La CSQ remet son prix Mérite CSQ à l’aut’journal et Pierre Dubuc

2018/07/03 | Par L’aut’journal

Discours de Louise Chabot, présidente de la CSQ

Bonjour,

Nous sommes maintenant rendus à un moment fort de notre congrès.

Celui de rendre hommage à une personne qui a apporté une contribution exceptionnelle à la CSQ. Depuis 1997, nous remettons à chaque congrès un prix Mérite en ce sens.

Cette année, nous décernons le prix à une publication unique au Québec, et à celui qui a eu l’audace de lui fait voir le jour et le courage de la faire grandir : j’ai nommé « l’aut’journal », publication indépendante, indépendantiste et progressiste, et son directeur fondateur et rédacteur en chef, Pierre Dubuc.

L’aut’journal est, depuis 34 ans, un phare dans l’univers de la presse écrite au Québec.

Ce journal est un phénomène unique qui, durant plus de trois décennies, a donné écho à une voix progressiste essentielle pour faire contrepoids à un discours public trop souvent conservateur.

Ce média a le mérite de dépasser le simple commentaire pour également partager des idées et défendre une vision d’une société plus juste et plus égalitaire.

En ce sens, il fait œuvre d’éducation sociale auprès de son lectorat. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que l’aut’journal est à l’image de son fondateur exceptionnel.

Pierre, je t’inviterais à me rejoindre sur la scène.

Pierre Dubuc est avant tout un militant qui a fait ses premières armes dans la défense des droits des assistés sociaux.

Originaire d’un milieu ouvrier, il s’est d’abord illustré en créant l’Association pour la défense des droits sociaux du Montréal métropolitain (ADDS), puis en mettant sur pied le Laboratoire d'études socio-économiques de l'UQAM, en collaboration avec Léo-Paul Lauzon, en 1996.

Pierre a également été de plusieurs combats sociaux et de luttes politiques pour la cause de l’indépendance du Québec. Il a cofondé, en 2004, le SPQ Libre (les Syndicalistes et progressistes pour un Québec Libre), un club politique de gauche au sein du Parti Québécois.

Il a fait partie de la grande famille CSQ en occupant le poste de rédacteur en chef du journal du Syndicat de Champlain durant 24 ans, où il a toujours été un grand défenseur du progrès social.

Il a fondé l’aut’journal le 1er mai 1984, avec un tirage initial de 1 500 exemplaires. Aujourd’hui, la version papier est publiée mensuellement à plusieurs milliers d’exemplaires et une version Web est mise à jour quotidiennement.

Réussir à publier durant 34 ans un journal indépendant de gauche, financé exclusivement par les cotisations de ses lectrices et lecteurs, par des syndicats et des organisations non gouvernementales, tient pratiquement du miracle. Cela en dit long sur la détermination et le courage qu’a démontrés Pierre au cours de toutes ces années. Toutes celles et tous ceux à qui il a donné et donne toujours une voix lui en sont extrêmement reconnaissants.

C’est donc un très grand honneur, pour la CSQ, de rendre hommage aujourd’hui à un militant remarquable, inspirant, et à son journal, qui n’ont jamais renié leurs convictions et leurs valeurs. L’engagement social de Pierre est sans faille et il a toujours fait passer les nombreuses causes qu’il a défendues avant ses propres intérêts. Par ses actions et les initiatives qu’il a portées, il est un modèle de solidarité sociale comme on en voit peu.

Merci, Pierre, et longue vie à l’aut’journal!

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Discours de remerciements de Pierre Dubuc

Mme la présidente, distingués invités, chers congressistes,

C’est avec beaucoup d’émotion que je reçois cette reconnaissance pour ces années de lutte pour une presse libre et indépendante.

J’en remercie la CSQ. Je veux aussi remercier plus particulièrement le Syndicat de Champlain où j’ai œuvré à mi-temps pendant 24 belles années. Merci à Réjean Parent de m’avoir embauché, d’avoir été mon conseiller et mon complice dans des projets comme le SPQ Libre; Merci à Monique Pauzé, aujourd’hui députée fédérale, que je suis heureux de pouvoir compter comme collaboratrice à l’aut’journal; Merci à Éric Gingras, pour ces heures de discussion sur l’utilisation des nouveaux médias, entremêlées d’échanges sur le football et le hockey.

Je partage ce prix avec toute l’équipe de l’aut’journal et, plus particulièrement, avec ma conjointe et collaboratrice, Ginette Leroux.

Quand nous avons lancé l’aut’journal, il y a 34 ans, notre but était d’offrir un discours alternatif au discours néolibéral, antisyndical et anti-souverainiste des empires de presse des Desmarais, Péladeau et Conrad Black. Nous défendions le droit à une information différente.

Aujourd’hui, les grands médias traditionnels voient leur domination contestée par les géants du numérique (Facebook, Google, etc.), qui raflent leurs revenus publicitaires. Ils implorent les gouvernements – et bientôt leur lectorat – de leur octroyer un soutien financier en se drapant dans le drapeau de la défense du « droit à l’information ».

Dans ce contexte, l’existence de l’aut’journal est-elle toujours pertinente? Je crois que oui. Et je veux, très brièvement, donner trois exemples de cette pertinence, à partir de préoccupations que nous partageons avec la CSQ.

Premier exemple : les subventions publiques aux écoles privées.  Dans son rapport de 2016, le Conseil supérieur de l’éducation a posé un jugement lapidaire sur notre système d’éducation. Il a déclaré qu’il était rendu à un « point de bascule » sur la question de l’équité, avec l’écrémage de plus de 20% des meilleurs élèves par le réseau privé.

Quelle a été la réaction des médias traditionnels suite à la publication de ce rapport? Tous, même Le Devoir, l’ont ignoré et ils continuent à défendre les subventions publiques à l’école privée. En fait, ils continuent à défendre les privilèges de l’élite économique, politique et médiatique, dont les enfants fréquentent l’école privée.

Deuxième exemple : le français. Chaque recensement nous informe d’un nouveau recul du français au Québec. Dans l’édition juillet-août 2018 de l’aut’journal, qui vous a été distribué, notre chroniqueur Charles Castonguay démontre que l’anglicisation ne se limite pas aux allophones, mais touche également les francophones sur l’île de Montréal.

Pour contrer ce recul, une des solutions serait d’étendre les dispositions de la loi 101 aux cégeps. Chaque année, près de 4 500 étudiants, qui ont fréquenté le réseau scolaire francophone, s’inscrivent au cégep anglophone. De ce nombre, il y a autant de francophones que d’allophones. Résultat : les cégeps anglophones refusent des inscriptions; les cégeps francophones suppriment des programmes. Ou, dernière nouveauté, créent des programmes bilingues, comme le documente notre chroniqueur Frédéric Lacroix.

Quelle est la réaction des médias traditionnels face à cette situation? Tous, même Le Devoir, refusent de voir que les dispositions législatives qui ont été nécessaires dans les années 1970 pour l’école primaire et secondaire s’imposent aujourd’hui pour le réseau collégial. Encore une fois, on se porte à la défense de l’élite économique, politique et médiatique, qui rêve d’inscrire sa progéniture au cégep anglais.

Troisième et dernier exemple : la précarité au travail. C’est une source de profonde insécurité, d’insatisfaction et de frustration. Elle frappe le secteur public autant que le secteur privé, les syndiqués autant que les non-syndiqués. 46% du personnel enseignant est à statut précaire. Encore plus sans doute chez le personnel de soutien. Même chose en santé.

Avec une telle situation, le monde syndical se présente aux tables de négociations avec un bras attaché dans le dos. Au plan politique, il faut savoir que le précariat est la base électorale des mouvements et partis politiques populistes en Europe.  Ça ne sera pas différent ici.

Est-ce que les médias traditionnels s’intéressent à cette question? Je vous laisse y répondre.

Je m’en tiens là sur ces trois questions, le privé en éducation, le français au cégep et la précarité au travail. Je présume que vous aurez l’occasion d’en débattre au cours de ce congrès.

Dans les pages centrales du journal que vous avez entre les mains, nous saluons les 420 personnes qui sont signé des articles dans la version papier du journal depuis sa fondation en 1984. Elles l’ont fait, bien sûr, par militantisme, mais également parce que nous leur offrions une large diffusion de leurs idées avec notre tirage mensuel de 20 000 exemplaires.

Précisons que, de ce nombre, 15 000 exemplaires sont distribués au moyen de présentoirs dans des bibliothèques, des maisons de la culture, dans des syndicats et des groupes communautaires. Ils sont distribués par une entreprise privée dans la plupart des régions du Québec. Dans les autres régions, dites « éloignées », nous comptons sur le militantisme d’individus et d’organisations syndicales, comme c’est le cas avec la Coordination régionale CSQ de la région du Saguenay-Lac-St-Jean que nous remercions. En passant, nous sommes à la recherche de volontaires pour les régions de la Côte Nord, de la Gaspésie et de l’Abitibi-Témiscamingue.

Pour financer cette distribution, mais aussi l’imprimerie, la poste, le loyer, le site Internet, etc., etc., nous ne recevons aucune subvention gouvernementale, ni ne touchons de revenus publicitaires commerciaux.

Nous comptons essentiellement sur le soutien de nos abonnés de groupe ou individuels. C’est pourquoi nous avons glissé dans le journal une enveloppe avec un formulaire d’abonnement.

Au cours de nos 34 années d’existence, la CEQ, puis la CSQ, ont été des partenaires privilégiés de l’aut’journal. Le prix que vous nous octroyez aujourd’hui en témoigne. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants. Nous souhaitons que cette collaboration se poursuive et s’intensifie.

Longue vie à la CSQ
Longue vie à l’aut’journal
Longue vie à la presse libre et indépendante