Faut-il mettre la CSST en tutelle ?

 

Dans une série d’articles, dont on disait qu’elle devrait se poursuivre le 27 janvier, le journaliste André Noël de La Presse nous informe des résultats de l’enquête publique du coroner Gabriel Garneau concernant la mort d’un jeune ouvrier, Patrick Begin survenue à Contrecoeur dans le terminal du port de Montréal.

Le coroner en chef aimerait savoir pourquoi la CSST a tronqué le rapport de son inspecteur, Vasile Murgaseanu qui soulignait la négligence de la Commission. La CSST a de plus tenté d’obliger ce dernier à signer la version tronquée.

Pire, la directrice régionale de la CSST du bureau de Longueuil, Louyse Toulouse a menacé de suspendre le permis d’inspecteur de M. Murgaseanu et a refusé de lui fournir un avocat pour l’enquête publique du coroner.

Où est l’indépendance de la justice ?

Quelques jours auparavant, soit le 15 décembre, La Presse nous informe d’un recours collectif entrepris par neuf avocats et un notaire contre la Commission des lésions professionnelles, le nouveau tribunal administratif de la CSST. On aurait violé la loi lorsqu’on a nommé les commissaire. Le journaliste André Noël se demande d’ailleurs, à juste titre, si ce recours peut paralyser ce tribunal ?

Le ministre Bégin, à l’époque où il avait entrepris la réforme des différents tribunaux administratifs, s’était inquiété de l’indépendance de jugement des décideurs, s’ils n’étaient pas chapeautés par le ministère de la Justice. Le Barreau du Québec avait soulevé le même questionnement dans son mémoire. Le ministre Rioux n’a pas partagé cet avis et la Commission des lésions professionnelles relève maintenant du ministère du Travail.

Est-ce là l’abandon par le ministre Rioux et la CSST de l’indépendance décisionnelle recherchée à l’époque ?

Après avoir éconduit plus de 30 présidents de bureaux de révision expérimentés, voudrait-on purger aussi les inspecteurs récalcitrants qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Comme si la police prenait rendez-vous avec les voleurs...

D’ailleurs, avec la Nouvelle Approche en Prévention-Inspection (NAPI) adoptée en septembre 1995, les 250 inspecteurs de la CSST sont encouragés à annoncer leurs visites et à prendre rendez-vous avec les employeurs plutôt que d’arriver à l’improviste ! Heureusement que la police n’adopte pas cette approche avec les voleurs !

Le but du NAPI serait, selon les dires du président de la CSST, M. Trefflé Lacombe, de « convaincre, soutenir et contraindre ». Vous conviendrez que ce n’est quand même pas banal. L’employeur qui opère dans l’illégalité, qui joue avec la sécurité, voire la vie de ses travailleurs, devrait être soutenu par la CSST, s’il faut en croire son président !

Sous le couvert de l’anonymat, des inspecteurs ont déclaré au journaliste de La Presse que la NAPI avait été conçue sur mesure pour les employeurs, au détriment des travailleurs. Depuis, les visites d’inspection ont diminué de 300% en trois ans.

Une enquête publique sur la CSST ?

L’enquête publique courageusement réclamée par M. Murgaseanu dans l’affaire Patrick Bégin devrait-elle s’étendre à toute la CSST ? Le nouveau ministre de la justice devrait-il envisage une tutelle ?

Quelle crédibilité peut-on accorder après tout cela à un organisme comme la CSST qui, dans une autre affaire controversée (la mort de Luc Filion à l’ancienne carrière Miron) contredit la version de l’ex-sergent-détective Denis Cusson de la CUM (La Presse, 22/12/98).

Aussi, je crois que le temps est venu pour le président de la CSST, M. Trefflé Lacombe de dire quel genre d’éthique doit animer ses décideurs, commissaires, inspecteurs, agents d’indemnisation, directeurs régionaux et autres.