Pourboires : Des patrons veulent mettre la main sur les revenus des serveurs

2017/09/27 | Par Richard Lahaie

Le 21 septembre dernier, l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ) publiait un sondage selon lequel 50% des Québécois sont en faveur d’une redistribution des pourboires entre les employés de salle (serveuses, hôtesses, etc.) et les employés de cuisine (cuisinier, plongeur, etc.).

« Depuis 2015, l’Association des restaurateurs s’acharne à dire que les serveurs et serveuses gagnent trop cher et que les cuisiniers ne gagnent pas assez. Elle prône le partage des pourboires. Or, les salaires ne sont pas les mêmes. Le salaire minimum d’un serveur est de 9,45$ de l’heure, alors que le salaire minimum d’un employé de cuisine est de 11,25$ de l’heure. C’est inéquitable qu’un serveur subventionne le salaire du cuisinier avec ses pourboires », a confié Guy Gendron, président de la section locale 9400 des Métallos, en entrevue avec l’aut’journal.

« Ce que l’ARQ essaie de faire, c’est de trouver une porte d’entrée dans la gestion des pourboires », de poursuivre Guy Gendron. « Les restaurateurs ne paient pas suffisamment les cuisiniers et certains d’entre eux s’en lavent les mains. Ils veulent utiliser les pourboires pour les répartir parmi tous les travailleurs au lieu de donner un salaire décent au personnel de cuisine. Le partage des pourboires est un argument pour déculpabiliser les employeurs de sous-payer leurs employés. »

L’article 50 sur les normes du travail spécifie que « l’employeur ne peut imposer un partage des pourboires entre les salariés. Il ne peut non plus intervenir de quelque manière que ce soit dans l’établissement d’une convention de partage des pourboires. Une telle convention doit résulter du seul consentement libre et volontaire des salariés qui ont droit aux pourboires.

« Notre crainte est que la pénurie de cuisiniers et le fait qu’ils sont mal payés amènent le gouvernement à changer la Loi des normes du travail pour permettre aux restaurateurs de mettre la main sur les pourboires. Ainsi, le pourboire va leur permettre d’augmenter la rémunération des employés de cuisine sans que le restaurateur ne mette la main dans sa poche », d’expliquer M. Gendron.

« Le danger de laisser le restaurateur gérer les pourboires, c’est qu’il prélève une portion en douce et s’en serve pour toute autre chose que ce pour quoi les clients les versent », d’analyser Guy Gendron. « Dans les milieux syndiqués de la restauration, les salaires des employés de salle sont négociés en fonction des pourboires et ceux des employés de cuisine en fonction qu’ils ne reçoivent pas de pourboire. Quand il y a des conventions collectives, on peut négocier des ententes ou prévoir des ententes salariales. Mais quand il n’y a pas de syndicat, certains employeurs en profitent pour demander un pourcentage sur les pourboires. »

Même si le pourboire peut sembler discriminatoire entre les serveurs du matin et ceux du soir, car le 15% pour un déjeuner à 6,25$ est plus petit que celui sur un souper à 20$. Guy Gendron explique que « le montant est effectivement différent, mais le travail est différent. Le matin et le midi, c’est une question de rapidité. Les clients n’ont pas beaucoup de temps pour manger, alors le service se fait en une heure. Tandis que le soir, le client relaxe et le service se fait en deux heures. Il y aura moins de clients en soirée. Il ne faut pas oublier que le matin, les clients laissent parfois, comme pourboire, 1,50$ sur une facture de 6,25$. C’est plus que 15% ».

 

L’arnaque du paiement électronique

Le client qui paie sa facture de restaurant avec une carte de débit ou de crédit ne se doute pas qu’il paie plus de pourboire en choisissant l’option pourboire sur Interac. Le pourcentage de 15%, déterminé par défaut sur les terminaux, est calculé sur le montant qui inclut les deux taxes.

Rappelons qu’à l’origine, le pourboire était une petite somme d’argent que le client donnait aux serveurs, en arrivant au restaurant, dans le but d’avoir une bonne place. Aujourd’hui, le pourboire sert plutôt à récompenser le service.

La section locale 9400 des Métallos représente 4 000 travailleuses et travailleurs du secteur de l’hôtellerie et de la restauration au Québec.