Pour une école au service de la citoyenneté

 


Entrevue avec Monique Richard



Enseignante au primaire à la deuxième et sixième année, déléguée syndicale en 1970 et vice-présidente à l'exécutif national en 1984, mère de famille de trois enfants, Monique Richard, en tant que présidente des 140 000 membres de la CEQ depuis mai 1999, préfère parler à la première personne du pluriel, exprimant toujours une idée collective. Faisant le point sur les dernières négociations, l'aut'journal l'a rencontrée en février dernier.

A.J0 Quel bilan faites-vous des dernières négociations du secteur public?

Monique Richard0 En amorçant cette négociation, nous avons fait le choix d'être en Front commun pour être le plus nombreux possible à porter nos revendications0 corriger la situation de l'emploi, la question de la précarité, de la sous-traitance et de l'équité salariale. Nous avons réussi à imposer un réinvestissement, notamment dans le secteur de l'éducation, en obtenant un ajout de personnel enseignant et professionnel. Les négociations ont permis d'améliorer le statut d'emploi des précaires et nous avons obtenu une certaine amélioration du pouvoir d'achat avec une augmentation salariale de 9% sur 4 ans. Mais après dix ans de coupures, tout n'est pas réglé pour autant.

La fonction publique a un mandat de leadership pour éradiquer la pauvreté. Les coupures, le manque de service, de ressources et d'emploi font de l'école le lieu où tous les problèmes se retrouvent. Par exemple, il y a des enseignantes et enseignants qui apportent de la nourriture dans les classes pour la donner aux enfants. Voilà la réalité d'aujourd'hui. C'est pourquoi la lutte de la CEQ n'est pas une lutte corporatiste, mais une lutte sociale.

A.J 0 Est-ce que le règlement négocié va remédier aux inégalités hommes/femmes dans le secteur de l'éducation?

Monique Richard0 Un pas a été fait vers l'équité salariale, que ce soit au plan du personnel de soutien, des professionnelles et des enseignantes. Les dossiers ont progressé mais ne sont pas tous réglés. L'équité salariale dans la fonction publique n'est pas une chose acquise. Le gouvernement s'est voté une loi, avec une obligation de résultat d'ici 2001, mais encore faut-il qu'il l'applique. Le travail est à continuer sur bon nombre de types d'emplois.

A.J0 Que pensez-vous de la loi sur l'équité salariale pour l'ensemble des travailleuses au Québec?

Monique Richard0 On a mis en place une coalition pour l'équité salariale deux ans avant l'adoption de la loi. Les syndicats trouvaient majeur d'avoir une loi de cette nature concernant toutes les femmes. C'est un plus pour la société en général. Ce qu'on déplore maintenant, c'est le peu de moyens qu'ont les femmes non organisées pour revendiquer cette équité salariale. Cela concerne plus de 3 200 entreprises du secteur privé au Québec.

A.J0 Est-ce que le syndicalisme d'aujourd'hui tient compte de la réalité des femmes salariées?

Monique Richard0 Le syndicalisme ne tient pas assez compte de cette réalité. À la CEQ, 70% de nos membres sont des femmes et nous avons voté un programme d'accès à l'égalité pour lequel nous allons faire un bilan lors de notre prochain congrès. Pour changer nos pratiques, il va falloir tenir compte de la réalité des femmes, notamment en aménageant les horaires pour protéger la vie familiale, tout en incitant ces dernières à s'impliquer syndicalement.

A.J0 Est-ce que les cours de religion devraient être remplacés par des cours de droit civique et d'histoire sur le mouvement ouvrier?

Monique Richard0 La responsabilité religieuse n'appartient pas à l'école. Nous proposons l'enseignement culturel des religions et l'enseignement à la citoyenneté, qui ouvre un volet sur les droits humains, le syndicalisme et son histoire.

Quand on veut former les citoyennes et les citoyens de demain, il faut qu'ils connaissent l'histoire du mouvement ouvrier qui est un élément de notre histoire. On ne peut plus continuer à enseigner la religion si on veut être une société ouverte, accessible, démocratique et faisant place à la réalité des jeunes. On doit leur apprendre les valeurs de solidarité et de respect dans une école commune.

A.J0 Pensez-vous que la CEQ devrait remettre de l'avant sa bonne vieille revendication0 Pour une journée d'école au service de la classe ouvrière?

Monique Richard0 Les militants parlent encore aujourd'hui de l'impact de ce manifeste. Nous pensons que ce document peut s'adapter à la réalité d'aujourd'hui, vécue par le monde du travail. Nous avons la responsabilité de faire le point avec nos jeunes sur les enjeux de notre société et les réalités sociales. La majorité d'entre eux vivent le phénomène de la pauvreté. Nous faisons des cahiers pédagogiques qui parlent des problèmes sociaux et qui donnent des outils aux enseignantes et enseignants pour faire travailler les jeunes sur leurs problématiques.