Entrevue avec Gabriel Nadeau-Dubois

2017/11/29 | Par Pierre Dubuc

Québec Solidaire et Option Nationale ont créé la surprise, le 5 octobre dernier, avec la présentation d’un projet de fusion entre les deux organisations. À la veille de leurs congrès respectifs, qui doivent entériner ou rejeter cette entente – première fin de semaine de décembre dans le cas de QS et une semaine plus tard pour ON – , l’aut’journal a rencontré Gabriel Nadeau-Dubois, le porte-parole de QS pour comprendre la genèse et les implications de cette initiative.

Quand on fait part à GND de notre étonnement après le rejet, lors du congrès du mois de mai de QS, du principe d’une alliance avec le Parti Québécois et le reniement de sa signature au bas de la « feuille de route » indépendantiste, approuvée par les autres partis indépendantistes dans le cadre de l’organisation OUI-Québec, il s’empresse d’apporter les précisions suivantes.

« Voir le rejet du pacte électoral avec le PQ comme de la timidité de QS face à la question nationale, c’est voir les choses à l’envers. Un des motifs du rejet est la décision du PQ de ne pas parler d’indépendance, lors de la prochaine élection », précise-t-il en nous assurant que QS en fera un des thèmes centraux de sa campagne électorale.

Concernant la « feuille de route », il souligne que le président sortant de QS, Andres Fontecilla, n’avait pas le mandat de la ratifier, parce qu’elle était en porte-à-faux avec la position, à ce moment-là, de QS sur la constituante, le débat devant avoir lieu plus tard sur cette question. « Il aura lieu en fin de semaine et si le congrès tranche en faveur d’une constituante à mandat indépendantiste, comme le stipule l’entente avec Option Nationale, cela nous rapprochera de la ‘‘ feuille de route’’ et nous pourrons retourner à la table du OUI-Québec avec une position renouvelée et claire. »

Comment présumer que le congrès puisse accepter aujourd’hui le projet d’une constituante à mandat indépendantiste, alors qu’il l’a rejeté avec une majorité de 55 % des voix au dernier congrès, préférant une constituante à mandat ouvert, qui n’excluait pas le maintien du Québec dans le Canada ?

GND aligne différentes explications. « Le débat a amené des gens à changer d’idée. Mes collègues Manon et Amir, qui étaient des défenseurs de longue date de la constituante à mandat ouvert, ont évolué dans leur compréhension des choses. » Il soutient aussi que les événements en Catalogne ont eu un impact. « Cela a ouvert les esprits sur la nécessité d’une démarche claire et affirmée. Sinon, on va se faire rentrer dedans par les opposants à l’indépendance. »

Un autre facteur invoqué est la nécessité d’accueillir une nouvelle vague de militantes et militants pour l’indépendance. « L’histoire de la gauche indépendantiste au Québec, c’est l’histoire de vagues successives de rassemblements », de déclarer celui dont le ralliement à QS s’est accompagné de l’inscription de plusieurs milliers de nouveaux membres.

Il n’en demeure pas moins que l’impression existe dans le mouvement souverainiste d’une tiédeur de QS sur la question nationale au point de se demander si les engagements du document d’entente (accorder la même importance au régime colonial canadien qu’au néolibéralisme, dénoncer le Québec-bashing, produire un portrait financier démontrant la viabilité financière d’un Québec indépendant) peuvent être interprétés comme des gages donnés aux indépendantistes?

« Ce n’est pas dans cet esprit que se sont menées les négos. Nous n’avons pas demandé non plus à Option Nationale de nous donner des ‘‘gages’’ de progressisme ou de féminisme », réplique GND qui renvoie au programme de QS où figurent déjà ces questions. Cependant, il reconnaît qu’il y a des « craintes, des impressions, parfois des préjugés » à défaire. Quand on pointe l’appui de QS au NPD, il rétorque : « Il y a eu cette fameuse lettre d’appui au NPD qu’Amir avait signée de son propre chef. C’est le seul événement. QS a comme politique de ne donner aucune consigne de vote aux paliers fédéral et municipal,  mais les membres, à titre individuel, sont libres de militer pour le NPD, le Bloc ou à Projet Montréal ».

Quant on souligne à GND l’à-propos des critiques  sur l’absence, souvent, de liens entre les dossiers québécois et le cadre canadien, et l’approche provincialiste du discours de QS – qu’il partage avec le PQ – il répond : « Notre programme est clair sur le fédéralisme canadien. C’est écrit en toutes lettres que c’est un système qui n’est pas réformable, issu d’une conquête militaire, et que l’avenir s’envisage à l’extérieur de ce système-là ». Cependant, il reconnaît que, « dans les communications, dans le discours public, il y a encore du travail à faire pour être plus percutant dans notre dénonciation des liens entre les enjeux provinciaux et le régime canadien ».

Sur un autre plan, l’ancien leader de la grève étudiante du « Printemps érable » admet que QS est trop identifié à la défense des intérêts de groupes particuliers. « Cela a permis à la droite de faire le procès de la gauche comme ayant abandonné la majorité des gens. Il faut casser ce cadrage-là. Notre défi est d’être fidèle à la défense des droits et libertés de tout le monde, sans perdre de vue notre projet de société global. »

Cela vaut aussi pour les questions économiques. « On peut ne rien céder dans la lutte contre la pauvreté, tout en étant porteurs d’une vision économique qui est celle du bien commun », raconte-t-il en rappelant le dépôt de leur projet de loi sur la nécessité de taxer le commerce en ligne, conjointement avec le propriétaire des magasins Simons.

En terminant l’entrevue, nous revenons sur les événements en Catalogne, qui dévoilent, selon lui, « la nature profondément révolutionnaire du processus de l’indépendance, qui implique une rupture avec le régime politique dominant ». Gabriel Nadeau-Dubois croit que c’est « un bon rappel que l’indépendance ne pourra se faire seulement en haut lieu, dans les salons outremontois, avec des constitutionnalistes chevronnés. Les forces politiques qui vont mener le peuple québécois vers l’indépendance vont devoir avoir le potentiel de générer une forte mobilisation sociale ».   

 

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Éléments de l’entente de principe entre Québec Solidaire et Option Nationale

Dans le préambule, on précise que la fusion entre les deux organisations « vise à permettre à tous les indépendantistes progressistes du Québec de militer au sein d’un parti unifié, qui constituera le fer de lance de la promotion de l’indépendance ». Cette union s’effectue sur « la base du programme, des valeurs fondatrices (indépendantisme, démocratie, écologisme, féminisme, pluralisme, progressisme, altermondialisme) et des statuts de Québec solidaire, mais préservera l’esprit et la visibilité des aspects constitutifs d’Option Nationale, appelé à devenir un collectif au sein du parti unifié ». Le nouveau parti conservera le nom « Québec solidaire », mais adoptera un nouveau logo.

Au nombre des engagements politiques, la pièce centrale est la décision de QS de modifier son programme concernant la stratégie d’accession à l’indépendance. Le parti s’engage toujours à enclencher, dès son arrivée au pouvoir, une démarche d’Assemblée constituante, mais avec, désormais, un mandat indépendantiste. Elle aura pour mandat d’élaborer un projet de constitution d’un Québec indépendant alors qu’auparavant, son mandat était d’élaborer une constitution du Québec, qui aurait pu demeurer dans la fédération canadienne.

Il est aussi à signaler que, « dans les communications publiques du nouveau parti unifié, « le régime colonial canadien sera placé au même niveau d’importance que le néolibéralisme. Par ailleurs, le ‘‘Québec bashing’’ sera dénoncé et combattu par le parti unifié ».

Le parti unifié s’engage également à présenter à l’élection générale de 2018, « un cadre financier prévoyant les ressources nécessaires au processus d’accession à l’indépendance, notamment la mise en place de l’Assemblée constituante » et « un portrait financier démontrant la viabilité financière d’un Québec indépendant ».