75 ans de l’ONU

À l’heure de l’interdépendance et de la coopération globale

2020/11/06

Les Artistes pour la Paix ont souligné avec vigueur le 24 octobre le 75e anniversaire de l’entrée en vigueur de la charte des Nations Unies. Les objectifs premiers de l’organisation sont le maintien de la paix et la sécurité internationale. Pour les accomplir, elle promeut la protection des droits de l’homme, la fourniture de l’aide humanitaire, le développement durable et la garantie du droit international. 

La démocratisation de l’ONU

Le 19 octobre, Tatiana Carayannis et Thomas G. Weiss annonçaient leur publication à venir The Third United Nations: How a Knowledge Ecology Helps the UN Think (Oxford University Press, 2021). Ils y expliquent combien ce 75e  anniversaire tombe à un moment critique du besoin d’interdépendance et de coopération globale, bref de ce multilatéralisme nié par les populistes Trump, Poutine, Erdogan, Modi, Bolsonaro, Duterte, Netanyahu, Sisi et Orban (auxquels ils associent à tort (?) Xi et Maduro). Leur article se termine par une réflexion de John Maynard Keynes à qui des dogmatiques reprochaient ses opinions changeantes et qui répondait : « Lorsque je reçois de nouvelles informations, je change mes vues. Vous, non ? »

En cette période de pandémie, Francis Fukuyama écrit : « Tandis que les chefs d’État activent le jeu nocif des blâmes, les savants et officiels de santé publique intensifient leurs réseaux de connexion. » Les organismes internationaux, au nombre de 213 en 1909, se comptent au nombre de 70 000 en 2020, et si plus de la moitié d’entre eux restent nord-américains et européens, l’Asie enregistre la plus grande croissance actuelle. Les ONG constituent ce qu’on peut appeler le tiers-état de l’ONU, peuplé d’intellectuels, d’autorités scientifiques, de consultants, de think tanks, de philanthropes, d’artistes et de médias qui échangent leurs idées et fondent une collaboration globale défiant les statu quo étatiques…

Car la prolifération des gouvernements populistes n’est pas inéluctable, comme l’annoncent les bonnes nouvelles de la réélection de la première ministre de Nouvelle-Zélande et du résultat d’élections en Bolivie qui vient de chasser du pouvoir les fascistes et réinstaurer le Mouvement socialiste d’Evo Morales.

Dr. Joan Russow, fondatrice du Global Compliance Research Project, et Lori Johnston (Yamasi), qui présidait le Southeast Indigenous Peoples’ Center, font avancer leur opposition au sexisme et à la discrimination victimisant les nations moins favorisées. 

En un article de Jean-Christophe Laurence (La Presse, 26 septembre), Louise Fréchette, vice-secrétaire générale des Nations Unies de 1998 à 2006, défiée par Romuald Sciora, coauteur du livre Qui veut la mort de l’ONU, persiste dans sa vision optimiste que « les Nations Unies, c’est un ensemble d’institutions qui jouent une multitude de rôles. C’est un forum de débats, un endroit où on négocie des normes internationales, où on harmonise les actions des États, où on fait de la recherche et des statistiques qui font autorité. C’est une voix, c’est un symbole qui rappelle aux gens les valeurs sur lesquelles on s’est entendus. Un monde où il y a des règles communes sur le commerce, sur la pêche en haute mer, sur l’utilisation des armes, c’est (…) un ensemble de mesures agréées par tout le monde, qui font qu’il y a un peu d’ordre dans les contacts entre les États. Ce qui est extraordinaire, c’est que, depuis 75 ans, malgré toutes les défaillances, ça a tenu. Dans la grande majorité des cas, la grande majorité des pays se conforme aux règles communes qui ont été agréées au fil des ans. Soixante-quinze ans de paix, c’est grâce à ça… »

L’Agora des Habitants de la Terre et la COVID-19

Bien sûr, on déplore que l’ONU et son secrétaire général Antonio Guterres perdent des batailles menées par des organismes qui se déclarent internationaux sans en faire partie, comme le G-7, Davos et l’OMC. En rejetant, le vendredi 16 octobre, la proposition de suspension des brevets sur la thérapie anti-Covid-19, l’Organi-sation mondiale du Commerce a grossièrement empiété sur le domaine de l’Organisation Mondiale de la Santé (ONU), sous l’influence des Big Pharma$ de l’Union européenne, des États-Unis, de la Suisse, du Japon, de la Norvège, du Royaume-Uni, de l’Australie, du Brésil et, hélas, du Canada de Trudeau. 

La suspension des brevets sur les futurs vaccins anti-Covid-19, présentée par l’Inde, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Eswatini, avait pourtant rapidement rassemblé le soutien du Bangladesh, du Sri Lanka, du Pakistan, du Népal, du Venezuela, du Nicaragua, de l’Égypte, de l’Indonésie, de l’Argentine, de la Tunisie, de l’île Maurice, du Mali et du Mozambique, ainsi que de l’Agora des Habitants de la Terre (Riccardo Petrella et au Québec, mes estimés collègues Lucie Sauvé, Hélène Tremblay, Martine Chatelain, Jean-Yves Proulx, Jacques Brodeur et Philippe Giroul). 

Quatorze autres pays, dont la Chine, le Nigéria, les Philippines, la Turquie, la Thaïlande et l’Équateur avaient aussi appuyé cette suspension, tout en se disant « ouverts à de nouvelles discussions sur les détails ».

Ce n’est qu’un épisode de la lutte pour la démocratisation de l’ONU, à laquelle les Artistes pour la Paix sont vivement attachés.