Pénurie de main-d’œuvre : une autre solution que l’immigration

2018/09/10 | Par David Chartrand

L’auteur est le coordonnateur québécois de l’Association Internationale des Machinistes et des travailleurs de l'Aérospatiale


Notre difficulté à répondre à la forte demande de main-d’œuvre au Québec est un boulet à la cheville de l’économie qui s’alourdit chaque jour. Cette semaine, la Banque de développement du Canada a avancé que les problèmes de disponibilité de main-d’œuvre pourraient s’étirer sur une décennie.

« Nous sommes inquiets de voir les partis politiques demeurer discrets sur ce qu’ils comptent faire des problèmes liés à la main d’œuvre s’ils forment le prochain gouvernement. Si nous n’avons pas de mesures ciblées à mettre en place rapidement, nous allons voir de nombreux emplois de qualité quitter le Québec. Nous devons mieux gérer les nombreux départs à la retraite et créer les conditions gagnantes pour orienter et former les personnes sans-emplois», plaide le coordonnateur québécois du Syndicat des Machinistes, David Chartrand.

Avant le début de campagne électorale, nous avons remis aux partis politiques une liste de nos recommandations. Une des solutions proposer pour minimiser les impacts négatifs du manque de main-d’œuvre était de mettre en place de mesures incitatives pour que des programmes de retraite progressive et de mentorat soient offerts dans les secteurs en situation de pénurie.

En amenant les entreprises à développer des programmes de retraite progressive, nous estimons qu’il serait possible de ralentir la progression du manque de main-d’œuvre dû aux nombreux départs à la retraite. En offrant le choix d’une retraite progressive, nous sommes convaincus que plusieurs travailleurs et travailleuses prolongeraient leur carrière de quelques années.  

« Il m’arrive de rencontrer des personnes qui sont passionnées par leur métier, me dire qu’ils s’en vont à la retraite à reculons. Si on leur donnait le choix de se retirer progressivement, ces derniers resteraient quelques années de plus même s’ils ont les moyens financiers de prendre leur retraite. C’est le genre de flexibilité qu’il faut offrir pour ralentir de façon simple et intelligente les départs à la retraite des Baby-boomers», explique le coordonnateur québécois du Syndicat des Machinistes, David Chartrand.

Dans un contexte de manque de main-d’œuvre, il est également important qu’une travailleuse ou un travailleur puisse rapidement s’adapter et se sentir à l’aise dans son milieu de travail. En favorisant le transfert des connaissances des plus expérimentées vers la relève par le mentorat, il devient possible d’augmenter la productivité par la réduction du temps d’apprentissage et d’améliorer la rétention de la main-d’œuvre, par une meilleure intégration à l’environnement de travail.

« Un travailleur expérimenté connait la « game » et est souvent un très bon pédagogue. Malheureusement, son expérience est souvent mal exploitée ou sous-estimée par les entreprises. Les programmes de mentorat peuvent contribuer à améliorer le niveau de production et minimiser le roulement de personnel. Deux éléments à prendre en considération lorsque l’on est en recherche de personnel», conclut M. Chartrand.
 
 
Exemples de supplémentaires de mesures afin de répondre aux problèmes de disponibilité et de formation de la main-d’œuvre.

  • Donner plus de moyens aux organisations comme le CAMAQ (comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale) pour la planification et la coordination de la formation continue et réaffirmer son mandat d’orientation des futurs travailleurs vers une formation pertinente
  • améliorer l’accessibilité aux formations sur les métiers en demande pour les gens sans travail;
  • doter la province d’une politique économique axée sur le développement des compétences et des connaissances des Québécois;

 

Quelques faits sur la situation de la main-d’œuvre

  • L’Institut de la Statistique du Québec rapporte que des centaines de milliers de postes seront à combler 2025 pour remplacer les départs à la retraite et répondre à la création d’emplois.
  • Selon Statistique Canada, il y aurait approximativement 103 100 postes vacants au Québec pour une population active de 4,5 millions de personnes et un nombre d’emplois dépassant les 4,2 millions.
  • La population active augmente en moyenne de quelques milliers de personnes par année
  • Il y a en ce moment environ 250 000 chômeurs au Québec
  • Après les États-Unis et la France, c’est au Canada que la demande annuelle de main-d’œuvre en aérospatiale est la plus forte. D’ici 2025, seulement pour remplacer les départs à la retraite et répondre à la demande dans le secteur aérospatial le Québec aura besoin de 16 800 travailleurs.


Facteurs aggravant les problèmes de disponibilité de la main-d’œuvre

  1. Difficulté du gouvernement à faire connecter le profil de la population active sans-emplois avec les professions en demande.
  2. Niveau d’accessibilité au système d’éducation et aux programmes de formation
  3. Manque d’information et de valorisation des métiers en demande
  4. La situation démographique du Québec réduit le nombre de travailleurs actif (plus de gens de 65 ans que d’enfants de moins de 14 ans).
  5. Manque d’intérêt pour certaines professions, créé par les conditions de travail ou le revenu qui sont offerts par les employeurs.


Le Syndicat des Machinistes est le plus important syndicat au monde en aérospatiale avec plus 184 000 membres répartis sur 1 000 conventions collectives.

Affilié à la FTQ il représente depuis 1940 des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses en aérospatiale au Québec, nous retrouvons aujourd’hui des membres des Machinistes au sein d’entreprises majeures comme Bombardier, Airbus, Rolls Royce, Héroux-Devtek, Safran Landing , L3-MAS, AJ-Walter, Air Canada, Air Transat et Siemens.