Le Pays du mystère de l'eau

 

Ces derniers temps, et plus particulièrement aux audiences de la Commission sur la gestion de l'eau, on a beaucoup parlé d'eau. Mais on a oublié la neige et négligé la place qu'occupe la glace dans nos vies. Il n'y a pourtant pas beaucoup de pays au monde où on peut s'attendre, lorsqu'on crache en l'air, à ce que ça vous retombe sur le nez en verglas.

Cette caractéristique géographique a déjà fait l'objet d'une autre commission d'étude. Elle était présidée par celui-là même qui s'était publiquement interrogé, dans le cadre d'une commission antérieure, sur l'étrange mémoire qui pousse les eaux soudainement remises en liberté au moment d'une forte inondation, à chercher et à retrouver leur lit d'origine.

La décennie de l'eau

On ne se baigne jamais deux fois dans la même eau vive, nous dit Héraclite. Mais, au Saguenay l'eau n'oublie jamais son premier lit, nous a appris la Commission Nicolet. Bref, lorsqu'on fera le bilan québécois des dix dernières années de ce siècle, force nous sera de constater qu'avec trois commissions d'étude majeures à son crédit, ce fut la décennie de l'eau, dans tous ses états, par monts et par vaux, en nappe phréatique, en vrac, en bateau-citerne, en pipeline, en mégawatt ou en bouteille.

J'ai choisi de présenter mon témoignage devant la Commission à titre de porteur d'eau. On se souvient, bien sûr, qu'il y a plus de cent ans, associée à scieur de bois, porteur d'eau était l'expression souveraine du mépris de la classe dominante pour les french canadians que nous étions alors. On se rappelle de l'injure mais ce qu'on a oublié, en revanche, c'est que charroyer de l'eau était un dur métier, le plus humble de tous et le moins rentable.

Le métier de porteur d'eau

Dans le roman La terre paternelle, Patrice Lacombe nous fait le portrait du métier de l'eau tel qu'il était pratiqué à Montréal, en 1850, pendant la saison froide. Il nous fait voir deux porteurs d'eau, exténués de fatigue et transis de froid, un père et son fils, qui conduisent un traîneau chargé d'une tonne d'eau qu'ils ont puisée au fleuve et qu'ils ont revendue de porte en porte, dans les faubourgs les plus reculés. La voiture est tirée par un cheval dont les flancs maigres attestent l'indigence du propriétaire et la cherté du fourrage. La tonne, au-devant de laquelle pendent deux seaux de bois cerclés en fer, est, ainsi que leurs vêtements, enduite d'une épaisse couche de glace.

Nous marchons sur les eaux le temps des neiges

À chacun sa Genèse, dans la nôtre qui est froide, nous descendons tous d'un bonhomme et d'une bonne femme de neige qui nous ont légué le pouvoir miraculeux de marcher sur les eaux, pendant au moins quatre mois par année.

Ici, les temps sont successifs, les saisons sont plus différenciées qu'ailleurs, elles sont dans le temps, comme des pays différents dans l'espace. D'une saison à l'autre, la campagne est méconnaissable et paraît un autre monde a écrit un grand géographe, Pierre Deffontaines.

À la suractivité bruyante succède un engourdissement silencieux. Toute la terre, toutes les eaux, en leurs formes et couleurs variées, disparaissent sous l'uniforme carapace des neiges et des glaces, immense linceul blanc couvrant le pays comme pour une mise au tombeau.

Les temps des froids, qu'on nomme aussi les temps des neiges ou les temps des glaces, prennent la place des temps des chaleurs et des temps des feuilles. Les indiens Peaux-de-Lièvre - c'était des gens brillants - divisaient l'année en seize parties dont la majorité avaient pour dénomination des termes relatifs à la neige, à la gelée ou aux ténèbres de l'hiver.

Et l'hiver, c'est la neige. Car on l'oublie souvent, le fait québécois le plus impressionnant n'est pas le froid, mais l'abondance de neige. Le Québec laurentien est un des pays les plus neigeux du monde.

Un peu partout sur terre, on chante les effets bénéfiques de l'eau qui revivifie les déserts ou le pouvoir maléfique des crues qui plantent des bateaux aux faîtes des arbres. Ici, nous participons à la vie intime et au monologue intérieur de l'eau.

Pantagruel en Canada

À chacun son livre sacré, le nôtre ne fait pas partie de la liste ratifiée des livres révélés. Il date d'après l'invention de l'imprimerie. En 1532, Rabelais crée deux géants, Gargantua et Pantagruel, qui sont déjà à l'image et à la taille de la démesure du pays que Jacques Cartier va découvrir, deux ans plus tard. En remontant le fleuve Saint-Laurent, le Malouin explore ce que Rabelais imagine.

Pantagruel, qui s'est mis à la navigation dans les mêmes eaux que Cartier, fait à son tour une découverte étonnante. En pleine mer, l'équipage banquetait, grignotait, devisait et faisait beaux et courts discours, raconte Rabelais, lorsque Pantagruel se tient en pied pour découvrir à l'horizon et nous dit0 Compagnons, n'entendez-vous rien? Me semble que j'oy quelques gens parlant en l'air et je n'y vois toutefois personne!

C'est le pilote qui lui répond 0 Ne vous effrayez de rien, Seigneur! Ici, c'est le confin de la mer glaciale, sur laquelle, il y a eu, au commencement de l'hiver dernier passé, une grosse et félonne bataille. Lors, les paroles et les cris des hommes et des femmes, avec le cliquetis des armes et le hennissement des chevaux, ont gelé en l'air. Mais à cette heure, la rigueur de l'hiver passée, advenant la sérénité et le temperie du bon temps - ce n'est pas pire ça, Mathé pourrait dire ça la temperie du bons temps - elle fondent et on peut les entendre.

Et chacun de ramasser sur le tillac pleines mains de paroles gelées qui semblent des dragées perlées de diverses couleurs. On y voit des mots de gueule, des mots d'azur, des mots de sable, des mots dorés. Lesquels pour peu qu'on les échauffe entre les mains fondent comme neige et si on peut les écouter, c'est sans pouvoir les comprendre parce que c'est un langage barbare. Plus de 400 ans avant le frère Untel, Rabelais précise qu'il s'agit d'une langue qui tient du hennissement des chevaux, une sorte de joual décongelé. La bouche molle pour parler, ça vient peut-être de là.

Pendant longtemps au Québec, à la fin de l'hiver, au moment du dégel, juste avant la débâcle, les vieux, qui n'avaient pourtant jamais lu Rabelais, avaient l'habitude de dire0 C'est le temps d'écouter, la rivière va parler !

Le gardien du sanctuaire

Nous sommes tous, tant que nous sommes, issus de la même poudrerie, pétris de la même neige d'origine, vraie eau et vraie glace, et le commerce que nous entretenons avec l'eau est à peu d'autres pareil puisque, tous les ans, nous sommes témoins de sa mort et de sa résurrection.

À chacun ses experts, les nôtres sont des rêveurs dont l'un des plus grands, Novalis, a écrit que les poètes seuls devraient s'occuper des liquides . Il faut dire qu'ils s'en occupent pas mal. Autant de la bière d'Adam que du vin de Bacchus. Mais rassurez-vous, je ne suis pas venu ici pour vous convertir à la poésie, mais pour vous rappeler que le hasard de la géographie a voulu que le Québec se retrouve un peu comme le gardien d'un immense sanctuaire où s'opère le mystère de la métamorphose permanente de l'eau en neige, en glace et à nouveau en eau.

Nous en avons hérité un devoir, une fonction et l'obligation de veiller à la protéger, la préserver et à en assurer la juste distribution. C'est notre bien le plus précieux.

Ultimement, ce qui était initialement une insulte pourrait fort bien s'avérer être notre plus grand titre de gloire. Nous serons alors ce que nous sommes, des porteurs d'eau!|186| 
741| La première force organisée qui peut aider les immigrants à se faire respecter, c'est le syndicat |Pierre Klépock|

Entrevue avec Romiald Anthony



Dans le cadre du mois de l'Histoire des noirs en février, l'aut'journal a rencontré Romiald Anthony, président de la section locale 5000 des TCA-Québec. Il est aussi responsable du Comité des minorités visibles des Travailleurs canadien de l'automobile (TCA), et siège sur le Comité des droits humains du Congrès du travail du Canada (CTC). Après 16 ans de militantisme, Il ne veut pas être le Michel Chartrand des minorités visibles sans tribune, encadré seulement dans le mois de février.

AJ0 Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez mis sur pied ce Comité des minorités visibles aux TCA-Québec?

Romiald Anthony0 Le Comité des minorités visibles des TCA-Québec vise à assurer une certaine représentativité des minorités visibles dans les syndicats et les services publics. La décision de mettre sur pied un Comité permanent qui se penche sur les problèmes spécifiques d'intégration des minorités visibles sur les lieux de travail a été prise suite à un congrès des TCA-Québec. En effet, la première porte d'entrée d'une personne immigrante dans un pays, c'est le marché du travail et la première force organisée qui puisse aider ces personnes à s'intégrer et à se faire respecter, c'est le syndicat.

A.J0 Dans quels secteurs d'activité économique se retrouvent ces personnes et quelles genres de discrimination vivent-elles?

Romiald Anthony0 Elles se retrouvent majoritairement dans le textile et les services, comme dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration ou dans les petites manufactures. Il s'agit des jobs les moins payées, les plus dures et les moins organisés syndicalement. Lorsqu'une personne immigrante arrive au pays, elle prend le premier emploi qui passe, malgré son haut niveau d'instruction. C'est une question de survie.

Maintenant, il y a des formes de discrimination systémique dans des secteurs d'emplois où on ne retrouve aucune personne des minorités visibles, ici même au Québec, alors que nous représentons 6% de la population. Déjà, les statistiques du gouvernement du Québec reconnaissent, malgré les lois soi-disant progressistes d'équité en emploi, que nous sommes seulement 2% dans la fonction publique.

Pour changer les choses, la seule force que les minorités visibles peuvent utiliser pour essayer de briser ces barrières, c'est le syndicat. Nous voulons que les syndicats se décident à mettre à leur agenda politique notre problématique comme les TCA-Québec le font.

AJ0 Pourquoi les TCA-Québec ont-ils compris cette problématique?

Romiald Anthony0 Avant d'être une personne de couleur, je suis d'abord et avant tout un militant syndicaliste. Les membres de ma section locale m'ont élu pour mes compétences et mes convictions et non pour la couleur de ma peau. J'ai la chance d'appartenir aux TCA-Québec et d'avoir un directeur syndical comme Luc Desnoyers, qui croit en l'égalité des droits humains et qui nous aide beaucoup.

Il faut réussir à organiser les salariés des minorités visibles sans créer deux classes de travailleurs, car la problématique des minorités rejoint la lutte de tous les travailleurs. C'est connu, les patrons essaient de nous diviser sur notre couleur de peau. Diviser pour régner! C'est comme ça que le capital a toujours fonctionné.

Il y a du travail de sensibilisation à faire auprès des travailleurs pour ne pas qu'ils fassent le jeu du capital, leur faire comprendre que si c'est nous qui subissont en premier l'exploitation des patrons, ils viennent après. En tant que syndicaliste, ma lutte en est une pour la dignité de la classe travailleuse. Blanc ou noir, c'est ensemble qu'on est forts!

AJ0 Pour tenir compte de la réalité des salariés d'aujourd'hui et de la représentativité de la société dans la fonction publique, que faudrait-il faire?

Romiald Anthony0 Il y a déjà des mesures législatives qui ont été prises, mais ce qu'il faut, c'est de la volonté politique. Tous les syndicats, tous les partis politiques tiennent des beaux discours, qui ne sont pas traduits dans la réalité. Au cours de ces dix dernières années, nous représentons seulement 2% de la fonction publique alors que le gouvernement avait promis que nous atteindrions 6%. .Nous voulons être intégrés et considérés comme membres à part entière de la communauté québécoise et en terminer avec les ghettos.|186| 
742|Afrique 0 Mains d'enfants coupées et responsabilité canadienne|Pierre Dubuc| Mains et pieds coupés, enfants mutilés à la machette, images insoutenables que celles de ces reportages télévisés sur ces guerres qui déchirent l'Afrique. Parce qu'inexpliqués, ces conflits semblent inexplicables, sinon que par des clichés racistes sur ces peuples barbares qui s'entre-tuent . Mais des entreprises minières canadiennes ne sont pas étrangères à ces atrocités.

Prenons le cas du Sierra Leone. Un pays de 4,5 millions d'habitants où la rébellion du Revolutionnary United Front (RUF) qui sévit depuis 1991 a fait 75 000 morts et 500 000 réfugiés. L'enjeu ? Les diamants dont le Sierra Leone regorge. De 1930 à 1998, on y a extrait (officiellement) 55 millions de carats pour une valeur totale de 15 milliards $ US.

Diamantaires et mercenaires

Trois compagnies inscrites aux bourses canadiennes sont actives au Sierra Leone 0 Rex Diamond, AmCan Minerals et Diamond Works. Cette dernière est venue en aide au gouvernement en 1995, en retenant les services de la firme britannique Executive Outcome qui, avec 200 mercenaires, un soutien aérien et du matériel de communications, a repoussé les attaques du RUF, soutenu, financé et formé par le pays voisin, le Libéria, par où transite en contrebande une partie importante de la production diamantaire du Sierra Leone. En échange de son appui au gouvernement, Diamond Works a obtenu pour une de ses filiales un bail de 25 ans pour des concessions de diamants.

Quant à Rex Diamond, elle a cherché à remplacer au coût de 3,8 millions le seul hélicoptère de combat du gouvernement, qui avait été son arme la plus efficace contre le RUF.

Que des compagnies minières se substituent ainsi à l'État et occupent des fonctions qui relèvent habituellement d'un État n'est pas étonnant. Au cours des dernières années, les recettes minières et les services de sécurité ont été confiés à la firme texane Sunshine-Broulle spécialisée dans la production de diamants.

De son côté, le FMI a encouragé le gouvernement à attribuer à la société britannique McAllisten Eliot Fisheries la surveillance de la pêche côtière et la perception des redevances. Cela a eu pour effet d'exclure les pêcheurs sierra léoniens de leur gagne-pain. La perception des taxes douanières au port de Freetown a été confiée à la firme allemande Specialist Services International. Les ressources agricoles, les plantations de caoutchouc et les concessions forestières ont également été privatisées.

Ces mesures ont été dictées par le FMI et la Banque mondiale dans le cadre du Plan d'ajustement structurel conçu soi-disant pour aider les pays pauvres, plus particulièrement ceux d'Afrique, à réduire leur endettement auprès des institutions internationales.

Diamants et marché financier

Le continent africain est particulièrement riche en ressources minières. Le sous-sol africain contient or, diamants, cuivre, bauxite, fer, uranium, phosphate, manganèse, amiante, beryllium, cadmium, chrome, cobalt, plomb, lithium, nickel, platine, tantale, étain, tungstène, vanadium, zinc. Les exportations de minéraux représentent entre 25% et 90% des revenus d'exportation annuels de 13 pays.

Ces richesses attisent la convoitise des compagnies étrangères, dont bon nombre sont canadiennes. En 1996, les capitaux mobilisés pour financer les projets des sociétés minières canadiennes à travers le monde ont atteint le record astronomique de 7 milliards $. En fait, le secteur financier canadien a mobilisé plus de capital-actions pour l'industrie minière que l'Australie, les États-Unis et l'Afrique du Sud réunis.

En 1996, 170 sociétés minières canadiennes détenaient en Afrique une participation dans plus de 440 concessions minières situées dans 27 pays, surtout à la recherche d'or et de diamants.

La logique néolibérale

Alors que le FMI et la BM font des pressions énormes auprès des pays africains pour qu'ils déréglementent, allègent leur code minier et ouvrent leurs portes aux investissements étrangers, les compagnies canadiennes jouissent d'un appui inestimable de l'État canadien et de sociétés d'État comme l'ACDI ou la Société pour l'expansion des exportations.

Au nombre des règles fiscales dont elles bénéficient, mentionnons 0 la déduction des intérêts des emprunts contractés pour investir dans des filiales à l'étranger ; l'exonération des dividendes intersociétés ; l'exemption de tout impôt sur le rapatriement des profits générés par les filiales ; une déduction jusqu'à 100% des dépenses pour fins d'exploration et de développement.

Alors que l'Afrique démantèle ses États, le Canada appuie ses entreprises pour combler le vide. C'est la logique du néolibéralisme, autrefois connu sous le nom d'impérialisme.

Références 0

Le coeur du problème. Partenariat Afrique Canada ; Bonnie Campbell, Les intérêts miniers canadiens et les droits de la personne en Afrique dans le cadre de la mondialisation. Centre international des droits et de la démocratie (CIDPDD).|186| 
743|Lettre ouverte à Gilles Duceppe et au Bloc|Pierre Dubuc|

À propos du Kosovo



Mesdames et Messieurs les députés du Bloc québécois, j'attire votre attention sur un article du journaliste Éric Rouleau, paru dans l'édition de décembre 1999 du Monde Diplomatique et intitulé “Les leçons d'une guerre. Errements de la diplomatie française au Kosovo”.

Journaliste chevronné, ex-diplomate, M. Éric Rouleau a ses entrées dans les officines de la diplomatie française. Des confidences de fonctionnaires et d'hommes politiques, des révélations sur les stratégies secrètes des grandes puissances jettent un éclairage nouveau sur ce conflit que vous, membres du Bloc, avez appuyé sans réserve au Parlement canadien en invoquant des raisons humanitaires (génocide des Kosovars victimes de nettoyage ethnique) et l'intransigeance du président Milosevic de Yougoslavie lors des négociations avec les puissances occidentales pour trouver une solution au conflit.

Des motifs humanitaires inventés pour manipuler l'opinion publique

Dans son article, Éric Rouleau cite le témoignage d'un membre du contingent français au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), M. Jacques Prud'homme, qui soutient que lui et ses collègues n'avaient, au cours du mois précédant la guerre, rien constaté qui puisse être assimilé à des exactions systématiques0 pas de meurtres collectifs ou individuels, pas de demeures incendiées, pas de déportation. Certes, nuance-t-il, on nous signalait des affrontements entre les indépendantistes de l'Armée de libération du Kosovo (UCK) et les forces de l'ordre; par ailleurs, nous avons été amenés à enquêter, en tout et pour tout, sur un attentat et deux disparitions.

Le rapport de l'OSCE, longtemps gardé secret avant d'être finalement publié au début du mois de décembre 1999, confirme le témoignage de l'interlocuteur d'Éric Rouleau. Le journal Le Monde du 7 décembre, citant le Rapport, écrit0 Contrairement à ce qu'affirmaient, lors de la guerre du Kosovo, nombre de pays, l'OSCE note que “les exécutions sommaires et arbitraires par les forces serbes sont devenues un phénomène généralisé avec le début de la campagne aérienne de l'OTAN contre la Yougoslavie” .

Éric Rouleau écrit0 On pourrait ainsi conclure, si ce témoignage devait être confirmé (il l'a été quelques jours après la parution de son article comme nous venons de le voir - NDLR) que l'OTAN devrait assumer la responsabilité de l'exode de quelque 800 000 Kosovars qui fuyaient tout autant les bombardements des puissances coalisées que les déportations et les atrocités serbes rendues possibles par le retrait des observateurs de l'OSCE .

S'ajoutent à cela d'autres faits troublants révélés récemment. Les enquêteurs de 15 pays de l'OTAN ont mis à jour 2 108 cadavres au Kosovo, dont certains d'origine serbe, alors que, pour justifier les bombardements, le secrétaire américain à la Défense avait parlé de nombreux charniers et de 100 000 présumés morts imputés aux bouchers serbes . L'agence d'information américaine USIA avait même parlé de 225 000 à 400 000 mâles kosovars portés disparus.

Intransigeance de Milosevic ou de l'OTAN?

Analysant les événements qui ont conduit aux frappes de l'OTAN, Éric Rouleau affirme que l'intention des puissances coalisées était de faire avorter la négociation diplomatique pour ne laisser place qu'à l'option militaire . Cette conclusion est basée sur l'analyse des négociations de Rambouillet dont l'échec a donné le signal de l'enclenchement des hostilités.

Le projet de Rambouillet, s'il avait été accepté, aurait fait passer l'ensemble de la Yougoslavie sous le contrôle de l'OTAN. Ainsi, selon les termes du projet, l'OTAN aurait eu le privilège de constituer et de diriger l'ensemble du territoire de la Fédération yougoslave, y compris son espace aérien et ses eaux territoriales, d'utiliser les aéroports, routes, voies ferrées et ports sans avoir à verser de charges, droits, taxes, péages ou redevances . Le personnel de l'OTAN aurait joui de l'immunité de juridiction civile, administrative et pénale . De plus, l'OTAN aurait eu le droit d'améliorer ou de modifier les tunnels, les bâtiments et les systèmes d'utilité publique . Comme l'écrit Éric Rouleau, aucune armée d'occupation à l'ère post-coloniale ne s'est attribuée autant de pouvoirs régaliens . La conclusion s'impose0 L'échec de la conférence de Rambouillet est donc programmé dès son ouverture, le 6 février 1999 .

Les Américains croyaient que Milosevic capitulerait après deux ou trois jours de bombardement . Ce ne fut pas le cas et le compromis qui a mis fin à la guerre ne contenait pas les exigences outrancières de Rambouillet. Rouleau écrit0 Ce ne fut donc ni une “capitulation” de la Serbie, ni une “victoire de l'OTAN”, comme on l'avait triomphalement proclamé .

Réaffirmer la domination américaine

Finalement, la guerre au Kosovo n'a pas été menée pour des considérations humanitaires, ni à cause de l'intransigeance de Milosevic. Quelles étaient alors les véritables motifs de la guerre? Rouleau parle de l'intérêt économique du Kosovo qui recèle la plus grande concentration de richesses minérales dans l'ensemble de l'Europe du sud-est (plomb, zinc, nickel, magnésite, cuivre, fer, charbon).

Mais Rouleau insiste surtout sur l'intérêt stratégique. Il s'agissait pour le gouvernement de M. William Clinton d'ancrer l'Alliance atlantique dans le XXIe siècle, en réactualisant son rôle périmé depuis la chute de l'empire soviétique. Pour cela, il fallait démontrer que les Européens étaient impuissants à résoudre leurs propres problèmes sans s'appuyer sur la puissance militaire de l'Amérique. |186| 
744|Questions au Bloc québécois|Pierre Dubuc| Les propos du journaliste Éric Rouleau confirment des révélations auxquelles nous avons fait écho dans les pages de l'aut'journal, que ce soit sur les négociations de Rambouillet (no. 181, été 1999) ou l'ampleur prétendu des massacres (no. 185, décembre 1999) et soulèvent des questions à l'endroit du BLOC.

Maintenant que nous en savons plus sur les faux et vrais motifs de la guerre au Kosovo, il est pertinent et nécessaire que nous posions certaines questions aux représentantes et représentants du Québec au Parlement canadien, seul habilité à prendre des décisions sur les questions de paix et de guerre.

Que le gouvernement Chrétien ait appuyé l'initiative américaine et de l'OTAN ne nous surprend guère. On ne pouvait s'attendre à autre chose d'un gouvernement dont on sait qu'il représente la classe d'affaires canadienne dont les intérêts se confondent de plus en plus avec ceux de l'oligarchie financière américaine.

Mais que faisiez-vous, députéEs du Bloc, dans le camp des va-t'en guère?

Lors des dernières élections, vous nous avez invité à envoyer une forte députation bloquiste à Ottawa en nous disant que le Bloc, n'aspirant pas à former le gouvernement, jouerait un rôle progressiste sur la scène fédérale, avec comme mandat de défendre les intérêts des Québécoises et des Québécois.

Expliquez-nous quel est l'intérêt des Québécoises et des Québécois à appuyer une action de l'OTAN, une organisation militaire dominée par les États-Unis, qui court-circuite complètement l'ONU, par le fait même la légalité internationale, dont nous aurons pourtant besoin lors d'un vote favorable à la souveraineté?

Plus inquiétant encore est que vous ayez adopté une position plus belliqueuse que le gouvernement Chrétien en prônant, en plus des bombardements, l'envoi de troupes au sol. Pourtant, à ce que l'on sache, le Bloc n'a aucune expertise militaire!

Quelle était donc la stratégie du Bloc en faisant une telle surenchère, en s'alignant sur les pires faucons du Pentagone?

En fait, on a l'impression que le Bloc n'a qu'une stratégie0 montrer aux États-Unis qu'il est le meilleur élève de la classe . Cette stratégie, députéEs bloquistes, vous la partagez avec une bonne partie de l'élite nationaliste québécoise. Hier, c'était le libre-échange, puis la Guerre du Golfe, la Guerre contre la Serbie, et demain la promotion du dollar américain comme monnaie nationale du Canada, voire du Québec.

Croyez-vous sérieusement que Washington appuiera en retour l'indépendance du Québec? Avez-vous cette naïveté?

Regardez ce que font les Américains0 ils se servent de vous comme d'un levier pour leurs propres intérêts; ils réussissent avec succès à forcer le Canada à s'aligner de plus en plus sur leurs positions, pour former un grand tout nord-américain anglo-saxon homogène, ce qui bien évidemment les convainc qu'ils n'ont aucun intérêt à soutenir l'indépendance du Québec! Pourquoi en effet changer ces conditions gagnantes !

Qu'obtenez-vous en échange? Que Clinton reçoive Bouchard dix minutes dans le Club House du Mont-Tremblant après sa partie de golf avec Chrétien! Ne trouvez-vous pas cela humiliant?

Vous ne semblez pas avoir compris que nous n'accéderons pas à l'indépendance en jouant les paillassons de l'Oncle Sam. Vous ne semblez pas réaliser que la servilité dont vous faites preuve nous rapetisse au lieu de nous grandir, fait reculer l'idée d'indépendance plutôt que de la faire avancer. D'ailleurs, les résultats de votre dernière campagne électorale sont là pour le prouver et ceux de la prochaine le confirmeront si vous persistez dans cette voie.

Vous invoquez le réalisme et vous pataugez dans les pires compromissions de la petite politicaillerie , alors que l'indépendance a besoin de femmes et d'hommes politiques aux larges horizons, combinant idéaux et stratégies à long terme. Vous faites fin-de-siècle, alors que nous avons besoin d'espoirs nouveaux!|186| 
745|Le point avec Henri Massé|Pierre Klépock|

Front commun, code du travail, partenariat



L'aut'journal a rencontré Henri Massé, président de la FTQ depuis novembre 1998, afin de prendre le pouls de la plus grande centrale syndicale au Québec. Représentant près d'un demi-million de membres, la FTQ travaille pour le plein emploi, une plus grande justice sociale et la démocratie économique. Pour la réalisation de son projet de société, elle croit que le Québec doit devenir un pays indépendant.

A.J0 Pensez-vous que le Front commun est important pour la défense des droits sociaux ?

Henri Massé0 Les services publics sont un pilier important pour la société québécoise. Mais, depuis des années, dans le secteur public, nous n'avons jamais négocié sur nos propres bases mais sur la base des orientations gouvernementales et des demandes patronales. Grâce aux contributions d'environ 7 milliards des employés de l'État, le Québec a atteint l'équilibre budgétaire et il doit réinvestir ses surplus dans les services sociaux. L'ensemble du Front commun doit avoir un mandat de grève fort pour traverser cette négociation. L'amélioration des conditions de travail des salariéEs de l'État a des conséquences directes sur la qualité des services donnés à la population.

A.J0 Comme dans plusieurs pays européens, devrions-nous avoir un droit de grève garanti et protégé par nos chartes des droits et libertés?

Henri Massé0 Absolument, quand les gouvernements fédéral et provincial ont institué leur charte, la FTQ a demandé que le droit de négociation et de grève y soit inscrit. On s'est ramassé avec des chartes axées sur les droits individuels, mais très peu sur les droits collectifs. Maintenant, les lois du travail sont tellement rigides que dans le secteur public le droit de grève n'existe pas.

Pour nous, la santé et la sécurité de la population passent en premier, mais on a une loi des services essentiels tellement exagérée qu'on passe des heures devant le Conseil des services essentiels aussitôt que l'employeur se plaint. On a vu le Premier ministre Bouchard se demander0 combien de temps vais-je tolérer une grève légale ? Quand un gouvernement décide de se donner raison, il y arrive avec un arsenal répressif. Sans droit de grève, on ne peut améliorer nos conditions de travail.

A.J0 Avec la réforme du code du travail, serait-il important d'avoir des mesures pour prévenir les fermetures d'usines?

Henri Massé0 Nous avons essayé de resserrer la loi sur les fermetures d'entreprises. À la FTQ, on croit qu'on devrait avoir une loi plus sévère pour contrer les fermetures sauvages car si on prend, par exemple, le cas de l'usine Gaspésia, c'est scandaleux, c'est un véritable génocide économique. Ça prend des délais de licenciement plus longs, des raisons économiques beaucoup plus sérieuses comme dans ce cas-ci. Quand on se compare à l'Europe, on est très en retard sur ce plan, mais dans le contexte nord-américain et de mondialisation économique, il est difficile d'améliorer les lois actuelles.

A.J0 Le Fonds de solidarité est un bon outil collectif pour maintenir et créer de l'emploi. Pensez-vous qu'il devrait devenir majoritaire dans les entreprises, se diriger vers un contrôle ouvrier, pour avoir une certaine influence sur l'économie?

Henri Massé0 Le Fonds de solidarité est encore trop jeune pour penser à cette chose-là. Même si on a trois milliards d'actifs, il y a encore beaucoup d'endroits au Québec où investir pour développer l'emploi et je ne pense pas qu'il s'agit d'être majoritaire dans les entreprises pour influencer l'économie. On investit quelques fois dans des dossiers où des employeurs continuent de se comporter de façon antisyndicale. Mais la FTQ ne fait pas de quartier à une telle entreprise, même si le Fonds y est un investisseur minoritaire. À long terme, on peut avoir une certaine influence, comme par exemple le modèle coopératif, qui n'est pas le modèle majoritaire dans la société, mais qui influence une partie du développement économique. Les syndicats doivent être combatifs et en même temps présents dans le développement économique.

A.J0 Si on trace le bilan des 15 dernières années du partenariat, est-ce que la FTQ devrait se diriger vers un syndicalisme de combat?

Henri Massé0 Il y a 2 000 syndicats à la FTQ, certains ont fait des expériences de partenariat qui ont très bien réussi, d'autres qui ont très mal réussi et d'autres qui ne veulent rien savoir du partenariat. La FTQ n'est pas monolithique et l'autonomie des sections locales est respectée. Est-ce que négocier nos conditions de travail avec les patrons, c'est se compromettre? Un syndicat de base qui est assez solide pour affronter son employeur peut influencer les décisions du boss. Certains universitaires disent que la FTQ est pour le partenariat et que ce n'est pas bon. Ils devraient venir dans nos rangs et voir la réalité. C'est pas toujours comique ces affaires-là ! L'important pour nous, c'est avant tout d'être présent aux tables de négociations.|185| 
746|Attention aux enfants, c'est peut-être le vôtre|Pierre Dubuc|Dernièrement, le journal Le Devoir publiait un reportage sur les centres d'apprentissage canadien-anglais Oxford et américain Sylvan qui implantent des franchises au Québec pour offrir des cours de rattrapage aux élèves en difficulté (L'école ambulatoire, 17/11/99).

Une porte-parole de Sylvan présentait ainsi son centre0 Nous croyons que chaque étudiant apprend différemment et nous faisons des tests pour diagnostiquer le problème. Ensuite, nous prescrivons un programme particulier.

Bon nombre de parents ont sans doute lu avec grand intérêt ce reportage, jusqu'au passage où ils ont appris qu'il en coûtait entre 250 et 380 $ par mois pour deux heures de cours par semaine.

10% d'élèves en difficulté

Diagnostiquer des problèmes d'apprentissage, prescrire des programmes particuliers, établir un meilleur ratio prof/élèves, ce sont là des choses que l'école publique fait déjà.

Une procédure permet aux profs de signaler les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, les fameux EHDAA dans le jargon du ministère. Ils sont par la suite évalués par des professionnels et classés selon leur déficience (intellectuelle, motrice, visuelle, auditive) ou leurs troubles de développement (autisme, psychopathologie, etc.), de comportement ou encore leurs difficultés d'apprentissage.

Différentes études à travers le monde ont démontré qu'environ 10% des élèves ont des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage et cela se vérifie au Québec également.

La clef0 le ratio prof/élèves

Une fois le problème de l'enfant diagnostiqué, il s'agit d'y apporter une solution. Une bonne partie de celle-ci réside dans le ratio prof/élèves, un prof ayant moins d'élèves pouvant accorder plus d'attention à ses élèves. C'est la base du succès des centres privés Oxford et Sylvan où le ratio est d'un prof pour trois élèves.

Dans nos écoles publiques, on applique également ce principe. Cela peut se faire par la constitution de classes spéciales. Par exemple, on prévoit des classes de 12 élèves au primaire et 14 au secondaire pour les élèves avec des troubles de comportement, alors que, dans une classe régulière, le nombre maximum d'élèves est fixé à 29 au primaire et à 32 au secondaire.

Une autre approche consiste à intégrer les élèves en difficulté dans des classes régulières, mais en diminuant le nombre d'élèves. On a établi, par exemple, qu'un élève avec des troubles de comportement vaut 2,25 élèves. Quatre de ces élèves équivaudront donc à neuf élèves réguliers, ce qui fera baisser d'autant le nombre maximum d'élèves par classe. S'ajoutent à cela des services de soutien à l'enseignant et à l'élève.

Il en va ainsi... sur papier. Dans la vraie vie, la procédure de signalement est compliquée. Récemment, les enseignants de la CEQ ont identifié 30 000 nouveaux cas d'élèves en difficulté.

Le gouvernement peut contourner les limites des ratios d'élèves dans les classes spéciales ou régulières en payant aux profs une compensation financière en cas de dépassement des ratios. Le montant va de 738$ par année pour un élève du primaire jusqu'à 1 117 $ pour un élève au préscolaire. Pour cinq élèves en dépassement, le montant peut aller jusqu'à 7 545 $ au préscolaire. En fait, le gouvernement préfère payer pour les dépassements plutôt que de respecter les ratios prof/élèves prévus, ce qui signifierait ouvrir de nouvelles classes, engager plus de profs.

Tout pour le privé

Dans ses offres à la CEQ, le gouvernement liquide des grands pans du système actuel. Les notions précises d'identification des différentes déficiences sont remplacées par la notion fourre-tout d'élèves à risques. La procédure de signalement n'est plus contraignante. La pondération pour les élèves avec des troubles de comportement en classe régulière disparaît, ce qui signifierait une augmentation du nombre d'élèves par classe.

Les conséquences de ces changements sont prévisibles0 augmentation de la tâche des enseignants, diminution de la qualité de l'enseignement, exode des élèves fortunés vers les écoles privées, développement des centres privés comme Oxford et Sylvan et augmentation du décrochage chez les défavorisés.

Dans l'article du Devoir, la porte-parole de Sylvan déclarait0 Je crois qu'avec les coupes en éducation les étudiants qui ont besoin d'aide n'en reçoivent plus à l'école. C'est pour cette raison qu'ils vont la chercher ailleurs. Oxford confiait au Devoir0 Nous prévoyons ouvrir une dizaine de centres à travers le Québec au cours des 18 prochains mois.

On comprend pourquoi plus de 15 000 personnes de la CEQ, en grande majorité des enseignantes et des enseignants, ont manifesté devant l'Assemblée nationale le 20 novembre dernier. On comprend moins pourquoi il n'y avait pas plus de parents!

Le 20 novembre, plus de 15 000 membres de la CEQ, en grande majorité des enseignantes et des enseignants, manifestaient devant l'Assemblée nationale à Québec pour appuyer leurs revendications. Leurs représentantes et représentants ont rappelé que0

• 62% du personnel de soutien scolaire travaille moins de 21 heures par semaine;

• 1500 postes de professionnels ont été coupés depuis 1993;

• 95% du personnel enseignant à l'éducation des adultes ne bénéficie pas de contrats à temps plein;

• 70% du personnel enseignant en formation professionnelle est à statut précaire;

• 130 000 élèves en difficulté identifiés sont en attente de service.|185| 
747|Pot pourri fiscal|Sylvain Charron| Des cadeaux à Sears pour l'achat d'Eaton

Le 20 septembre dernier, Sears Canada inc. a annoncé s'être porté acquéreur des actions ordinaires en circulation d'Eaton au coût de 50 millions $. Elle déboursera un montant de 30 millions $ au comptant, auquel s'ajouteront 20 millions $ au moment où elle concrétisera les pertes fiscales. Ainsi, l'offre de 20 millions $ est conditionnelle à l'acceptation par nos deux gouvernements des pertes fiscales d'Eaton en déduction des profits de Sears.

Depuis 1996, l'entreprise Sears a perdu plus de 400 millions $. Si on considère que le taux d'imposition de Sears est d'environ 40%, la déduction des pertes par Sears permettra d'obtenir une économie d'impôt de 160 millions $. La transaction coûtera donc, en perte de revenus, plus de 160 millions $ à nos deux gouvernements et elle permettra en réalité à Sears d'acheter Eaton sans avoir à débourser un sous, pis encore, elle correspond dans les faits à une subvention déguisée de plus de 110 millions $ à Sears par nos gouvernements. Tout cela parce qu'une disposition dans la Loi de l'impôt permet de déduire les pertes lors d'acquisition d'entreprises, si elles opèrent dans des activités similaires.

Dans le but d'envelopper cette transaction, Sears tient à nous informer, dans son communiqué, qu'elle entend préserver près de 1 000 emplois parmi les employés d'Eaton. Dans les faits, Sears bénéficie d'une subvention déguisée de plus de 110 000 dollars pour chaque emploi conservé. Et cette estimation ne tient compte que de l'économie d'impôt pour les pertes fiscales accumulées après le 1er janvier 1996.

Paul Martin poursuit son déménagement aux Bermudes

Le 24 septembre dernier, la compagnie de Paul Martin, Canadian Steamship Lines, confie la gestion de ses 12 bateaux canadiens à un holding , compagnie de portefeuille, situé aux Bermudes. Cette décision permet à Martin de continuer son travail de bras dans le but de se débarrasser de ses employés canadiens. Les employés administratifs de CSL, dont les bureaux sont situés à Montréal, sont poliment remerciés de leurs services et ce, malgré le fait que la compagnie soit des plus rentable. Sont donc nouvellement à la recherche d'emploi 0 le vice-président à l'exploitation de CSL, un surintendant, un acheteur et plusieurs secrétaires.

La purge d'emplois au Canada par le groupe CSL a débuté en 1988, date à laquelle Martin est devenu l'unique actionnaire de CSL. Depuis 1988, le nombre de navires du groupe CSL affectés au transport international enregistrés aux Bermudes, à la Barbade et au Libéria n'a cessé d'augmenter. L'enregistrement des navires dans ces pays permet au Groupe CSL d'embaucher des marins venant des pays pauvres comme les Philippines pour des salaires moindres. De plus, le groupe CSL évite de verser des contributions aux programmes sociaux canadiens et québécois comme la RRQ, l'assurance-emploi, la CSST, le Fonds de Service de santé, etc.

L'enregistrement des navires permet aussi à CSL d'éviter les impôts corporatifs. En effet, CSL n'est pas seulement attiré dans ces pays par la belle température. Aux Bermudes, il n'existe aucun impôt sur le revenu et une compagnie peut obtenir par contrat une exemption de tout impôt jusqu'en 2016 ; à la Barbade, les compagnies locales sont soumises à une imposition décroissante de 2,5% à 1% ; au Libéria, il n'y a aucun impôt sur l'exploitation des bateaux.

Les salaires des patrons

En 1998, les profits des 1 000 plus grosses compagnies au Canada se sont élevés à 35,3 milliards $. Pendant que les salaires des travailleuses et des travailleurs baissaient, les patrons ont pigé allègrement dans l'assiette au beurre. Le revenu moyen des dirigeants d'entreprises au Canada s'est élevé à 498 118 $ US, ou si vous préférez 766 335 $ canadiens. Ils dépassaient les revenus des patrons japonais (420 885 US), mais cela ne les contentera pas, car leur objectif est de rejoindre les patrons américains et leur salaire moyen de 1 072 400 $ US.

Mulroney s'enrichit de 750 000 $ en une journée

Le 27 septembre dernier, l'ex-premier ministre Brian Mulroney, administrateur de la Société Barrick Gold, a exercé des options d'achat d'actions pour acheter 62 500 actions ordinaires, à un prix de 22,55 $ chacune. Le même jour, il les a revendues pour un prix moyen de 34,55 $ l'action, réalisant un profit de plus de 750 000 $ pour sa dure journée de labeur. Il faut dire à sa défense que Mulroney fait du lobby politique depuis plusieurs années auprès des banques centrales européennes pour qu'elles limitent leur vente massive d'or. Curieusement, le 27 septembre dernier, les banques européennes annonçaient qu'elles avaient pris l'engagement de limiter leurs ventes d'or accumulé dans leurs coffres. En limitant l'offre des banques, la demande pour de l'or de la compagnie Barrick augmente d'autant la valeur des actions.

Mais le bât blesse lorsqu'on examine l'imposition de la levée d'options d'achat d'actions. Le gain obtenu par la levée d'options est considéré au plan fiscal comme du revenu de salaire. Pour un taux combiné fédéral et provincial de 52%, Mulroney devrait verser aux deux gouvernements un montant de 390 000 $. Mais, heureusement pour lui, il pourra profiter de la très généreuse déduction de 25 % pour les options d'achat d'actions. Sa facture d'impôt sera donc réduite d'environ 100 000 $.|185| 
748|Ponts privés à péage 0 les faux raccourcis de Chevrette|Michel Bernard| L'ineffable ministre des transport, Guy Chevrette, avec ses habituels raccourcis intellectuels nous dit que la construction de deux ponts privés à péage à Montréal sera profitable à tout le monde, car les mieux nantis ne dépenseront plus leur précieux temps bloqués dans le trafic tandis que les moins lotis emprunteront les anciennes voies présumément dégagées. C'est tout à fait le même argument que pour la médecine privée. Que vaut cet argument de l'inégalité efficace?

La Banque Royale annonce des profits exorbitants en hausse de 11% et 6 000 licenciements 0 Landry offrira-t-il quelques dizaines de millions en subventions à ces vampires du peuple pour qu'elles renoncent à congédier ? L'insensibilité du PQ face aux problèmes sociaux confine au suicide politique. Ils sont rendus à 35% dans les intentions de votes. Tout ce qu'ils trouvent à proposer, c'est de répondre servilement au grenouillage des riches en privatisant.

Pour construire des ponts privés et probablement revenir à ses privatisations d'autoroutes, Chevrette nous sert le même argument que Castonguay, les Jeunes Libéraux et tant d'autres pour privatiser les soins de santé. Ils nous disent qu'un traitement inégal pour les riches et les pauvres est juste si cela améliore le sort des pauvres. En effet, les riches se paieraient le pont privé rapide ou l'hôpital privé rapide et équipé, ce qui libérerait les ressources publiques pour mieux servir les pauvres. Tout le monde en profite, tout le monde devrait être d'accord.

La situation des pauvres ne serait pas détériorée ?

Quand on met en doute l'idée que les pauvres s'en porteront mieux, ils nous disent qu'il suffit que cela ne détériore pas leur situation. Les pauvres qui s'opposent sont donc, dans leur esprit, des envieux qui veulent enlever aux autres ce qu'ils ne peuvent se payer. On admet que le capitalisme concentre les richesses, mais on ajoute que les pauvres y sont mieux que dans n'importe quel autre système. Nike fait des milliards en payant 30 cents de l'heure dans les pays sous-développés, tout le monde en profite... les pauvres de ces pays ne crèvent pas de faim et le président de Nike est multimilliardaire… Je te mets un revolver sur la tempe et je te laisse le choix entre la mort ou devenir mon esclave 0 tu choisis d'être mon esclave, tout le monde est gagnant…

Mais Chevrette et Castonguay ne peuvent pas garantir que les services aux moins nantis seraient d'égale qualité. Il est clair que les riches se paieront de meilleurs services. Ils paieront le prix pour s'assurer des meilleures compétences, des meilleurs équipements. Les Québécois n'aiment pas l'idée, car la privatisation accentue la loterie des inégalités non-méritées. Mais la privatisation détériorera aussi la position des moins nantis, car les bien nantis ne voudront pas payer les mêmes impôts qu'actuellement, car ils paieront déjà pour leurs services privés. Ils voudront neutraliser l'effet des paiements supplémentaires au privé par une baisse des paiements au public. Dans les faits, la privatisation équivaut à une hausse d'impôt pour les mieux lotis; il entreprendront donc une guerre sans merci pour des baisses d'impôts, si bien qu'en fin de compte les moins nantis auront des services dégradés, mal financés.

Une option non considérée

Il y a une autre option 0 le gouvernement fait respecter l'égalité des chances et il traite les citoyens avec une égale dignité face aux biens essentiels 0 les ponts et les hôpitaux sont des biens essentiels dans notre société. Ils ne laisse pas les riches dicter leurs conditions aux moins nantis pour les biens essentiels.

De plus, si on accepte le principe de l'inégalité efficace et si l'édification de ponts payants est si rentable, pourquoi le gouvernement ne les construit-il pas? Il pourrait investir les profits dans le service aux moins nantis plutôt que les laisser engraisser un consortium privé. Probablement que l'idéologie néolibérale dominante a fait accepter au PQ qu'ils sont trop nains intellectuels pour gérer un bout de route sur un pont.

Enrôler les pauvres dans la guerre des riches

Promettre aux moins lotis que la privatisation améliorera leurs services équivaut à enrôler les pauvres dans la guerre des riches contre le coût de la solidarité, contre la redistribution étatique. On le fait déjà en demandant aux moins nantis de se tirer dans le pied en exigeant des baisses d'impôts. Aux États-Unis, les coûts des soins de santé privatisés ont doublé et 40 millions de citoyens ne peuvent se les payer. La privatisation des prisons a été une catastrophe pour les droits, les universités privées sont virtuellement fermées au non-riches, etc.

La réalisation des droits a un coût auquel nous tentons de nous soustraire par des sophismes. Récemment au Québec, l'Association des hôpitaux demandait si on devait faire des dialyses, poser des prothèses de hanches ou des pacemakers aux personnes âgées… citoyens non-rentables. Cela nous donne un aperçu jusqu'où pourrait nous mener la mentalité économiste qui jauge l'homme à la seule aulne de l'efficacité productive, qui en fait un instrument à croissance, sinon un bétail à profit. Considérer l'homme comme une fin en soi coûte-t-il trop cher ? L'humanité coûte trop cher, faut-il essayer la barbarie ?

Corriger les effets pervers du marché par davantage de marché

Le 18 novembre, à une émission intitulée Sur les traces de la Révolution Tranquille, on a pu voir Radio-Canada gaspiller des fonds publics pour descendre le Québec, le syndicalisme et laisser Jean-Luc Migué et quelques économistes vendre leur salade néolibérale. Ce Migué qui disait dans son livre 0 La pensée reçue chez nous postule encore que les clients de l'État providence sont victimes de forces contre lesquelles ils ne peuvent rien. (…) Cette pratique leur a retiré la confiance et la détermination nécessaires à leur extraction du cycle de la pauvreté, à prendre l'école au sérieux, à accepter avec ardeur des jobs du bas de l'échelle (…) La victimisation les convainc plutôt que leur lot est la drogue, le crime et la dépendance. De transmettre le message qu'il n'y a rien de mal à multiplier les enfants qu'on ne peut supporter hors mariage a suscité la prolifération de familles monoparentales dysfonctionnelles qui perpétuent l'échec de génération en génération1. Il faut soumettre les pauvres à la vivifiante loi du marché. La solution de tous les problèmes y compris ceux du marché réside dans plus de marché.

Vous avez raté ce chef-d'œuvre de Radio-Canada ? Je vais vous le résumer 0

Conte de fée 0 Marché = liberté = concurrence = efficacité = plein emploi = richesse pour tous = justice = État minimal = défiscalisation = déréglementation = mondialisation = ordre spontané = paradis.

Conte d'horreur 0 État = totalitarisme = surréglementation = impôt = redistribution = privilèges = vol = laxisme = gaspillage = chômage = enfer.

On y a chanté un hymne au miracle reaganien et thatcherien sans dire un mot des effets pervers, sans identifier qui a bénéficié de la croissance. Le reportage, dans un effort d'objectivité de 10 secondes, a fini par affirmer que la Suède social-démocrate, pays parmi les plus taxés, connaissait7 un des plus haut taux de croissance des pays avancés… et il aurait fallu ajouter que le PIB n'y engraisse pas seulement les riches.

1. MIGUÉ, Jean-Luc, Étatisme et déclin du Québec, Éd. Varia, 1999, p. 118.|185| 
749|Le phoque ? On y pense toujours trop tard|Pol Chantraine|

Gestion des ressources halieutiques



Patrick Mathley, un restaurateur des Îles-de-la-Madeleine qui, depuis six ans, chaque mois de mars, fait apprécier la viande de loup-marin aux touristes d'observation des phoques, ne sait pas où il va se procurer la viande qu'il va servir à ses clients. Contrairement à la réglementation fédérale visant une exploitation complète de la ressource (fourrure, graisse, viande et... pénis), les chasseurs ont pour la plupart abandonné la viande sur la banquise le printemps dernier, se contentant de ramener la fourrure et la graisse. Or, pour être servie à une table de restaurant, la viande de phoque doit porter un cachet officiel.

À moins donc qu'il trouve à acheter des carcasses à Terre-Neuve ou à obtenir une tolérance du MAPAQ (ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation) via le ministère du Tourisme dont le titulaire est M. Maxime Arseneau, député des Iles de la Madeleine, il devra retirer le phoque de son menu, malgré que son tournedos de loup-marin ait acquis une certaine célébrité auprès des Japonais, Italiens, Français, Chinois et jusqu'à des militants animalistes de l'IFAW (International Fund for Animal Welfare) qui y ont goûté. Quoi ! des Français et des écologistes qui mangent du phoque ! L'astuce est simple 0 sur la banquise on les appelle des bébés phoques ; dans les assiettes, du loup-marin ... et personne ne reconnaît plus les adorables blanchons.

Une autre étude

Patrick Mathev n'est pas le seul à ignorer ce que lui réserve la prochaine saison de chasse aux phoques qui s'ouvrira dans moins de quatre mois. Le ministre des Pêches et des Océans, M. Herb Dhaliwal, semble dans le même cas que lui. Ayant reçu de certains scientifiques l'avis qu'il faudrait réduire de moitié l'immense troupeau d'au moins quatre millions de têtes, mangeant chacun une demi-tonne de poisson par an, et ayant reçu aussi de groupes voués à la défense des mammifères marins l'avertissement que cela déclencherait un tollé médiatique planétaire, il vient de déclarer qu'en raison des questions difficiles et fort controversées que suscite la chasse aux phoques, il serait utile de demander à un groupe d'examen indépendant de jeter un regard nouveau sur certaines questions à l'étude. Comme si n'avait jamais existé le Conseil canadien sur les phoques et leur chasse ni n'avait jamais siégé la Commission Malouf. Bref 0 l'éternel retour à la case de départ.

Développement régional et multinationales de la mégisserie*

Avec le résultat que les capitaines de bateaux phoquiers ne savent pas à quel genre de quotas s'attendre, pas plus que toute l'industrie de transformation. Laquelle, faute de pouvoir planifier un développement qui profiterait aux régions où le phoque est exploité, s'en remet au système d'écoulement des captures existant, via les tanneries norvégiennes.

Comme la fourrure est en discrédit, on rase tout simplement le poil (vendu pour faire des mouches de pêche sportive !) et on produit du cuir pour l'industrie italienne de la chaussure et de la maroquinerie, entre autres. La graisse, qui contient le fameux agent oméga aux effets bénéfiques sur le système cardio-vasculaire, est commercialisée en ampoules de santé. Et la viande est rejetée.

À quand le bateau phoquier ?

Faute d'avoir cheminé dans les ministères cet été, un projet de bateau phoquier travaillant à l'année longue, tel que proposé par un capitaine madelinot (l'aut'journal, avril 1999) et dont un haut fonctionnaire du MAPAQ m'a donné l'assurance qu'il verrait le jour, sera probablement encore remis aux calendes grecques.

C'est le problème crucial de l'exploitation des phoques. On ne commence à y penser vraiment qu'en janvier. Alors surgissent des dizaines de projets qui, faute de temps, ne peuvent se concrétiser ou alors dans une telle improvisation qu'ils sont voués à l'échec. Des 250 000 peaux récoltées l'an dernier au Canada, moins du dixième ont été traitées ici. Si l'on procédait à une réduction drastique du troupeau par la méthode dite de culling (destruction massive), on assisterait à un gaspillage encore plus honteux de la ressource.

Calme du côté des opposants

Le temps semble pourtant propice à mettre sur pied des projets structurants. Une visite aux sites des principaux adversaires de la chasse sur la Toile révèle un certain calme sur ce front-là. Des signes permettent de croire que l'on concède l'inévitabilité de la poursuite de la récolte de plusieurs centaines de milliers de jeunes phoques l'an jusqu'à ce que le troupeau revienne à une taille compatible avec la capacité de le nourrir de son environnement.

Ainsi, l'IFWA, jadis presque exclusivement voué, à la défense des phoques, affiche une tendance à la diversification au profit des baleines, des éléphants, des secours aux animaux lors de désastres naturels et contre le sport cruel de la chasse à courre.

Les retombées économiques du phoque rétribuent de façon bien ingrate ceux qui supportent l'odieux de leur chasse aux yeux du monde. D'autre part, leur rôle gagnerait en légitimité s'ils pouvaient montrer à leurs détracteurs qu'ils contribuent significativement au développement économique de leur région et ne sont pas uniquement le bras qui tue au profit des multinationales de la mégisserie.

Or, pour cela, il faut une planification à long terme, qui n'est de toute évidence pas pour cette année, vu que M. Dhaliwal a fait l'annonce la semaine dernière d'une mise à jour de la réglementation canadienne sur les mammifères marins où seront consultés pas moins de 80 groupes différents et notamment les autochtones, qui exploitaient les phoques bien avant l'arrivée des Blancs en Amérique.

Novembre 0 le mois du poisson

À quatre mois de l'ouverture de la chasse aux phoques, le mois de novembre est le mois du poisson, quoique à en juger par la discrétion avec laquelle la chose est soulignée dans les médias du Québec, on peut se demander pour qui ? - Sinon pour les phoques du Groenland qui reviennent précisément de leur été dans l'Arctique à cette saison de l'année pour leurs gargantuesques ripailles sur les fonds de pêche du Golfe Saint-Laurent et des Grands Bancs de Terre-Neuve.

* Mégisserie 0 tannage|185| 
750|Hydro 0 Québec donne mandat de préparer la déréglementation|Pierre Dubuc|— Dring, Dring,

— Oui, allo

— Ici, la compagnie Sparkle, seriez-vous intéressé par nos tarifs d'électricité à bas prix ?...

C'est par des appels téléphoniques comme celui-ci que nous allons bientôt être dérangés sur l'heure du souper. Des appels de représentants de compagnies privées qui vont vous offrir des tarifs d'électricité à rabais comme Sprint le fait pour le téléphone.

Le renard dans le poulailler

Cela découle de la décision récente du ministre des Ressources naturelles, Jacques Brassard, de confier le mandat à M. Charles A. Trabandt de la firme américaine Merrill Lynch de lui transmettre pour le 14 janvier 2000 un rapport sur la déréglementation de l'électricité.

Avant de se joindre à Merrill Lynch en 1993, M. Trabandt a agi à titre de commissaire de la Federal Energy Regulatory Commission où il a été reconnu comme l'un des maîtres à penser en matière de réglementation sur le gaz naturel et l'électricité aux États-Unis.

Comme nous le fait remarquer Jean-Marc Pelletier, président du Syndicat des scientifiques de l'IREQ, le mandat ne porte pas sur l'utilité ou l'opportunité de déréglementer, mais sur le comment le faire , sans discussion aucune.

Vers la privatisation des centrales d'Hydro

Pour tous ceux qui n'ont pas suivi l'ensemble du dossier de l'électricité aux États-Unis, la déréglementation de l'électricité appliquée chez nous signifierait la privatisation des centrales de production d'Hydro et, à moyen terme, des tarifs différenciés sur le territoire précise Jean-Marc Pelletier. La déréglementation exige, comme élément fondamental, que des producteurs d'électricité puissent se faire concurrence, soi-disant pour faire baisser les prix. Cela signifie la fin du monopole d'Hydro-Québec et la privatisation en tout ou en partie des centrales d'Hydro.

Évidemment, le transport et la distribution de l'électricité ne seront pas déréglementés, mais les compagnies propriétaires des réseaux de transport et de distribution agiraient comme transitaires d'électricité entre le producteur et le client final. Dans un régime déréglementé, le client choisit son producteur et les transitaires d'électricité acheminent l'électricité entre le producteur et le client. Le client est facturé par le distributeur qui remet au producteur le montant perçu moins les coûts de transport et de distribution.

Des tarifs différenciés

Dans le mandat accordé à M. Trabandt, le gouvernement lui demande de proposer un schéma de déréglementation, tout en maintenant des tarifs uniformes sur l'ensemble du territoire. Mais cela est impossible, selon Jean-Marc Pelletier.

Dans un environnement déréglementé, explique-t-il, des producteurs se font compétition et des clients choisissent leur producteur. Des regroupements d'achat vont se créer (comme cela est arrivé aux États-Unis) et, par exemple, les gens de Laval pourront se regrouper et négocier un meilleur prix que les gens d'un petit village en Gaspésie ou en Abitibi. Avec le temps, on retournera à des tarifs différents sur le territoire du Québec, comme avant la nationalisation .

Le même phénomène se développera chez les clients industriels. Un gros client industriel pourra se négocier un meilleur tarif qu'un petit client industriel. Il y aura différentiation des tarifs sur une base géographique et à l'intérieur d'une même catégorie, sur la base du volume d'achat que les groupes pourront négocier auprès des producteurs. On retourne au chaos qui existait avant la nationalisation.

Le débat sur l'avenir de l'électricité est lancé, annonce Jean-Marc Pelletier. S'il en résulte une déréglementation, les régions seront amenés à se battre les unes contre les autres, les entreprises vont s'établir près des grands centres (là ou les tarifs seront plus bas), les régions se videront et chaque région va s'employer à retirer des profits immédiats des barrages installés sur son territoire, les gens des grandes villes vont bénéficier de meilleurs tarifs que les gens des campagnes .|185| 
751|Sauver les campagnes 0 Un front commun pour l'environnement|Roméo Bouchard |* Le Rendez-vous Sauver les campagnes, qui a réuni plus d'une centaine de leaders de comités de citoyens ruraux et de groupes écologiques québécois à Saint-Germain-de-Kamouraska du 21 au 24 octobre a marqué un nouveau départ pour la protection de l'environnement rural.

La qualité des participants et leur représentativité des luttes actuellement en cours en fait foi0 Louise Vandelac de Eau-secours, Pierre Dubois de la Coalition pour la sauvegarde des forêts vierges, Jacques Proulx de Solidarité rurale du Québec, Alain Saladzius et Denis Trottier sur l'opposition au harnachement de rivières comme la Batiscan et l'Ashouamoushouan, Élise Gauthier sur l'opposition aux sites de décontamination des BPC au Saguenay, Patrick Rasmussen et plusieurs leaders locaux de la lutte contre le modèle actuel de développement de l'industrie porcine sur fumier liquide, Stéphane Gingras d'Union Saint-Laurent-Grands Lacs, etc.

Front commun contre le massacre des campagnes.

Comités de citoyens et groupes écologiques ont fait consensus et front commun pour freiner la liquidation des ressources vitales des campagnes québécoises par les grandes industries agricoles, forestières, hydroélectriques, biotechnologiques, devenus partenaires privilégiés de l'État québécois. Ces entreprises privées, de plus en plus concentrées et industrialisées, exercent des quasi-monopoles sur la zone verte qui couvre 90% de la campagne, sur les forêts publiques, sur le fleuve et la pêche, sur les rivières, sur l'eau potable, et même sur le patrimoine naturel et même génétique.

Non seulement ils surexploitent ces ressources et mettent en péril leur pérennité, mais ils privent les populations locales de leur gagne-pain et font obstacle aux autres usages de ces espaces qui permettraient de diversifier l'économie de ces milieux et de maintenir l'occupation de ces territoires en décroissance. Plus particulièrement, les lois sur la forêt et le territoire agricole doivent cesser de voir dans la forêt et la zone verte des espaces réservés pour les entreprises forestières et agricoles seulement et quelles qu'elles soient.

Une revendication majeure0 plus de pouvoirs aux occupants du territoire.

Une revendication centrale sous-tend le Cahier de 25 revendications qu'ont adoptées à l'unanimité les participants0 l'urgence de redonner aux populations locales la possibilité d'intervenir sur la gestion de leurs ressources vitales et les projets de développements qui affectent la qualité de vie de leur milieu. Il est de plus en plus odieux et inacceptable que ces populations se retrouvent continuellement devant des faits accomplis, des projets dévastateurs approuvés en secret par des fonctionnaires municipaux ou gouvernementaux qui n'ont de compte à rendre à personne, et assistent impuissantes au massacre de leur environnement et à leur morte lente.

Les participants exigent qu'on redonne aux populations locales des pouvoirs pour moduler et compléter les réglementations nationales en fonction de leurs particularités et de leurs choix de développement, qu'on leur octroie la possibilité de se prononcer par des référendums locaux et régionaux décisionnels sur les projets majeurs tels les mégaporcheries, le harnachement de rivières, l'installation d'usines polluantes, les Contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, etc.

Il est clair également que ces territoires sont victimes d'une gestion sectorielle et centralisée des ressources0 tous insistent sur la nécessité d'une gestion territoriale intégrée des ressources, ce qui implique des MRC électives et munies des pouvoirs nécessaires à cette fin, contrairement à la régionalisation-bidon mise en place par le Gouvernement actuel avec les CLD et les régies régionales. Les ruraux ne sont pas que des clients des services gouvernementaux0 ils veulent être d'abord et avant tout des citoyens responsables de leur milieu de vie.

Agriculture industrielle et agriculture paysanne

Le débat sur la pollution agricole et les problèmes sociaux et environnementaux que pose le modèle de développement actuel de l'industrie porcine et des méga-élevages en général a progressé de façon remarquable au cours de cette rencontre.

Dans un premier temps, une distinction apparaît de plus en plus entre le modèle industriel d'agriculture et ce que les Européens appellent l'agriculture paysanne. Le modèle industriel, de plus en plus privilégié par l'UPA et l'État en mal d'exportation, favorise la concentration, la disparition des fermes familiales, les techniques de production néfastes pour l'environnement, notamment la gestion liquide des fumiers, et accélère d'autant la désertification de la campagne0 on estime qu'un emploi créé dans ces industries en fait disparaître 18 sur les fermes familiales.

L'agriculture comme mode de vie, la ferme familiale, devrait être favorisée par une modulation de l'aide gouvernementale et des assurances agricoles, lesquelles devraient décroître à mesure que la taille des entreprises augmente. Présentement, on paie pour vider la campagne au profit de quelques intégrateurs.

Dans un deuxième temps, on doit exiger des politiques énergiques de soutien aux modes de production alternatifs, respectueux de l'environnement et de la santé, à savoir la gestion solide des fumiers (compostage) et les techniques d'agriculture biologiques, avec la mise en marché qui y correspond.

L'eau et la santé collective

La contamination rapide de l'eau potable, son gaspillage et son pillage croissants selon l'expression de Louise Vandelac, avec les effets encore méconnus de tout cela sur la santé des citoyens en général, sont une inquiétude majeure.

Ce thème fera d'ailleurs l'objet principal du 2ème Rendez-vous prévu pour l'an prochain en Mauricie, où, en plus des porcheries, on vient de faire face à un projet de harnachement de la rivière Batiscan¸ en plein parc, par des entreprises privées appartenant à Bernard Lemaire.

La protection de l'eau comme bien collectif est essentielle si on ne veut pas avoir à payer des fortunes pour la traiter, pour soigner les maladies et épidémies qui en découleront et pour racheter à gros prix l'eau que nous aurons donnée aux compagnies privées.

* Comité d'action Sauver les campagnes|185| 
752|Vous souvenez-vous où vous étiez ce soir terrible du 6 décembre 1989 ?|Élaine Audet|

D'une lune à l'autre



Moi, je me souviens qu'en arrivant à la maison d'une amie, vers 21 heures ce mercredi-là, nous avons d'abord cru que la télévision présentait un film policier avant de réaliser que la tuerie se passait à Montréal et que les victimes étaient toutes des femmes. Le téléphone s'est mis à sonner pendant des heures, des amies voulant partager leur peine et leur incrédulité devant l'horreur. Où en sommes-nous dix ans plus tard ?

Le débat présentement en cours sur la perte d'identité masculine illustre à merveille où nous en sommes dix ans après le massacre de Polytechnique.

On pointe toujours du doigt ces fauteuses de trouble que sont les féministes. Toujours pas moyen de manifester notre indignation et notre peine sans être accusées de récupération.

Et quand nous célébrons la victoire de l'Alliance de la fonction publique canadienne sur l'équité salariale, il y a des voix qui s'élèvent pour regretter que la dette envers ces femmes, à qui le gouvernement a volé pendant toutes ces années de $30,000 à $60,000 chacune, ne subventionne pas les baisses de taxes ou l'amélioration des services sociaux. Tout plutôt que se tourner vers les véritables responsables de l'injustice sociale.

Quand on perd sa femme ou sa fille

Le mari de Maryse Laganière, l'une des victimes de Poly, nomme à juste titre le sexisme et le laxisme comme causes du massacre. Oui, nous sommes une société sexiste. Nous pensions que nous ne l'étions pas. Nous pensons encore que nous ne le sommes pas. Tant que nous n'en prendrons pas conscience, nous le resterons.

Dans ce texte, lu lors de la commémoration de 1994, Jean-François Larrivée ajoutait 0 Il y a beaucoup d'erreurs dans ce drame. Beaucoup trop. Et si l'erreur, c'était d'être femme ? D'être toujours le bouc émissaire de toutes les frustrations ? [...] Le laxisme, c'est de laisser circuler des propos haineux au nom de la liberté de parole. De combien de propos haineux envers les femmes l'assassin des 14 victimes avait-il nourri son esprit malade ?

Marc Lépine et les conjoints assassins ne perdent pas le contrôle, mais veulent le conserver. Ils préfèrent la mort plutôt que d'assumer l'égalité des chances et la liberté dans la différence.

Des coupures qui tuent

Les compressions budgétaires menacent de faire disparaître plusieurs des 4000 organismes communautaires québécois pour ne garder que ceux à qui le gouvernement attribue la tâche de remplacer au rabais les salariéEs de la santé et des services sociaux mis prématurément à la retraite.

Des groupes généreux et inventifs qui montrent dans la pratique, souvent au détriment de leur propre santé, que la solidarité n'est pas qu'un mot à brandir sur les tribunes et dans les manifestations. Ces femmes nous prouvent que la solidarité sociale, ce n'est pas que le nom ronflant d'un ministère responsable des coupures de 800 millions dans l'aide sociale et de la réduction forcée de 60% des effectifs de certains groupes d'aide aux femmes en détresse (cuisines collectives, repas gratuits aux écoliers, réinsertion sociale, thérapie collective, etc.).

Je vous conseille d'aller voir le beau film de Bertrand Tavernier, Ça commence aujourd'hui qui a forcé le gouvernement français à passer une loi pour améliorer le sort des plus démuniEs. Et on dira que l'art n'a pas d'impact social !

Refuser de tourner la page

Le 6 décembre continue à être une journée de ralliement pour pleurer nos mortes et nous mobiliser contre la violence misogyne et sexiste.

Il ne semble plus y avoir de limites à cette violence sexuelle qui touche de plus en plus de femmes, pendant qu'un million d'enfants rejoignent, chaque année, l'armée des esclaves sexuelLEs battuEs, mutiléEs, violéEs impunément.

Pendant que des guides de tourisme sexuel répertorient cyniquement des établissements sous les initiales YC young children. Pendant que les marchands de pornographie infantile continuent à être acquittés au nom de la liberté d'expression.

Nous refuserons de tourner la page tant que, dans l'ensemble du Québec, 67% des personnes payées au salaire minimum seront des femmes, tant que les immigrantes seront surexploitées dans les sweatshops ou le travail à domicile, tant que la majorité des travailleuses continueront à être payées en moyenne 74% du salaire d'un homme, tant que la moitié des 82% de familles monoparentales ayant à leur tête une femme vivront sous le seuil de la pauvreté, tant que les lesbiennes seront victimes de discrimination, tant que les hommes se contenteront, dans le meilleur des cas, de consacrer 25% de leur temps aux enfants et aux tâches domestiques, tant que 300 000 femmes (1) seront victimes de violence conjugale et que plus de cinquante d'entre elles en moyenne seront tuées chaque année au Québec.

(1) Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS)0 Trois appels sur cinq reçus par la police ont trait à des querelles familiales. La violence conjugale toucherait de 10% à 15% des femmes vivant en couple, soit quelque 300 000 Québécoises.

sans que tu le saches une envie féroce

désagrège tes rêves

tu cherches encore à comprendre

transpercée par l'obscur éclair

pourquoi sur toi

se venge cet inconnu

comment aurais-tu pu imaginer

que ta seule existence

nie la sienne

la seule odeur de verveine dans tes cheveux

lui fasse injure au point de te vouloir morte

(...)

Élaine Audet, Le cycle de l'éclair, Québec, Le Loup de gouttière, 1996, p. 54 et 55.|185| 
753|La solidarité 0 seule solution au mépris répété des banquiers|Jacques Larue-Langlois|La troisième semaine de novembre offrait l'occasion aux grandes entreprises banquières du Canada de se lancer, en bombant fièrement le torse, un camouflet sans réplique et bien appuyé à la grande majorette de la population de ce pays, composée de gagne-petit à qui les fantoches élus pour gérer le bien public promettent, au mieux, des hausses des salaire de 5% échelonnées sur trois ans, tout en permettant que le rendement de l'avoir des actionnaires de la seule Banque Toronto-Dominion atteigne 18,3%.

Et pan ! dans la gueule. Ensemble d'ailleurs, les six grandes banques à charte du Canada ont accumulé, en 1998, des profits de 7 milliards 40 millions de dollars et s'en vantent effrontément, qualifiant de bonne gestion leur entreprise d'accumulation des capitaux dans les mains des mieux nantis. Bonne gestion égale riches profits pour les possédants, bien sûr, mais surtout, pas question de partager le gâteau avec les employéEs, dont le travail a permis de tels bénéfices.

Voracité sans borne

Au contraire 0 la Banque Royale, dont les profits avaient atteint un milliard 800 millions en 1998, a annoncé une nouvelle hausse de 11% au cours du seul dernier trimestre de cette année et, du même coup, (histoire sans doute d'épargner les frais d'une autre conférence de presse d'où son image aurait pu sortir amoindrie) elle prévenait qu'en vue d'atteindre ses cibles d'efficacité, elle devait supprimer 6 000 postes à plein temps sur deux ans. La voracité du capitalisme ne connaît aucune borne. Idem pour la Banque de Montréal, dont les profits, de l'ordre d'un milliard 382 millions, sont en hausse pour une dixième année consécutive et qui, elle aussi, annonçait récemment d'importantes réductions de personnel.

Profits égale chômage

Rien n'est trop mesquin si cela peut permettre aux actionnaires d'une institution bancaire de réaliser d'imposants profits - pour lesquels ils bénéficient d'ailleurs de cent moyens de ne pas payer d'impôt. C'est ainsi que l'économie globale canadienne s'enrichira d'une dizaine de milliers de chômeurs supplémentaires aux seuls fins d'augmenter les profits des banques, alors que le taux de chômage oscille déjà autour de 7,2%. (9% au Québec 0 nos administrateurs gouvernementaux sont-ils vraiment encore plus bêtes que les leurs ?)

Au mois d'octobre, l'indice des prix à la consommation, au Québec comme au Canada, avait grimpé de 2,3% par rapport à l'an dernier. Une des causes premières de cet accroissement tient - au Québec en particulier- à une hausse de 1,9% des frais de logement, un bien essentiel pour chacun et dont la progression des prix s'avère supérieure à elle seule à la proposition d'augmentation de salaire du gouvernement du Québec à l'endroit de ses employés, mais bien en deça des 18,3% de profits réalisés par les actionnaires des grandes banques.

Ce qui est particulièrement obscène, c'est qu'il suffise d'avoir de l'argent pour en faire et qu'il soit à la portée des seuls nantis de s'enrichir davantage, augmentant la fortune d'un tout petit nombre de possédants au détriment de la majorette des citoyens qui ne cessent de s'appauvrir. Et pour cause, les revenus des salariéEs dépendent des emplois qui sont offerts et dont le niveau de rémunération n'a rien à voir avec le profit des entreprises. Nous mourrons pauvres comme nous sommes nés. Et tant pis, nous n'avions qu'à naître riches.

À nous de faire preuve de solidarité

Non mais vraiment, ils rient de nous. Pour retrouver un minimum de dignité, il faut les empêcher de nous maintenir en état de pauvreté, même relative. Comment ? Après tout, nous faisons le nombre et il paraît qu'en régime démocratique, la majorité a toujours raison. À nous donc de leur montrer que nous sommes capables de solidarité. C'est ensemble seulement que nous pouvons leur tenir tête.

Comment se fait-il que, pour des raisons dites de stratégie, le front commun CSN-FTQ-CEQ se soit aussi rapidement effrité sans prendre conjointement des mesures radicales, comme le débrayage en masse de tous les fonctionnaires de l'État québécois ? Il suffirait de paralyser l'administration pour un certain nombre de jours –ou de semaines, au besoin – manifestant collectivement notre ras-le-bol avec vigueur, pour forcer la main aux législateurs. Pour le moment, ces derniers se foutent éperdument de nous puisque leur pouvoir tient avant tout à l'appui des riches et à leurs caisses électorales, un appui conditionné par la liberté qui leur est donnée de continuer à exploiter les travailleurs. Nous ne voulons que votre bien , proclament-ils. Et si nous les laissons faire, ils le prendront... sans vergogne.

Des fois, il semble évident que Pierre Falardeau avait raison quand il constatait simplement dans Le temps des bouffons 0 Pis après ça, y sont surpris d'en trouver un dans une valise de char ! |185| 
754|Kosovo0 on nous a menti!|Pierre Dubuc|Les enquêteurs de 15 pays de l'OTAN ont mis à jour 2 108 cadavres au Kosovo, dont certains d'origine serbes. Pourtant, pour justifier les bombardements, le secrétaire américain à la Défense avait parlé de 100 000 présumés morts imputés aux bouchers serbes, alors que l'agence d'information USIA avait parlé de 225 000 à 400 000 mâles kosovars portés disparus. Tous les médias ont repris ces chiffres et certains ont même parlé d'holocauste. L'ex-général canadien Louis Mackenzie, qui dirigea les forces de l'ONU en Bosnie, pense que cette inflation verbale était destinée à induire en erreur l'opinion occidentale.

Le gouvernement canadien et le premier ministre Chrétien devraient être talonnées quotidiennement par l'opposition sur cette question. Mais il est peut probable que cela vienne du Bloc québécois et de son chef, Gilles Duceppe, qui étaient encore plus belliqueux en demandant une intervention terrestre!

Pour avoir fait preuve de prudence et refusé de se laisser entraîner par cette propagande, pour avoir cherché au-delà des apparences à cerner les véritables enjeux de cette guerre, l'aut' journal a été accusé de tous les noms. Il serait approprié, nous semble-t-il, que tous les va-t-en guerre fassent amende honorable et présentent des excuses pour s'être ainsi laissé dupé et manipulé par la propagande.|185| 
755|BOMBARDIER TOWN (PART 2)|Paul Rose| 15 juin 1999. Sur les ondes, on pourrait croire à s'y méprendre à une autre de ces méprisantes annonces ouvrières de Wall-Mart. Mais ce qui se trame en direct dans les rues de Valcourt devant les médias dépasse toute forme de pub-vérité. On est dans la réalité vive. Celle du mépris pour les siens d'un boss canadien-français qui n'a rien à envier aux Américains.

Devant les kodaks, la madame, assembleuse de service au comité de relation de travail bidon (CRT) mis sur pied par LE patron, Laurent Beaudoin, est toute contente. Sa lettre a reçu l'imprimatur de la haute direction de Bombardier et a été remise à tous les employéEs. Beaudoin n'a pas fabriqué la missive antisyndicale, ni sa firme. Il a fait pire.

Il a fabriqué et entretenu depuis les années soixante un tel régime de terreur qu'aujourd'hui il n'a plus à se salir les doigts d'encre comme en 1969, alors qu'il affichait partout dans l'usine son code de lois signé de sa main.

Les doigts des autres

La bienheureuse auteure de la lettre d'aujourd'hui traduit la profondeur et l'ampleur de cette peur intériorisée qui sévit à l'usine de Valcourt et tout autour. En point de presse improvisé patenté par les p'tits boss, elle clame sans ambages, à s'arracher la peinture Bombardier des poumons 0 Nous (du CRT) sommes comme les doigts de la main avec la direction... Et la lettre ? Ma lettre, renchérit-elle, je l'ai soumise à la compagnie. C'est vrai. Rien n'a été changé. C'est le texte intégral. J'ai été autorisée à le faire et à le distribuer...

La direction, ainsi, peut prétendre avoir les doigts propres. La compagnie, en fait, n'a qu'à sanctionner ce qui fait l'affaire du Roi pour que les clones des doigts de la main Bombardier marchent tout seuls! À l'intérieur de l'usine comme à l'extérieur.

Même la Chambre de commerce régionale et son président, Mario Larivière, propriétaire du restaurant de la place ont été mis à contribution et se sont tout de go prononcés publiquement contre la syndicalisation... Retour d'ascenseur oblige. Hier, le roi Beaudoin sollicitait les membres du clergé et des personnages politiques. Aujourd'hui, autres temps autres mœurs, c'est au milieu des affaires qu'il a recours.

Punitions et privilèges de haut en bas

Combien de gens de la haute de Valcourt ont dû prêter leurs doigts à la sale besogne du clan Beaudoin? Notamment à ce régime de terreur en force chez le fleuron de Bombardier à Valcourt 0 depuis que le clan a évincé l'inventeur de la motoneige, on peut estimer, selon des documents internes de la compagnie (voir l'aut'journal de novembre) à quelques 3000 le nombre de congédiements, en bonne partie pour insubordination, ce qui représente l'équivalent de près de deux fois la totalité des effectifs de l'usine actuelle! Et on ne compte plus les suspensions, les rétrogradations, les mises à pieds arbitraires, les déménagements et autres représailles de toute nature y compris la répression physique et les variations de la cadence des chaînes de production.

Aujourd'hui, la répression se raffine et s'amplifie. Ainsi, Bombardier, pour relancer sa traditionnelle propagande sur les relations de travail, n'hésite pas à faire cyniquement appel à des femmes de service aux relations publiques avec les médias alors même que, dans l'usine, comme le souligne un document syndical, le groupe des travailleuses est des plus cruellement touché par les précaires conditions de santé et de sécurité au travail.

Les victimes d'accidents ou de maladies professionnelles sont littéralement abandonnées à leur sort. Non seulement elles ne sont pas soutenues devant la CSST, mais Bombardier conteste systématiquement tous leurs recours.

À l'intérieur de l'usine, ça demeure encore le fief du buck Beaudin, le p'tit v.p. aux ressources humaines qui se prend pour l'autre et agit comme si, dans son nom, entre le d et le i, il y avait un p'tit zéro de rien du tout !

Pour lui, la situation est simple 0 qui ose vouloir se syndiquer chez Bombardier est un frustré. Ça commence à en faire pas mal de frustrés dans l'empire de la motoneige jaune! À l'entendre il n'y aurait jamais eu de gestes d'intimidation0 la direction a bien procédé à la rencontre individuelle des employéEs mais, selon lui, il s'agissait là d'une simple routine annuelle. Aucune représaille n'aurait été exercée à l'encontre de leaders syndicaux0 sauf le recours à la suspension pour absence injustifiée, à l'écart de la liste de rappel, à des rencontres non annuelles , à des avertissements personnels, à la dénonciation (délation), aux ordres formels de cesser…

Aujourd'hui comme hier

Par ailleurs, pas un mot du v.p. au sujet des réunions fortuites qu'il tient sur les lieux de travail, souvent sous de faux prétextes. Comme, par exemple, celle du 21 mai, soit disant en rapport avec la retraite, alors que les employéEs se sont fait servir des sermons à la pelletée et ont été l'objet de pressions indues, les incitant à déchirer leur carte de membre du syndicat en formation.

Quant à l'arrêt spontané d'une heure des chaînes de production (11 mai) et à la manifestation spontanée du quart de jour dans les rues de Valcourt (15 juin), la direction se défend bien d'être derrière de tels événements antisyndicaux. Même si, dans les deux cas, les médias les plus éloignés ont été convoqués quelques heures à l'avance! Même si, dans les deux cas, la direction a attendu plus d'une heure avant d'intervenir, confiant ainsi aux hommes de main de la compagnie l'intégrité physique des leaders syndicaux les plus connus (des plaintes au Commissaire du travail ont été déposées par ces derniers). Même si, dans les deux cas, malgré des pertes de plusieurs milliers de dollars en arrêts de travail, Bombardier a admis publiquement qu'elle ne sévirait pas contre les responsables.

Tout comme elle avait refusé, malgré leur condamnation judiciaire pour assaut grave, de sévir contre ces fiers-à-bras qui, sous les yeux complices du président et des membres du Comité de bonne entente (l'ancienne appellation du CRT), avaient attaché et traîné flambant nu l'employé et le leader syndical François Massicotte à travers les rues de Valcourt, dans la soirée et la nuit du 8 au 9 décembre 1969. z

Bombardier Town n'a pas changé 0 hier, l'usurpateur Beaudoin achetait le silence d'une ville, aujourd'hui il subventionne la prise de parole, en autant qu'elle reflète servilement la sienne. Sauf que, cette fois, de l'usage de la parole publique, même enchaînée, à la prise de la parole libre sans peur, il n'y a qu'un pas que Valcourt s'habitue à franchir un peu plus à chaque jour.|185| 
756|Agir contre les fermetures|Pierre Klépock|

Dossier 0 Fermeture d'usines 0 ÇA VA FAIRE!!!



Un vent de détresse souffle sur notre pays du Québec. Dans plusieurs régions, les usines ferment leurs portes, les machines tournent au ralenti, les ateliers se vident, même nos services publics ne sont pas épargnés par les pertes d'emplois. Complice du patronat, le gouvernement fédéral a choisi de démanteler le régime d'assurance-chômage alors que les entreprises privées bénéficient de subventions accrues.

Les conséquences sont surtout douloureuses pour le monde ordinaire. La classe ouvrière est condamnée au chômage et une bonne partie du peuple connaît la misère. La richesse, fruit du travail accumulé durant de nombreuses générations, est devenue la propriété d'une minorité parasite qui l'exploite à son seul profit. Notre gouvernement soi-disant indépendantiste a choisi de se soumettre à des compagnies financières, principalement américaines et canadiennes anglaises, qui disposent souverainement des richesses de notre pays et, par le moyen d'une presse achetée, dirigent l'opinion.

Contre la brutalité du système économique, il faut agir afin de pouvoir imposer des contraintes sur le droit d'une entreprise de fermer une usine, ou pour prendre en charge ses opérations (formation d'une coopérative, intervention des fonds syndicaux, nationalisation de l'usine). Il est complètement insensé de laisser dans les mains des profiteurs le soin de décider du sort de nos emplois, sans rendre de comptes à la population. Si les patrons refusent leurs responsabilités sociales parce qu'ils n'ont aucune espèce de conscience sociale, un gouvernement responsable doit se donner les moyens pour les contraindre à les assumer.

Des législations inadéquates

Malheureusement, les législations actuelles pour empêcher de telles situations sont, sinon inexistantes, à peu près totalement inefficaces. Les boss s'en tirent toujours à bon compte0 les préavis de licenciement sont ridiculement courts, il n'y a aucune prime de séparation, le mandat des comités de reclassement est limité, les salariés n'ont pas un mot à dire sur ce qui se passe à l'intérieur de l'usine. C'est le droit de gestion du capital qui prime sur le droit des travailleurs.

Pourtant, dans la plupart des pays européens, les licenciements individuels et collectifs sont assujettis à des lois du travail qui seraient accessibles au gouvernement québécois dans le cadre constitutionnel actuel. Bien sûr, comme dans tous pays capitalistes, la liberté d'entreprise règne en Europe comme en Amérique, la démocratie libérale donnant encore le droit aux patrons de sacrer le monde dehors. Cependant, les législations européennes permettent aux salariés d'intervenir avec leur syndicat pour défendre leur gagne-pain. Ces lois du travail pénalisent fortement les employeurs lorsqu'ils créent du chômage (voir l'aut'journal no 174).

L'exemple européen

En France et en Belgique, par exemple, les préavis constituent des périodes de protection pendant lesquelles aucun licenciement ne peut avoir lieu. Le Code du travail français prévoit un mois de préavis donné aux salariés après six mois de service et deux mois après deux ans de service. On prévoit en Belgique, trois mois d'avis par tranche de cinq ans de service chez le même employeur. Pendant ce délai, le travailleur a le droit de s'absenter du travail, pour un temps raisonnable, sans perte de salaire, en vue de rechercher un nouvel emploi. S'ajoute au délai-congé des indemnités de départ proportionnelles à l'ancienneté. En France, c'est 20 heures de salaire par année de service et en Belgique, l'indemnité est composée d'un montant de base déterminé et indexé au coût de la vie, par année de service.

On retrouve, dans ces différentes législations, l'obligation pour les boss d'informer les gouvernements et d'aviser les syndicats jusqu'à un délai de 60 jours avant de donner les préavis de licenciement aux travailleurs, selon le nombre de licenciements projetés. Ce qui a pour effet de maintenir à l'ouvrage plus longtemps les personnes menacées de perdre leur travail. Ce droit à l'information permet aux syndicats d'étudier une stratégie pour limiter les licenciements et de faciliter le reclassement du personnel licencié. À défaut de le faire, le licenciement est déclaré nul et donc, le patron est condamné à des dommages et intérêts au bénéfice des travailleurs licenciés.

Encore une fois, le Québec accuse un retard inacceptable dans le domaine des lois du travail. Si nous ne sommes pas capables d'empêcher une entreprise de fermer ses portes, le gouvernement devrait être en mesure d'intervenir pour indemniser les travailleurs et forcer les boss à rendre un minimum de comptes. Il nous faut continuer à revendiquer une loi contre les fermetures d'entreprises.

À GM, des menaces de fermeture depuis 1994

Est-ce que GM va fermer ? Cette question, on se la fait poser à tous les jours de dire Jean-Pierre Daubois, le président du conseil des métiers du syndicat de GM, et cela depuis avril 1994, alors que la compagnie a parlé pour la première fois de la fermeture de l'usine. En 1995, la moitié des effectifs ont été mis à pied. Depuis, la compagnie laisse planer l'incertitude au-dessus de nos têtes pour nous mettre le moral à terre. L'objectif de GM, poursuit Jean-Pierre, est de nous inciter à faire des concessions. Mais, s'empresse-t-il d'ajouter, il faut y résister .

Si la résistance aux concessions est l'attitude du syndicat, ce n'est pas celle du gouvernement du Québec, qui a offert 360 millions $ à GM, et encore moins celle des notables de Boisbriand, prêts à accepter le projet d'usine modulaire.

On a expliqué à Bernard Landry que GM n'avait pas besoin d'argent et les faits nous ont donné raison0 la compagnie n'a même pas répondu à l'offre de Québec explique Daubois qui a également ridiculisé l'attitude des élites de la région de Boisbriand.

Alors que les syndicats américains et les syndicats du Canada-anglais ont rejeté du revers de la main le concept d'usine modulaire, nos notables sont emballés par l'idée. Il faut comprendre que, présentement, à l'usine, nous assemblons au-delà de 3 500 pièces pour fabriquer une voiture, alors qu'avec l'usine modulaire proposée, on n'assemblerait plus que 20 modules. L'usine ne serait plus qu'un entrepôt et tout serait donné à la sous-traitance .

Il n'est pas étonnant, poursuit Jean-Pierre, que les notables aiment l'idée. Ils n'arrêtent pas de baisser le compte de taxes de la compagnie et cherchent continuellement à nous amener à faire des concessions. On a demandé au député péquiste s'il était le représentant de la population ou le porte-parole des relations publiques de GM ?

Le message de Jean-Pierre Daubois était clair 0 Les concessions, ça n'achète pas de jobs. Il faut combattre le fatalisme. Riposter, ça fait toute la différence. Il faut obliger les entreprises à réinvestir obligatoirement une partie de leurs profits. Pour y arriver, il va falloir une alternative politique !

Le sauvetage de la Dominion Bridge

Sylvie Mageau et René Bellemare du Comité Urgence-Emploi du Conseil régional de Montréal de la FTQ sont venus expliquer qu'il était possible d'agir pour sauver des emplois. Ils ont relaté en détails l'intervention de leur comité auprès de la Dominion Bridge, une entreprise établie à Montréal depuis plus de 120 ans.

Leur action et celles des intervenants du milieu, dont le Fonds de solidarité de la FTQ, a réussi à empêcher la fermeture de l'usine.

Qu'ils restent chez eux!

On nous dit que toute législation contre les fermetures d'usine ferait fuir les investisseurs. Je leur dis 0 s'ils ne veulent pas accepter nos lois et rester ici, qu'ils restent chez eux ! C'est le message qu'a lancé Daniel Sylvestre, qui représentait le local 7625 du Syndicat des Métallos, un local qui regroupe des petites et moyennes entreprises dont plusieurs ont fait face à des menaces de fermeture d'usines.

Un témoignage émouvant!

Hier encore, ouvrier sans histoire, à l'emploi de Norampac depuis une trentaine d'années, Marcel Mongrain a vu sa vie changé du tout au tout avec la fermeture sauvage de l'usine de Pointe-aux-Trembles. C'est, tantôt avec humour, tantôt avec gravité, mais toujours avec beaucoup d'émotion, que Marcel a raconté les événements qui ont bouleversé sa vie et celle de ses 126 camarades de travail.

Marcel a bien fait rire l'assistance en parlant de la philosophie Cascades. On nous parle de compétitivité comme si nous étions des sprinteurs. Mais un sprinteur ne donne un effort maximum que le temps de sa course. Moi, ça fait trente ans que je travaille pour l'entreprise, je ne peux pas maintenir le rythme d'un sprinteur pendant toutes ces années .

Il a décrit la fermeture sauvage de l'usine. Nous avons été tous convoqués à l'aréna Roussin et, pendant que nous étions rassemblés là, on mettait le cadenas aux portes de l'usine. Des fiers-à-bras nous empêchaient d'y entrer. J'avais l'impression d'être devenu un criminel .

Comme s'il ne suffisait pas de lutter contre les frères Lemaire, Mongrain et ses camarades doivent également lutter contre leur syndicat pour obtenir justice. Je ne suis pas anti-syndicaliste et j'aimerais mieux ne pas avoir à dire ces choses-là, mais nous avons été abandonné par notre syndicat . Aujourd'hui, ils luttent pour avoir droit à un fonds de pension équitable.

Au cours de son intervention, Marcel a parlé de la détresse de ses confrères de travail. Du suicide de l'un d'entre-eux. De débouler du travail, à l'assurance-emploi, à l'aide sociale. La dignité, elle est où ? a-t-il crié. Il a terminé en invitant à se regrouper, à se révolter contre le capitalisme sauvage, contre ce gouvernement qui donne des millions aux frères Lemaire.

Plus tard, au cours de l'assemblée, Michel Chartrand a eu ces paroles à son égard 0 Un chômeur est aussi respectable qu'un travailleur. Mongrain est aussi respectable aujourd'hui que lorsqu'il travaillait. Je dirais même qu'il est plus respectable aujourd'hui, parce qu'il est conscient, parce qu'il lutte !

Dans le secteur public, on ferme pour privatiser

Le secrétaire général du Conseil central de Montréal a tracé un portrait général des effets des compressions budgétaires dans le secteur public de la région de Montréal. Neuf hopitaux de fermés, 6 000 lits de longue durée de moins, 20 000 postes à temps complet de coupés dans l'ensemble du réseau . L'objectif, selon lui, du recul de la sécurité d'emploi, ce sont les privatisations.

Jacques a donné d'autres exemples de la stratégie patronale. Zellers a fermé son entrepôt à Montréal-Nord. 350 jobs perdus. La moitié de ces jobs sont réapparus en jobs précaires, dans des agences de louage de main-d'œuvre. À Hymac, dans la métallurgie, une entreprise subventionnée par les deux niveaux de gouvernements, 400 employés mis à pied. La compagnie a vendu ses équipements à une entreprise en Autriche. Tant à Ottawa qu'à Québec, il n'y a aucune volonté de modifier le code du travail pour contrer ces fermetures sauvages.

Un appel pressant des cols bleus de Verdun

Partout, à travers le Québec, les syndicats des cols bleus sont présentement dans le collimateur des gouvernements et du patronat. On veut défoncer leur plancher d'emplois, réduire leurs salaires. Jean-Paul Lahaie, directeur du Syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal, et Maurice Rolland, président du Syndicat des cols bleus de la Ville de Verdun, nous ont apporté leur témoignage.

Après avoir brossé un bref tableau de la lutte des cols bleus de Montréal pour le maintien de l'emploi, Jean-Paul Lahaie a posé la question de fond 0 Quelle est la stratégie à long terme des syndicats devant cette guerre de classe que nous mène le patronat ? Le choix est simple 0 on ferme notre gueule ou on revient au syndicalisme de combat de dire Jean-Paul.

Tout en plaidant pour une réforme du Code du travail, il a prôné l'ajout, dans les conventions collectives, de clauses rendant plus difficiles les licenciements collectifs.

La guerre dont parlait Jean-Paul Lahaie, les cols bleus de Verdun la vivent depuis que le maire Bossé, après son élection en 1995, a proposé un plan stratégique pour modifier leurs conditions de travail.

Il nous est tombé dessus 183 mesures disciplinaires, nous avons dû loger plus de 3 000 griefs pour faire respecter la convention collective, tout ça pour un syndicat de 142 membres de dire Maurice Rolland, le président du local 302 en grève depuis 14 mois. Pourtant, dit-il, nous avions tout essayé, jusqu'à la négociation raisonnée .

Depuis, raconte-t-il, les 42 cadres, y inclus le greffier de la ville, sont mobilisés pour faire le travail des cols bleus. À cela s'ajoutent les scouts qui agissent comme sous-traitants et toutes sortes d'autres 'bénévoles' .

De leur côté, les cols bleus sont victimes de filatures, d'écoute électronique. Plusieurs ont été arrêtés. Cinq injonctions se sont abattus sur le syndicat, nous vivons une véritable guérilla juridique.

Il y a trois justices au Québec, dit-il. Une pour les riches, une pour les pauvres, une pour les syndicats. Maurice donne l'exemple de travailleurs arrêtés alors qu' un cadre qui a frappé un syndiqué n'a pas été importuné .

Les cols bleus de Verdun ont conscience que leur lutte dépasse le cadre de la ville de Verdun. Le maire Bossé est au front pour l'ensemble des municipalités du Québec. Si on perd cette guerre-là, déclare solennellement Maurice Rolland, c'est tout le système des relations de travail au Québec qui est en danger. Nous avons l'appui financier du Syndicat canadien de la fonction publique, mais il faut plus qu'un fonds de grève pour gagner cette guerre-là a-t-il déclaré en lançant un appel à l'ensemble du mouvement syndical.

Des mesures de guerre... économiques!

En 1970, nous avons eu les mesures de guerre. Aujourd'hui, nous avons les mesures de guerre économiques. En 1970, il y eût 500 arrestations. Aujourd'hui, il y a des milliers de mises à pied. Les policiers de 1970 ont été remplacés dans les années 1990 par les journalistes, les chefs de police par les éditorialistes de déclarer Paul Rose, conseiller syndical à la CSN.

Paul Rose a invité à la résistance, à former des cellules de résistance... économiques ! Il faut, a-t-il précisé, demander aux dirigeants des centrales syndicales d'investir les argents des fonds de travailleurs dans la résistance économique . Dénonçant l'exode des capitaux, il a dit 0 Il faut que ces fonds demeurent au Québec, quitte à laisser de côté la rentabilité purement capitaliste . Il a invité à la constitution de coopératives de production contrôlées par les travailleurs.

Enfin, Paul Rose a plaidé en faveur de l'investissement des centrales syndicales dans une presse alternative et a invité les travailleurs et travailleuses à occuper le champ politique. Il ne faut pas, a-t-il conclu, laissé la politique aux professionnels de la politique .

Occupez-vous de politique, ça presse!

Michel Chartand est venu apporter son appui à la lutte contre les licenciements et les fermetures d'usines et plus particulièrement aux syndicats en conflit.

Il a plaidé en faveur du revenu de citoyenneté en montrant son importance pour les travailleurs victimes de congédiement. Vous ne seriez pas obligés d'accepter n'importe quel travail, n'importe quelles conditions comme c'est le cas actuellement. Vous auriez un revenu vous permettant de satisfaire les besoins premiers .

Ce serait la même chose, a-t-il dit, pour les grévistes. Vous auriez un meilleur rapport de force devant votre patron .

Mais Chartrand a surtout exhorté les syndiqués et les syndicats à s'occuper de politique 0 On laisse la politique aux bandits. Faut que vous vous en occupiez. Ça presse ! a-t-il conclu.

Il est possible d'arracher des réformes au code du travail

Le président du local 501 des TCA-Québec a salué la tenue de l'assemblée en disant qu'il fallait des forums pour développer le sens de la bataille, de la lutte . Claude a critiqué l'individualisme actuel qui frappe le mouvement syndical. Tout le monde attend que quelqu'un d'autre fasse la job a-t-il dit en lançant un appel à la mobilisation.

Il a rappelé la lutte héroïque de son syndicat, il y a vingt-cinq ans, contre la United Aircraft. Nous nous sommes battus pendant 20 mois, nous avons affronté une majorité de scabs, mais nous avons gagné la loi anti-scab et le régime du prélèvement obligatoire des cotisations syndicales a-t-il déclaré pour souligner qu'il était possible d'arracher des réformes au code du travail contre les fermetures d'usines et les licenciements collectifs.

Son entreprise, la Pratt & Whitney, ainsi rebaptisée après le conflit de 1974, procède aujourd'hui à de nombreux licenciements, même si elle bénéficie de milliards de subventions gouvernementales. On développe le produit chez nous, puis on va le fabriquer en Pologne, en Russie ou en Chine .

Selon Claude, la situation va empirer. Avec les négociations de l'OMC, l'Organisation mondiale du Commerce, les États seront de plus en plus à la merci des multinationales .|185| 
757|Fermeture de la Gaspésia. À Chandler, on discute d'expropriation|Dominic Fortin| L'avenir est entre nos mains, on doit tenter d'acheter l'usine et d'en faire notre propriété. Si les dirigeants syndicaux et les ouvriers veulent se serrer les coudes, je pense que la seule avenue plausible, c'est d'être maître chez nous , a déclaré l'ex-maire de Chandler, M. Jean Paquin, sur les ondes de la radio de Radio-Canada (Matane) en interpellant les investisseurs intéressés principalement le Groupe Cèdrico, ainsi que les travailleurs de l'usine. Dans l'entrevue téléphonique qu'il nous accordait, le président du Syndicat des papetiers de la Gaspésia, Denis Luce, adoptait la même perspective0 Il va falloir qu'Abitibi vende et que le gouvernement porte ses culottes.

Après avoir opposé un refus catégorique, la multinationale, suite aux pressions de la population et des travailleurs, annonce maintenant qu'elle pourrait consentir à vendre l'usine, à condition qu'elle ne concurrence pas sa propre production, notamment celle du papier journal. Or, les activités papetières d'Abitibi impliquent 80 produits !

Denis Luce répond0 On ne peut pas respecter cette condition-là. D'accord pour exclure le papier journal, mais pas l'ensemble des produits d'Abitibi. M. Paquin nous a déclaré en entrevue qu'il semblerait que des pourparlers entre le Premier ministre Bouchard et le président d'Abitibi, Jonh Weaver, pourraient conduire à une entente qui réduirait de 80 à 3 ou 4 le nombre de produits exclus de la production de la Gaspésia.

L'expropriation, une solution envisagée

Pour la population de Chandler, il n'en reste pas moins que cette fermeture de la Gaspésia et les conditions de vente présentées par la multinationale cachent une volonté d'éliminer du marché une usine dans laquelle elle n'a jamais voulu investir. Aussi, pour l'ex-maire Jean Paquin, la solution passe par la voie de l'expropriation de la Gaspésia. D'ailleurs, le 5 novembre dernier, avant de terminer leur mandat, les membres du conseil municipal, sous la gouverne de M. Paquin, ont adopté une résolution en faveur de l'expropriation.

En effet, une instance gouvernementale, en l'occurrence une municipalité, a le droit d'acheter de force une propriété en invoquant une cause d'intérêt public et moyennant une juste indemnité. Dans ce cas, le seul droit du propriétaire consiste à contester, en cour du Québec, le montant de l'indemnité et c'est le tribunal qui le fixe alors.

Or, suite à l'adoption de la résolution en faveur de l'expropriation, l'ex-maire de Chandler estimait à 60 millions $ la valeur de l'indemnité à verser aux propriétaires de la Gaspésia. Cette estimation rejoint les offres faites jusqu'alors, tant par F. S. Soucy de Rivière-du-Loup que par le Groupe Cèdrico, deux industriels qui se sont montrés intéressés à devenir partenaires pour investir dans la modernisation de la Gaspésia. Mais la fermeture définitive de l'usine a mis fin aux discussions.

Élections à Chandler0 l'expropriation mise au rancart

Mais voilà, après 18 ans à la mairie, Jean Paquin n'a pas sollicité de nouveau mandat, le 7 novembre dernier. Près de 70 % des électeurs ont exercé leur droit de vote, une forte participation pour des élections municipales. Candidat à la mairie, le conseiller sortant, Gervais Marcoux, était le seul à être favorable à la résolution adoptée par l'ex-conseil municipal, mais c'est Michel St-Pierre, chirurgien orthopédiste de profession, qui a été élu avec 918 voix, soit 201 de plus que son adversaire.

Le nouveau maire ne privilégie pas l'expropriation0 Il s'agit d'une solution de dernier recours et on doit être prudent avant d'entreprendre une démarche en ce sens , nous a-t-il dit en entrevue téléphonique. C'est également le point de vue du président du syndicat0 J'ai des réserves. L'expropriation d'une entreprise, dans un contexte de mondialisation, peut entraîner des difficultés pour l'écoulement de nos produits. On pourrait faire face à un embargo. La vente de gré à gré, sans passer par les tribunaux, serait préférable , propose Denis Luce. Mais pour ce faire, le Québec doit se mobiliser pour appuyer Chandler0 “ Le président d'Abitibi, Jonh Weaver, a donné sa parole. Les gouvernements, les syndicats, les travailleurs, toute la population doivent exiger de lui le respect de ses engagements ”, conclut-il.

Quand Lucien Bouchard fait d'un dossier son affaire, on peut craindre le pire…

La population de Chandler se souvient des propos du Premier ministre Bouchard qui clamait, durant la dernière campagne électorale0 La Gaspésia, j'en fais mon affaire. Or, face à une volonté ferme de se prendre en mains en devenant propriétaire de la Gaspésia, le gouvernement du Québec propose aux travailleurs et à la population de Chandler des assouplissements aux règles d'accès à l'aide sociale. Autrement dit, quand des travailleurs cherchent à s'affranchir d'une multinationale sans âme, le Parti québécois leur offre la dépendance sociale. Cela leur fait une belle jambe! Pendant ce temps, ce même gouvernement s'empresse de mettre sur la table 360 millions $ pour une compagnie qui n'est pas à ses premières subventions; GM, plus qu'à son tour, a bénéficié des deniers publics. Avec le dossier de la Gaspésia, le Premier ministre du Québec a l'opportunité de démontrer que l'État n'est pas totalement assujetti aux diktats économiques de la grande entreprise privée et du patronat. Si M. Bouchard plie l'échine à l'appel du Conseil du patronat de ne pas intervenir dans des décisions d'affaires - notamment celles d'Abitibi Consolidated -, nous allons devoir nous méfier à l'avenir quand notre Premier ministre annoncera qu'il prend en main un dossier...

* Correspondant pour la Gaspésie|185| 
758|Un réinvestissement s'impose|Pierre Klépock|

Santé-sécurité en milieux hospitalier



Parce qu'elles travaillent dans le réseau de la santé, nous croyons que les salariées ne sont pas exposées à des risques d'accidents et de maladies professionnelles, qu'en général, elles travaillent propre. Mais Mieux vaut être syndiquées, s'il faut en croire Louise Magny, qui représentait le Québec à une Conférence internationale sur la santé au travail. Louise est secrétaire-générale de la puissante Fédération de la santé et des services sociaux, regroupant 100 000 membres (FSSS-CSN).

A.J0 Des comités de santé et sécurité sont en place dans plusieurs établissements, mais ce mécanisme de participation des salariéEs n'est pas obligatoire dans le secteur de la santé et des services sociaux, pourquoi?

Louise Magny0 L'association des hôpitaux du Québec, entre autres, n'est pas intéressée à ce qu'on soit reconnu comme groupe prioritaire, parce que ça va impliquer, de leur part, des coûts supplémentaires. Il faudrait notamment dans chacun des établissements des représentants à la prévention désignés par les travailleuses et travailleurs, avec des heures de libération payées par l'employeur. Malgré le fait qu'il y a déjà des comités de santé et sécurité dans certains établissements, cela ne règle pas tous les problèmes.

A.J0 Quels sont les problèmes de santé-sécurité que l'on rencontre le plus souvent dans le secteur de la santé?

Louise Magny0 Il y en a environ cinq0 les problèmes de santé mentale, particulièrement la détresse psychologique due à tout le chambardement du réseau de la santé. Le problème de la violence au travail qui est de plus en plus présente sous toutes ses formes, verbale, physique et économique, en maintenant les gens avec des bas salaires. Il y a aussi celui des maladies infectieuses, le domaine de la santé étant le plus mal équipé face à ses employéEs. Le quatrième concerne les instruments de prévention, car il faut convaincre les employeurs d'investir dans du matériel plus sécuritaire. Le dernier ce sont les problèmes musculo-squelettiques, parce qu'il faut souvent déplacer les patients sans matériel adéquat.

A.J0 Actuellement, est-ce-que vous menez une bataille pour être dans un secteur prioritaire, comme le secteur des mines par exemple?

Louise Magny0 Effectivement, on mène la bataille pour être reconnu comme groupe prioritaire. La CSN a engagé un recours judiciaire pour faire corriger cette situation. Elle vise à établir qu'il y a discrimination sur la base du sexe, compte tenu que seuls les secteurs d'activités où la main-d'oeuvre est fortement masculine (mines, transformation), sont couverts par la réglementation. Mais la bataille se situe aussi au plan de la déresponsabilisation de l'État. En effet, même si le gouvernement est responsable des établissements, il s'en remet aux administrations locales qui sont libres de gérer comme elles veulent. Pour les problèmes de santé mentale, les employeurs refusent d'accepter qu'ils sont occasionnés par ce qui se passe dans le réseau.

A.J0 Depuis le virage ambulatoire et les compressions, est-ce que ces problèmes se sont aggravés?

Louise Magny0 Absolument, on n'a jamais eu autant de suicides parmi nos membres. Par exemple, pour l'année dernière, on a rejoint tous nos établissements et on a relevé, en l'espace de 6 mois, 18 cas de suicide chez les travailleuses et travailleurs. Mais la difficulté est que l'on n'est pas capable de déterminer s'ils sont morts à cause de la problématique dans le réseau, les gens partant avec leur secret. Une chose est sûre0 les cas de suicide ont augmenté. On arrive au travail stressé, les boss sont de plus en plus exigeants, il n'y a aucune reconnaissance de notre travail et ce phénomène crée une détresse chez les salariées.

A.J0 Quelles solutions voyez-vous, à la FSSS, pour améliorer ces conditions de travail?

Louise Magny0 On tente d'équiper nos gens dans les syndicats locaux, en leur donnant de la formation syndicale en santé-sécurité au travail. Tel que le Front commun le revendique, il est certain qu'avec un réinvestissement dans les services de santé, on pourrait permettre aux établissements de se doter d'instruments plus adéquats pour aider les salariées dans leur travail, d'embaucher du nouveau personnel car il est actuellement à bout de souffle. De plus, contrairement à la croyance populaire, nos membres n'ont pas des salaires mirobolants, il font en général 35 heures semaine à 14$ de l'heure. On s'est battu pour se donner un réseau de santé gratuit et universel et on est en train de remettre en question ces valeurs fondamentales, ce qui est très grave.|185| 
759|Quelques crimes du capitalisme au XXème siècle|Pierre Klépock| Un ouvrage bizarrement passé sous silence au Québec, le Livre noir du capitalisme, retrace les crimes contre l'humanité, commis au nom et par la liberté d'entreprise et le droit au profit. La liste des ravages, en un siècle et demi, est longue0 esclavage du peuple noir aux USA, génocide des peuples autochtones dans les trois Amériques, massacres coloniaux de l'Algérie à Madagascar, en passant par la guerre des 10 000 jours du Viêt-nam, boucherie de 1914-1918, montée de l'extrême-droite, Franco en Espagne, Pinochet au Chili, populations courbées sous la dictature des marchés financiers, chômage ravageur, répressions antisyndicales partout dans le monde, etc... Sans oublier les 40 000 enfants qui, selon l'UNICEF, meurent chaque jour de malnutrition dans le tiers monde. Et le pire est à venir.

Le XXième siècle s'achève avec la victoire du capitalisme sur tous les continents du monde. Mais au profit de qui et à quel prix? Les chantres du néolibéralisme proclament la fin de l'histoire des luttes de classes et réclament un procès du communisme, histoire d'abolir à jamais tout projet prétendant changer la société. Bien sûr, des crimes ont été commis au nom du communisme (et non par le communisme). Tous les crimes contre l'humanité sont condamnables. Combien de communistes ont été assassinés par les disciples du libéralisme? En attendant, le capitalisme mondial est devenu encore plus cannibale et plus arrogant qu'avant.

Nos boss-boys de la pensée libérale, ne jurent que par le modèle américain, pays du show-bizz et de la réussite économique0 destruction des programmes sociaux, précarité de l'emploi, bas salaires où 30 millions d'habitants (plus de 10% de la population) vivent sous le seuil de pauvreté. Bienheureux capitalisme ! Au nom du marché libre, 200 millions d'enfants travaillent gratuitement, 20 millions d'esclaves sexuels dans le monde. Deux milliards d'êtres humains vivent sous le seuil de cette pauvreté que le capitalisme ultralibéral nous promet d'éradiquer depuis des années. Voilà le bilan positif du triomphe du libre marché !

• Les dernières répressions anti-indiennes aux USA, qui virent le terme du génocide engagé au XIXème siècle 0 100 000 victimes.

• La répression de la Révolution de 1905 en Russie par les troupes tsaristes 0 100 000 morts.

• La Première Guerre mondiale (1914-1918)0 8 500 000 victimes au profit des marchands de canons.

• La guerre civile en URSS (1917-1921), les famines et les épidémies consécutives aux interventions des pays capitalistes et au blocus de l'Occident 0 6 000 000 de morts.

• Les répressions anti-communistes après le mouvement révolutionnaire dans les différents pays d'Europe (1918-1923) 0 200 000 victimes.

• Les victimes des famines et des épidémies aux Indes, en Chine et en Indochine (1900-1945) 0 8 000 000 de morts (dont 6 millions pour la seule Chine).

• Les répressions anti-communistes massives et la guerre civile, déclenchées par Tchang Kaï-Chek en Chine (1927-1937) 0 1 000 000 de morts.

• La guerre civile en Espagne, déclenchée par Franco, soutenue par Hitler et Mussolini et facilité par la non-intervention des pays occidentaux 0 700 000 morts.

• La Seconde Guerre mondiale, provoquée par l'Allemagne d'Hitler et le Japon militariste ,fut aussi le résultat des capitulations successives des pays capitalistes occidentaux devant le nazisme en Europe et devant le Japon en Asie (1939-1945) 0 50 000 000 de victimes militaires et civiles, y compris les déportés et l'holocauste.

• La guerre française en Indochine (1946-1955) 0 1 200 000 morts.

• La guerre américaine au Viêt-nam (1956-1975) 0 2 000 000 morts

• La guerre d'Algérie (1956-1962) 0 1 200 000 morts

• Le génocide anti-communiste en Indonésie après septembre 1965 0 1 500 000 morts

• Les quatre guerres israélo-arabes au Proche-Orient (1948-1956-1967-1973) dont la guerre du Liban0 300 000 morts et 700 000 palestiniens exilés.

• La guerre du Golfe (1991) 0 200 000 morts, plus les 500 000 victimes de la dénutrition due au blocus qui dure toujours.

• Les interventions directes américaines ou par groupes paramilitaires interposés en Amérique latine (Nicaragua, Salvador, Guatemala, etc.), sans compter les répressions et coups d'États (Chili, Argentine, Brésil, etc.), soutenus par les services américains 0 400 000 morts.

• Les massacres de 4 000 000 de personnes en Afrique noire, au profit des bourses occidentales, en tenant compte des victimes des famines (1990-1997).

• La guerre inter-intégriste en Afghanistan après la chute du dernier gouvernement progressiste, provoqué par les USA 0 700 000 victimes.

• Les guerres et massacres ethniques en ex-Yougoslavie provoqués par la désintégration du pays, encouragés par l'Allemagne et d'autres puissances occidentales (1990-1996) 0 200 000 morts (plus 1 million de réfugiés chassés de leurs régions).

Après le renversement de l'URSS, entre 1990 et 1995 seulement, les guerres ont provoqué dans le monde cinq millions et demi de morts (Europe 250 000, Asie 1,5 million, Moyen et Proche Orient 200 000, Afrique 3,5 millions).

À ce tableau incomplet, il faut ajouter la mort par malnutrition de 6 millions d'enfants pour la seule année 1997. Les réfugiés et exilés se comptaient en 1997 au nombre de quarante millions. Tout cela dans une totale indifférence des pays occidentaux.|185| 
760|On a surmonté la dissension et on a gagné - Nadine Gaudette|Jean-Pierre Daubois|*

Forum intersyndical



Le Forum intersyndical a réuni, le 27 novembre dernier, des syndicalistes de 26 syndicats différents venant de Rouyn, Joliette, Rivière Beaudette, de Montréal et d'ailleurs, pour discuter de ce qui se passe et de ce qui ne se passe pas dans notre mouvement.

Sur une même tribune, le Forum intersyndical a réuni trois militantEs qui ont été récemment et sont encore au coeur de luttes syndicales typiques de la période actuelle. Richard Fournier, président du local 1163 des TCA (GM-Boisbriand), au centre de la bataille pour la survie de l'usine de GM, Nadine Gaudette, du Syndicat des travailleurs -travailleuses de Terre des Hommes - CSN, qui sort d'une grève partiellement victorieuse contre les clauses orphelin et contre la barre du 5%, et Mario Thibault, du Syndicat national des transporteurs routiers - CSN, ardent militant d'une lutte à finir pour amender le Code du travail afin que les travailleurs autonomes aient accès à la syndicalisation.

La clé c'est la mobilisation

Selon Richard Fournier, la clé de la riposte syndicale est venue de l¹orientation du local syndical qui a refusé d'avoir peur de ses membres et a stimulé la mise en place d'un comité de chômeurs sans tenter de contrôler leurs actions. Nous leur avons donné les moyens de se battre.

Nadine Gaudette explique qu'une opposition farouche à la grève était organisée de l'intérieur par des membres qui étaient aussi de étudiants en techniques policières. Le syndicat a su surmonter cette situation en organisant une occupation contre Coca-cola, commanditaire de La Ronde. Victoire incomplète dit-elle, mais on est rentré la tête haute en ajoutant un message d'espoir la clé c'est la mobilisation.

Mario Thibault fait face à une division syndicale importante, entretenue par le patronat entre chauffeurs de compagnie, chauffeurs indépendants . Sans oublier un gouvernement qui ment effrontément en organisant une campagne de désinformation pour dire que les camionneurs affamaient la population de l'Abitibi .

Ce qu'ils ont en commun, c'est la certitude que les victoires s'organisent par l'implication des membres dans la lutte, les victoires ne se gagnent pas d'en haut.

Le militantisme est payant - Buzz Hargrove

Le Forum intersyndical avait invité Buzz Hargrove, président des TCA, pour parler du mouvement de grèves et de manifestations en Ontario en 1998 (les Days of Actions) et pour démontrer l'importance pour les syndicats du privé de s'impliquer dans la défense des services sociaux et des employés qui y travaillent. Il a fait valoir que le militantisme des femmes avait permis d'amener que le 6 décembre soit déclaré, par l'ONU, Journée mondiale contre la violence faite aux femmes, et que le militantisme des étudiants avait permis un gel des frais de scolarité. Les TCA croient en l'organisation d'actions de riposte nous avons organisé 6 occupations d'usines depuis 3 ans et il y en a une présentement contre la fermeture de l'usine de Molson à Barrie qui dure depuis 6 jours .

Hargrove a abordé directement les difficultés encourues dans l'organisation des Days of Actions entre les syndicats qui voulaient se battre et ceux qui étaient disposés à capituler devant l'offensive du patronat .

Secteur public

J'ai mal au front commun - Jocelyne Wheelhouse

Comment tenir une discussion franche, sans chercher de coupables mais en cherchant des réponses alors que nous sommes dans le feu de l'action. Pari risqué, pari réussi pour le Forum intersyndical, qui s'est refusé à attendre la venue d'une mort annoncée, celle du Front Commun, et qui a fait le choix de laisser les militantEs au coeur de l'action échanger, alors que se consument les fruits amers de la division.

Le panel était formé de Jocelyne Fortier, Présidente du Syndicat des travailleuses - travailleurs du CHUM-Pavillon Notre-Dame - CSN, Serge Lalonde, vice-président du Conseil provincial des Affaires sociales du SCFP et Jocelyne Wheelhouse du Syndicat de l'enseignement Ungava-Abitibi-Témiscamingue de la CEQ.

Cette discussion sans politesse feinte, ni attaque gratuite, nous aura permis d'aller au coeur des difficultés actuelles. Jocelyne Fortier a parlé des difficultés de mobiliser une base qui ne se reconnaît pas dans la stratégie , Serge Lalonde a expliqué qu'ils ont obtenu le vote de grève en reconstruisant depuis un an toute la structure des délégués et en expliquant la stratégie à chaque membre après la défaite de la FIIQ et Jocelyne Wheelhouse a déploré le manque de travail de préparation .

Pas étonnant que des participants comme Jean-Marc Piotte concluent que l'on récolte les fruits de 10 ans de partenariat et il poursuit en disant que la bataille n'est pas finie, le PQ plante dans les sondages, Bouchard plante, il faut faire durer la bataille le plus longtemps possible .

D'autres participants ont souligné que les syndicats du secteur public doivent cesser de défendre leur innocence, ils doivent rendre clair que ce sont eux qui défendent la population contre les coupures du gouvernement .

Toutes et tous ont insisté pour dire que les votes de grèves rejetés ne signifient pas que les gens soient prêts à accepter n'importe quoi. Plusieurs ont vu le danger d'une récupération paternaliste par un PQ en chute libre qui ferait quelques concessions de dernière minute histoire de montrer qu'il sait négocier dans la légalité et pour ne pas perdre une base qui se pose de plus en plus de questions sur une alternative politique à construire contre ce parti décidément néolibéral.

* Pour le FORUM INTERSYNDICAL

Président des métiers spécialisés

local 1163, TCA