L’actuel premier ministre est aussi coprésident de la Commission des Nations unies pour le secteur privé et le développement. Son pouvoir politique se compare aisément à son pouvoir économique.

Jusqu’au 25 août dernier, Paul Martin était actionnaire unique de la Canada Steamship Lines, qu’il a alors cédée à son fils. Cette multinationale possède 50 navires de marchandises et exploite des chantiers de construction navale. Sa valeur est évaluée à 600 ou 700 millions $.

Alain Deneault nous apprend que la famille Martin détient aussi des biens immobiliers au Canada et aux États-Unis, une compagnie d’autocars, une ferme au Québec, dix sociétés d’investissement, des cinémas à Vancouver et des actions dans la pétrolière Cordex Petroleum. Avec une telle puissance, le premier ministre se sent au-dessus des lois.

Le livre explique par exemple qu’en 2002, un navire de Martin a déversé en cachette des hydrocarbures dans une zone de pêche au large d’Halifax. Cette pratique tout à fait illégale a créé une traînée extrêmement polluante de 15 m sur 40 km qui a permis d’éviter la vidange du navire au port, et d’économiser 10 000 $ !

Le filou a modifié les mesures d’imposition canadienne des compagnies de transport maritime. Un an plus tard, il a préféré déménager le siège de la Canada Steamship Lines plus au sud : « CSL International travaille dans le domaine du transport maritime, possède des institutions financières et détient des parts dans une société pétrolière. Elle mène toutes ses affaires dans les paradis fiscaux. »

L’auteur affirme que la moitié de la richesse mondiale se retrouve dans ces endroits où l’impôt est presque nul. Paul Martin, comme les autres grands capitalistes du monde, se soustrait à ses devoirs. « Les domaines forestiers et énergétiques ont leur Suharto de l’Indonésie comme les compagnies pétrolières ont leur Bush des États-Unis d’Amérique, comme le nucléaire et l’industrie pétrolière ont leur Chirac de la France, comme les médias ont leur Berlusconi de l’Italie et comme les transports maritimes ont leur Martin du Canada. »

Le Canada est gouverné par un homme qui personnifie parfaitement les paradis fiscaux. L’auteur veut que l’État et le droit reconnaissent l’existence des paradis fiscaux, afin de les interdire. Selon Deneault, l’actuelle conjoncture électorale doit servir à poser publiquement le problème. Voter pour Martin, c’est encourager la corruption financière mondiale.

Extrait

L’élu des donateurs

C’est pratiquement sans concurrents que Paul Martin a été porté à la tête du Parti libéral du Canada (PLC) à l’automne 2003. Rarement course à la direction d’un parti politique avait-elle pu se décider aussi clairement par le silence que sait s’assurer l’argent.

Tandis que le meneur refusait de s’expliquer sur les sommes qui s’accumulaient dans ses coffres, une analogie s’est insinuée entre les rentrées financières qu’il revendiquait et les voix des urnes que lui consentirait plus tard un nombre proportionnel de délégués.

Comme le candidat a su récolter 12 millions de dollars, soit plus du double de la limite de dépenses autorisées, il coulait de source qu’il fût désigné deux fois plus rapidement à sa position.

Cette élection du chef de l’unique parti de gouvernement – du parti unique – a été l’affaire exclusive de quelque « grands donateurs » de M. Martin, des multinationales pour la plupart, parmi les sources non déclarées.

L’élection de M. Martin se sera donc déroulée comme pour un président de conseil d’administration, non selon le principe démocratique d’une personne-une voix, mais selon le nombre d’actions que pouvaient se procurer auprès du candidat ceux qui l’ont élu.

Paul Martin et compagnies, Alain Deneault, VLB éditeur, 2004