L’action politique pour contrer l’assaut du néoliéralisme?

 


Forum intersyndical



Le 6 novembre dernier, se tenait à Québec, la deuxième rencontre organisée par le Forum intersyndical. Ce forum est une initiative de personnes militant dans les centrales syndicales et des syndicats indépendants pour promouvoir l’unité et la démocratie syndicales. L’idée du forum «est venue d’une constatation partagée à savoir que le mouvement syndical dans toutes ses composantes subit de plein fouet l’assaut des politiques néolibérales» (1). Comment le mouvement syndical réagit-il à cet assaut? C’est ce qu’ont discuté, à titre personnel, des représentants syndicaux invités à ces rencontres.

Les reculs du mouvement syndical peuvent s’expliquer par la force de l’offensive de l’adversaire comme le souligne André Frappier, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes de Montréal (FTQ) aux prises pour la quatrième fois avec des lois répressives. Pourtant, le syndicat avait adopté une stratégie qui visait à développer un rapport de force favorable en allant chercher le plus d’appuis possibles dans la population 0 «Quand, durant la grève, on a livré les chèques aux bénéficiaires d’aide sociale et aux chômeurs, une solidarité s’est développée avec la population» (2). Mais comme le gouvernement était derrière la Société des postes, la lutte s’est terminée par une loi spéciale ce qui pose, selon lui, la nécessité de l’action politique.

L’offensive de l’État

Serge Roy président du syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) affirme que des missions importantes de l’État ont été remises en question au cours des dernières années. Il voit la nécessité de développer une stratégie en dehors des négociations des conventions collectives car le gouvernement n’attend pas la négociation pour décider de fermer des services0 «Il prend une décision politique et les syndicats doivent s’en accomoder. Alors, ce qui nous reste à négocier comme organisation c’est un peu, qui va être frappé par les mesures» poursuit-t-il, ce qui n’aide pas à l’unité syndicale pourtant nécessaire dans la conjoncture actuelle.

La faiblesse syndicale

Les reculs peuvent s’expliquer par la faiblesse de la riposte syndicale. Selon Luc Desnoyers, directeur québécois des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA-FTQ) déclare0 «Aujourd’hui des conventions de dix ans, douze ans, quinze ans ont été signées, et l’aberration dans tout ça, c’est que les syndicats concèdent le seul droit qui leur reste, celui de négocier une convention collective».

Louis Roy de la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN) affirme que les syndicats sont piégés au Québec à cause de la concertation avec l’État et le patronat. Selon lui, la participation des syndicats au Déficit zéro pouvait être justifiable au départ dépendant du moyen d’y arriver. Sa fédération a fait valoir que le gouvernement pouvait réduire le déficit en réformant la fiscalité et en augmentant les revenus. On connaît la suite0 le gouvernement a coupé dans les dépenses et a réduit les services publics. C’est pourquoi plusieurs intervenants pensent que l’objectif du déficit zéro était un piège.

Au Sommet socio-économique, des groupes, autres que les centrales syndicales, se sont retirés quand ils ont compris que cet objectif n’était qu’un prétexte au désengagement de l’État dans les services. Aujourd’hui les centrales syndicales remettent en question cet objectif sous la pression de leurs membres.

Les méfaits du maraudage

L’éparpillement des forces syndicales, dont la cause est le maraudage, est un autre facteur qui explique les reculs. Serge Roy, président du SFPQ affirme0 «Quand on est en contact avec la CSN, la CEQ et la FTQ, en période de maraudage, je vous avoue que c’est compliqué de se parler. Toutes les énergies sont d’abord consacrées à gérer les rivalités». Lui-même président d’un syndicat indépendant, poursuit en soulignant que la montée des syndicats indépendants accentue l’éparpillement et la méfiance entre les organisations syndicales. Selon lui, il faudrait se questionner sur ce phénomène au lieu de porter des accusations.

Perspectives syndicales et politiques

Quelle stratégie faut-il développer pour contrer le néolibéralisme? Pour tous les intervenants, le partenariat est un piège et il faut développer une stratégie de résistance. Mais cela ne suffit pas puisqu’on constate l’éparpillement des syndicats. Serge Morin du syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) prône une centrale unique pour éviter les déchirements entre les syndiqués mais cette proposition ne fait pas l’unanimité. Comment alors développer l’unité entre les organisations syndicales? La question nationale pourrait jouer ce rôle à la condition qu’elle ne soit pas un prétexte pour mettre de côté la question sociale et que le mouvement syndical ne soit pas à la remorque du P.Q.

Nicole Frascadore et Jacques Desmarais ont insisté sur l’importance de revendications unificatrices comme l’a été la revendication du 100$ minimum lors du Front commun de 1972. Selon Serge Morin, vice-président du SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique) avoir des objectifs communs aux différentes organisations syndicales est une stratégie gagnante.

André Frappier voit les perspectives dans l’action politique0 «Quel est le meilleur moyen de lutter? J’ai la conviction que c’est en créant un mouvement ralliant les forces syndicales et populaires. C’est en présentant des candidats et en menant la bataille là où il le faut. Tant que le vide politique va persister, que les travailleurs et les travailleuses resteront à côté de la bataille politique, le gouvernement va continuer à nous imposer des lois spéciales et on va continuer à se diviser. Il est donc temps de se doter d’un projet politique et de prendre notre place».

(1) Gordon, Lefebvre, Correspondances hors série, numéro 1, novembre 1998

(2) Correspondances,hors série no 1