Les perfusions intraveineuses dans nos deux méga-hôpitaux

2013/06/10 | Par Michel Rioux

Dans l’état actuel des choses, les deux méga-hôpitaux montréalais construits en PPP, l’un francophone, l’autre anglophone – ce qui en dit long sur la mentalité de colonisé qui nous habite toujours, quoi qu’on en dise – semblent aujourd’hui sous perfusion intraveineuse tant leur présent apparaît chaotique et leur avenir plus qu’incertain.

Le premier grand patron du CUSM est en prison au Panama et celui du CHUM a comparu devant une commission parlementaire pour s’expliquer sur un grand nombre de sujets qui ne manquent pas de soulever des questions fort légitimes en matière de gestion de biens publics.

Saurons-nous un jour par quels chemins tortueux le Dr Arthur Porter est arrivé en 2005  à la tête du Réseau universitaire de santé de Montréal, installé à ce poste par un autre docteur bien connu, le ci-devant Philippe Couillard ?

Pourtant, son passé plutôt sulfureux avait commencé d’être connu, comme en fait état un dossier étoffé publié en octobre 2012 dans La Presse. Ne mentionnons que plusieurs transactions effectuées à l’époque où Porter était PDG du Detroit Medical Center.

Selon l’enquête, il s’est directement placé en situation de conflits d’intérêts dans plusieurs dossiers. On parle, entre autres, d’un scandale d’un milliard de dollars dans l’attribution d’un contrat informatique en faveur d’une entreprise dont Porter devait devenir par la suite membre du CA.

On ne s’attardera pas sur ses relations avec un dénommé Ali Ben Menashe, agent israélien mêlé à des trafics d’armes, en lien avec le gouvernement russe et auprès de qui Porter tentait d’obtenir des millions pour ses investissements en Afrique.

C’est cet homme – aussi consul honoraire du Sierra Leone - que le premier ministre Harper nomme en 2008 au Comité de surveillance du SCRS. Un comité qui a la haute main sur toutes les activités d’espionnage du Canada et de ses agents aux quatre coins du monde…

Juin 2010 fut un mois particulièrement actif. Porter est nommé membre à vie du Conseil privé de la reine le 21 juin. Ce qu’il est toujours ! Le lendemain, lui et Philippe Couillard fondent Porter et Couillard associés. Et le 23 juin, c’est l’apothéose : Porter devient président du Comité de surveillance du SCRS et Philippe Couillard accède à ce comité particulièrement sensible et stratégique.

Rappelons ici que Couillard avait été conseiller d’un régime qui n’est pas nécessairement reconnu pour ses vertus démocratiques, à savoir l’Arabie Saoudite.

L’année précédente, le 28 mai 2009, les deux compères avaient été nommés au CA de la société minière Canadian Royalties, achetée quelques mois plus tard par une entreprise chinoise.

Parmi toutes les accusations dont il est aujourd’hui l’objet, on trouve le versement d’une commission illégale de 22,5 millions $ par SNC-Lavalin pour la maîtrise d’œuvre de la construction du CUSM.

Côté francophone, nous ne sommes pas à l’abri. On a recruté à Rouen le PDG du CHUM. Pour lui assurer une rallonge salariale - 350 000 $ par année ne semblant pas suffisant – l’Université de Montréal lui filait 120 000 $ par année pour une charge d’enseignement.

En 2011, après quatre versements de 40 000 $, on s’est rendu compte que pour 8 heures d’enseignement, c’était plutôt fort payé. On a alors mis fin au stratagème.

Mieux encore, une enquête du site Vigile nous apprenait en mars 2011 que Paire entretenait des relations très étroites avec une entreprise, Dalkia, spécialisée dans la gestion d’établissements hospitaliers.

Dalkia est sous le contrôle de Veolia, sous contrôle de Suez, qui fait partie de la grande nébuleuse Power Corporation. Desmarais apparaît donc dans le portrait. Et quelle entreprise a été choisie pour gérer le CHUM en PPP ? Dalkia, bien entendu !

Autre hasard. Christian Paire habite une maison propriété de Sam Béwawi, ex-vice-président de SNC-Lavalin, sous enquête des autorités suisses et de la GRC. Il était à l’époque le patron de Raid Ben Aissa, en prison en Suisse pour corruption, escroquerie et blanchiment d’argent. Pouvait pas plus mal tomber, le monsieur Paire…

Malheureusement, les activités de ménés comme Gilles Cloutier et Bernard Trépanier, qui font les délices de la commission Charbonneau, sont venues occulter les prévarications de ces grands requins internationaux qui nous ont mis dans le trouble pour longtemps. Avec la complicité active, il ne faut pas l’oublier, d’autochtones de service comme Philippe Couillard.

En passant, un conseil au ministre de la Santé, le bon docteur Hébert, pour qui Loto-Québec est « un outil de santé publique ». Puisque, à ce qu’on dit, il s’en trouve pour se planter devant des machines à sous en portant une couche, histoire de ne pas gaspiller un temps si précieux, pourquoi n’offrirait-on pas aux joueurs compulsifs ces espèces de poteaux sur roulettes qu’on voit dans les hôpitaux ? On pourrait y remplacer le soluté par un 40 onces de vodka, qui serait distillé lentement par intraveineuse aux joueurs ravis d’être ainsi à l’abri de certaines contingences.