Enjeux économiques : impossible d’en débattre sans référence au fédéral

2012/08/08 | Par Michelle Bussières et Renaud Lapierre

Au cours de la présente campagne électorale, il est primordial que les Québécoises et Québécois pèsent adéquatement les blocages relatifs au développement économique du Québec que le système fédéral canadien lui impose.

En effet, les électeurs auront à choisir quel parti, parmi ceux en lice, sera le plus apte à défendre vigoureusement leurs intérêts. Évacuer ces questions de la présente campagne sous prétexte qu’elles sont susceptibles de recréer des conflits avec Ottawa serait encore une fois défendre ce qui est indéfendable au nom d’un fédéralisme à tout prix.


Une politique de l’emploi préjudiciable aux salariés québécois

Au moment où le gouvernement Charest se vante de pouvoir créer 250 000 emplois dans un prochain mandat et mise, notamment, sur une politique d’emploi, Ottawa, qui en contrôle l’une des pièces maîtresses, soit l’assurance-emploi, modifie les critères d’admission à ce programme pour affaiblir et appauvrir des travailleurs sans emplois, sans même consulter le Québec.

Et comble d’ironie, comme si cela n’aura aucun impact sur le budget du Québec et sa politique d’emploi globale, Ottawa, une fois de plus sans aucune consultation, portera l’âge de la retraite à 67 ans.



Une politique environnementale qui défavorise le Québec

Sous l’angle environnemental, les politiques de développement du Québec dépendent — hélas! — largement des politiques d’Ottawa. L’exemple le plus évident, c’est le rejet fédéral du protocole de Kyoto. Là où le Québec économique aurait eu un avantage concurrentiel incontestable, la position d’Ottawa, décriée partout, vient carrément annihiler les efforts québécois.

Ajoutons que, lors de la dernière rencontre du Conseil de la fédération tenue fin juillet, à quelques jours du début de la campagne, le gouvernement Charest abdiquait aux provinces productrices de sables bitumineux la direction de la conception d’une politique énergétique canadienne.

Et cela, sans mesurer, entre autres décisions fédérales, les récentes modifications à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale qui ne visent qu’à faciliter la réalisation de ces projets, loin des intérêts du Québec.

Dans le même ordre d’idées, Ottawa pourrait autoriser, sans que le Québec ait son mot à dire, l’East Coast Pipeline Project qui vise à inverser le pipeline Montréal-Sarnia pour faire couler 625 000 barils de pétrole des sables bitumineux par jour vers Montréal et ensuite acheminer le pétrole albertain, possiblement par bateaux, sur le Saint-Laurent avec les risques accrus que cela comporte pour l’environnement au Québec, comme il en est avec la décision de la Commission canadienne de la sécurité nucléaire (CCSN) de permettre de transporter par le Saint-Laurent les déchets radioactifs des centrales nucléaires de l’Ontario.



Énergie : au détriment du Québec

  • Le gouvernement canadien a investi, depuis 40 ans, au minimum 14 milliards de $ des fonds publics dans le développement des hydrocarbures et, depuis 30 ans, quelque 6 milliards de $ dans le développement du nucléaire en Ontario, alors que les Québécois, pour leur part, ont assumé seuls leur développement hydroélectrique. Où est l’équilibre?

  • Le gouvernement central du Canada a mis à la disposition de Terre-Neuve des garanties sur un emprunt de 4,2 milliards de $ pour la réalisation d’un câble sous-marin pour le transport de l’électricité entre cette province et la Nouvelle-Écosse. Terre-Neuve pourra donc concurrencer le Québec pour la vente d’électricité sur le marché américain avec la complicité du gouvernement canadien.

  • Le Québec n’a pas de véritable contrôle sur l’exploitation du pétrole et du gaz dans le golfe Saint-Laurent, notamment, pour ce qui est du réservoir Old Harry que Terre-Neuve veut exploiter. Ainsi, le gouvernement Charest a accepté que, sur le territoire du Québec, soit créé un office Canada-Québec pour la gestion conjointe des hydrocarbures dans le golfe en vue de réglementer ce nouveau secteur d'activité extracôtière. Le gouvernement Charest accepte ainsi une nouvelle intrusion fédérale.



Une transformation industrielle entravée dans plusieurs secteurs

En matière d’agriculture et d’alimentation, les systèmes de gestion de l’offre du Québec (systèmes dits des « quotas » en production agricole) sont sous le contrôle du Canada. Comme dans le cas de la Commission canadienne du blé abolie unilatéralement, le Canada pourrait mettre fin à la gestion de l’offre toujours sans l’accord du Québec.

De plus, le Québec reçoit moins de 10 % des subventions du gouvernement central du Canada en agriculture. Pendant que le Québec donne priorité aux programmes d’aide financière à la relève agricole, un besoin criant au Québec, Ottawa s’intéresse principalement à la production céréalière de l’Ouest, axée sur les exportations, qu’il subventionne à coup de milliards.

La forêt et l’industrie forestière sont, quant à elles, hors des préoccupations prioritaires du gouvernement canadien. Pour preuve, voyons son budget de 2010 où les Québécois ont contribué au minimum pour près de 2 des 10 milliards de $ consacrés au renflouage de l’industrie automobile ontarienne.

Pendant ce temps, l’industrie de la forêt au Québec, plongée dans une crise qui dure depuis cinq ans, a reçu au maximum 70 millions de $ du gouvernement central canadien. Rien depuis pour corriger ce déséquilibre frappant contre l’économie du Québec.

Les pêcheries et l’industrie de transformation des espèces marines sont l’une des richesses menacées du Québec par le gouvernement central du Canada en raison de son hégémonie sur la gestion des eaux internationales, de la navigation, des pêcheries et des ressources énergétiques en mer.

Récemment, une vague de fond de 625 chercheurs et spécialistes de la biologie marine s’est opposée au projet d’affaiblir la Loi sur les pêches en y faisant disparaître l’interdiction historique d’altérer l’habitat du poisson.


Des traités internationaux pour favoriser l’économie de l’Ouest

Tandis que le gouvernement Charest se flatte d’être le parti dont la priorité est l’économie, le constat de son action depuis 2003 est que la balance commerciale annuelle du Québec est passée d’un surplus à un déficit qui atteint à l’heure actuelle 24 milliards de $.

Pourtant, c’est Ottawa, priorisant les enjeux économiques qui concernent l’Ouest au détriment du Québec, qui pilote les négociations des traités internationaux, notamment avec l’Europe et bientôt l’Asie-Pacifique. Ces questions sont pourtant des éléments indispensables à un rééquilibrage de ce déficit commercial québécois.

L’apport des Québécois : 50 milliards de $

Rappelons enfin que les Québécois et Québécoises versent à Ottawa plus de 50 milliards de $ annuellement en impôt et taxes de toutes sortes. S’ajoute donc aux enjeux majeurs décrits ci-dessus cet autre enjeu que représente pour le développement économique du Québec la gestion de ces fonds, comment ils sont utilisés et quelle est la part qui nous revient.

Aussi est-il important que nos concitoyens élisent des candidates et candidats qui défendront les intérêts du Québec, libres de toute attache fédéraliste et pouvant s’exprimer clairement et fermement sans être forcés de défendre un système fédéral qui, de blocage en blocage, entrave le développement économique du Québec.

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