Le FMI et la Banque mondiale mènent le monde au bord du chaos

 


Pour comprendre ce qui se passe au Brésil



Dans un récent ouvrage (1), le professeur d’économie politique Michel Chossudovsky montre comment, tout au service du grand capital, le FMI et la Banque mondiale sont en train de conduire le monde au bord de l’abîme. Appliquées à plus de 100 pays du monde (dont des géants comme le Brésil, l’Inde, le Nigéria et la Russie), les mesures économiques qu’ils imposent sèment partout pauvreté et misère. À tel point que le monde s’uniformise de plus en plus sur le modèle du tiers-monde et de moins en moins sur celui des pays développés.

Pourtant, prétendant venir à la rescousse des pays pauvres, les programmes d’ajustements structurels parrainés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale se révèlent, en réalité, une véritable manne pour les pays riches. En effet, Chossudovsky nous apprend, qu’entre 1986 et 1990, « le transfert net des ressources en faveur du seul FMI a été de l’ordre de 31,5 milliards de dollars. » Les prêts du FMI aux pays en développement furent en quelque sorte financés par les pays pauvres eux-mêmes.

De 1983 à 1990, le montant total des flux de capitaux des pays pauvres vers les pays riches a été de 150,5 milliards de dollars, c’est-à-dire deux fois le Plan Marshall qui avait permi la reconstruction de l’Europe après la Seconde guerre mondiale. « C’est le monde à l’envers, affirme Chossudovsky, les nations les plus démunies fournissent leur aide aux plus riches (...) finançant l’investissement et la croissance dans le Nord au détriment du Sud et de l’Est.»

Les pays en développement devaient à leurs créanciers, en 1997, la somme effroyable de 2,000 milliards de dollars, soit 30 fois leurs dettes de 1970.

Pouvoir d’achat

L’ouvrage de Chossudovsky montre comment la plupart des pays endettés du tiers-monde ne contrôlent plus ni leur économie ni leur politique sociale. Les bailleurs de fonds ont placé leurs propres bureaucrates aux échelons les plus hauts de la banque centrale et du ministère des Finances de ces pays et peuvent ainsi détourner directement les revenus des gouvernements vers le service de la dette.

Cette situation s’applique maintenant à plus d’une centaine de pays avec la conséquence que les trois quarts de l’humanité, de fait, ne vivent plus en démocratie, étant forcés d’accepter une politique économique qui les appauvrit toujours davantage et qui, ce faisant, détruit le pouvoir d’achat à l’échelle planétaire.

À son tour, ce pouvoir d’achat réduit diminue sérieusement les marchés de la consommation. Aujourd’hui les peu nombreux consommateurs des pays riches sont loin de suffire à acheter tout ce qui est produit dans le monde.

Éliminer la PME

On nage donc en plein contexte de surproduction, ce qui entraîne les multinationales des pays riches dans les vagues de fermetures, fusions et délocalisations que nous connaissons maintenant très bien au Québec. Ces mêmes multinationales, pour s’approprier des marchés de plus en plus réduits à l’échelle mondiale, visent aussi plus que jamais l’élimination de la petite et moyenne entreprise en l’acculant à la faillite ou en la forçant à produire en sous-traitance pour un distributeur mondial.

La gangrène a maintenant atteint les pays riches car ces fermetures-fusions-délocalisations répandent à leur tour le chômage au sein même des pays riches et, ainsi, aggravent la crise parce qu’elles s’attaquent au pouvoir d’achat des dernières populations à pouvoir encore se payer les produits et les services des grandes entreprises.

Actes de charité

Au début, nous dit Chossudovsky, tant que les programmes d’ajustements structurels du FMI et de la Banque mondiale ne touchaient que quelques pays, les conséquences de leur barbarie ne se faisaient pas sentir sur l’économie mondiale.

Il en va tout autrement maintenant, avec des conséquences à faire trembler0 guerre civile (Somalie), tensions ethniques (Inde), décompositions d’États (Yougoslavie, ex-URSS), économies de la drogue (Pérou, Bolivie), génocides (Rwanda), inondations meurtrières (Bangladesh).

Les plans d’ajustements structurels que les médias nous présentent habituellement comme des actes de charité des institutions financières internationales envers les « mauvais élèves » du néolibéralisme, se divisent généralement en deux phases0 d’abord semer le chaos dans l’économie interne du pays « aidé » puis, une fois que tout va réellement mal, qu’on est au bord de l’explosion sociale, le FMI et la Banque mondiale s’amènent avec leurs solutions pour « sauver » le pays.

Un premier groupe de mesures de la première phase ont pour objectif la destruction du secteur privé national. Pour cela, il s’agit de faire monter en flèche les prix des producteurs sur le marché interne. Cela annihile le pouvoir d’achat des populations et provoque des myriades de faillites qui, à leur tour, augmentent partout le chômage et la pauvreté.

Les mesures de ce type les plus connues sont la dévaluation de la monnaie, le contrôle de la masse monétaire et de la banque centrale, la désindexation des salaires et la libéralisation des prix.

Criminels en cravate

Un second groupe de mesures vise à démanteler l’État et ses services à la population (santé, éducation, etc). Ce groupe comporte des mesures comme la compression des dépenses publiques et le licenciement massif de fonctionnaires. Cela vise à achever de convaincre la population que les solutions du FMI sont un moindre mal comparées au chaos existant.

Michel Chossudovsky montre que, parfois, à force de jouer avec la menace des tensions sociales, les baîlleurs de fonds se brûlent les doigts. Ainsi au Rwanda, en Somalie et en Yougoslavie le pari des criminels de guerre en cravate a échoué0 la guerre civile a éclaté avant qu’ils n’aient pu appliquer la phase 2 de leurs plans d’ajustements structurels.

Mais « normalement » les banquiers ont le temps de faire passer les gouvernements tant bien que mal à la phase 2. Celle-ci consiste tout simplement à livrer le pays en pâture aux multinationales.

Recolonisation

Toutes les mesures qui vont dans ce sens-là sont bonnes0 libéralisation du commerce (« ouvrir les frontières ») et du système bancaire, privatisations des terres et des entreprises d’état, réforme fiscale imposant les producteurs intérieurs mais exemptant les entreprises à capital mixte (« joint ventures ») et étranger, etc.

Ces réformes représentent, nous dit Chossudovsky, une véritable recolonisation des pays en développement « annulant les efforts et les fruits des luttes de la période post-coloniale, rayant d’un trait de plume les réalisations du passé. »

Et, parce que le commerce international est intégré et que les marchés financiers sont en liaison permanente, la présente crise est «bien plus complexe que celle de l’entre-deux-guerres et plus lourde de conséquences sociales et d’implications géopolitiques. »

L’ajustement structurel au Québec?

« Depuis le référendum de novembre 1995, dit Chossudovsky dans son livre, une médecine de cheval frappe de plein fouet la société québécoise ». Les politiques d’austérité de la « démocratie autoritaire » du gouvernement Bouchard sont « plus rigoureuses encore que celles de son homologue ontarien Mike Harris (...) ».

« Exigées par Wall Street, les mesures d’austérité adoptées au Québec ressemblent fort à la thérapie de choc que le FMI impose aux pays endettés du Tiers-monde (...). »

Selon le collaborateur du Monde diplomatique, la poursuite du déficit zéro est un « objectif absurde » qui aggrave la crise des finances publiques parce qu’elle réduit le pouvoir d’achat de la population québécoise0

« L’objectif annoncé consiste à atteindre une relance économique par l’entremise de la récession, non seulement en sabrant dans les programmes sociaux mais également en acculant l’entreprise québécoise (notamment au niveau des régions) à la faillite (...). La réduction à outrance des dépenses sociales et d’infrastructure étouffe la base productive de l’économie québécoise (...). »

Bernard Landry devrait comprendre que « la mise au chômage de contribuables ainsi que les faillites ne contribuent guère à l’accroissement des recettes de l’État (...). »

« On risque d’entrer dans la fameuse spirale connue, on coupe, les revenus prévus tombent; on recoupe, ils tombent encore. »

Solutions

Pour Chossudovsky, des solutions de rechange, il y en a! En plus de combattre l’évasion fiscale des grandes sociétés et institutions financières, le Canada et le Québec devraient refuser de transformer en dettes publiques les dettes des grandes sociétés et des banques0

« Au Canada, les pertes des entreprises ont été systématiquement transférées à la charge des gouvernements provinciaux et fédéral. De plus, une bonne partie des subventions publiques, au lieu de stimuler la création d’emplois, ont été utilisées pour financer les concentrations d’entreprises, des technologies limitant la main-d’oeuvre et des délocalisations dans le Tiers-monde. »

Les milieux d’affaires exigent des dettes publiques élevées pour financer leurs méga-projets et l’octroi en leur faveur de généreuses subventions et exemptions fiscales.

« En quelque sorte, dit Chossudovsky, l’État verse des impôts aux milieux d’affaires. La base fiscale s’affaiblit0 l’État est obligé de s’endetter afin de continuer à financer les grandes sociétés qui souvent d’ailleurs se portent acquéreurs de la dette publique. On nage en pleine absurdité0 l’État finance son propre endettement. »

(1) Chossudovsky, Michel. — La mondialisation de la pauvreté 0 la conséquence des réformes du FMI et de la Banque mondiale. — Éditions Écosociété, Montréal. — ISBN 2-921561-37-9