Le député Laporte se souvient avoir reçu le prix Cugnet 1995

 


L'aut'journal devant la Commission parlementaire sur la concentration de la presse



Le 1er mars dernier, le magazine Recto-Verso et l'aut'journal comparaissaient devant la commission parlementaire chargée d'examiner la concentration de la presse. Notre mémoire dénonce l'effet de cette concentration sur les médias indépendants et réclame des mesures de soutien de l'État à la presse indépendante. Nous demandons, entre autres, que le gouvernement autorise des fondations, mises sur pied pour recueillir des fonds pour la presse indépendante, à pouvoir émettre des reçus pour fins fiscales comme cela se pratique dans le cas des fondations de charité ou des partis politiques. Dans le cadre du débat qui a suivi notre présentation, nous avons eu cet échange avec le député libéral Pierre-Étienne Laporte qui se souvenait très bien que nous lui avions octroyé le prix Cugnet en 1995.

Le Président (M. Rioux) 0 M. le député d'Outremont.

M. Laporte 0 Merci, M. le Président. Je trouve le mémoire que vous avez présenté conjointement (Recto-Verso et l’aut’journal) fort intéressant, mais j'ai une réserve sur la création d'une fondation. Cette réserve tient au fait que vous êtes idéologiquement partisans, n'est-ce pas, et je ne pense pas que ça soit le rôle de l'État de subventionner la partisanerie et l'idéologie.

Moi, si La Presse est idéologiquement partisane, je cesse de l'acheter. Je fais la même chose pour Le Devoir, je fais la même chose pour le Globe and Mail ou n'importe quel journal. Mais dans le cas de journaux communautaires, le vôtre ou d'autres journaux communautaires, si l'État subventionne une orientation idéologique avec les fonds publics, je trouve que c'est problématique.

Le Président (M. Rioux) 0 M. Dubuc.

M. Dubuc (Pierre) 0 Mais l'État le fait déjà. L'État le fait pour des journaux qui sont idéologiquement branchés. C'était clair dans la transaction entre Unimedia et Power Corporation. M. Black a dit qu'il ne vendrait pas au groupe Vaugeois à cause de ses orientations politiques. Il a préféré que ça demeure fédéraliste comme option. Vous avez une situation, aujourd'hui, où toute la presse d'opinion, sauf Le Devoir, est clairement fédéraliste. Vous avez lu la série de huit articles d'Alain Dubuc sur la langue, là, il me semble que c'était assez orienté idéologiquement. Vous n'avez pas le choix d'arrêter de l'acheter ou pas, vous n'en avez pas d'autres. Le National Post a été créé pour soutenir l'Alliance canadienne. Toute l'histoire des journaux au Canada le prouve 0 les journaux ont toujours été orientés politiquement.

Le gouvernement les soutient actuellement, ne serait-ce que par l'espace publicitaire qu'il achète dans leurs pages, ou encore par les déductions fiscales qu'il accorde aux entreprises pour l'achat de publicité. C'est une subvention indirecte qui peut s'élever jusqu'à 46 % du coût des dépenses en publicité qui représentent des millions de dollars.

Ce que nous disons, c'est qu'avec l'aide gouvernementale par le biais d'une fondation pouvant émettre des reçus pour fins de déduction fiscale, chaque journal sera obligé de faire lui-même sa propre campagne de levée de fonds. S'il n'en fait pas, s'il ne représente aucun courant d'opinion dans la population, si personne ne le soutient, ça va tomber et ça ne coûtera pas cher au gouvernement

Le Président (M. Rioux) 0 Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte 0 Moi, je suis très conscient de ce que vous dites. C'est sûr que les journaux ont des orientations, mais dans votre cas, ça va un petit peu plus loin que ça. Par exemple, en 1995, vous m'avez attribué le prix de la traîtrise, à l'aut'journal, pour une déclaration que j'ai faite alors que j'étais président du Conseil de la langue française. Vous savez ce que c'est, le prix de la traîtrise ? C'est-à-dire c'est le prix Cugnet ?

Une voix 0 Cugnet ?

M. Laporte 0 Oui. Peut-être que mes collègues ignorent qui était ce monsieur, bien c'est lui qui a accompagné les troupes de Wolfe lorsqu'elles ont monté sur les plaines d'Abraham pour la bataille de l'année de 1759. Donc, ça, c'est presque de la censure idéologique, là. Le Devoir ne m'a accordé aucun prix à ce titre-là.

Une voix 0 Absolument.

M. Laporte 0 Enfin, donc, j'ai une réserve, parce que je pense que c'est plus qu'une orientation, vous défendez une idéologie. Dans ce sens-là, moi, je n'ai rien contre l'idéologie que vous défendez. J'ai une réticence à imaginer que – je ne parle pas de vous en particulier, là – l'État, d'une façon ou de l'autre, subventionne la partisanerie idéologique. Ça, ça m'apparaît comme très problématique.

Le Président (M. Rioux) 0 Alors, qui répond à ça ? M.Amyot ou M. Dubuc ?

M. Dubuc (Pierre) 0 Je pense qu'on a été attaqués. On peut répondre ?

Le Président (M. Rioux) 0 Oui, oui, allez, monsieur.

M. Dubuc (Pierre) 0 Le prix Cugnet, peut-être que vous le méritiez à ce moment-là ! Ça peut se discuter. Vous auriez pu répondre. On aurait publié votre réponse dans les pages du journal. Si vous regardez les journaux ailleurs dans le monde, je pense qu'on est très en deçà de ce que fait le Canard enchaîné en France, qui est un journal indépendant.

Vous dites « partisanerie politique ». Si vous le prenez dans le sens d' « appui à un parti politique», non, on n'appuie pas de parti politique. Mais je pense que c'est ce qui manque au Québec, des journaux d'opinion, des journaux d'idées, des journaux de polémiques. Est-ce qu'on va renier Olivar Asselin ?

M. Laporte 0 Non, mais j'ai...

M. Dubuc (Pierre) 0 Je pense qu'on est très en deçà de ce qu'il écrivait comme polémique.

M. Laporte 0 Oui, mais il faut me comprendre, M. le Président. Moi, je suis un partisan d'une liberté absolue, sauf avec des limites très, très, très limitées. Ce n'est pas ce dont on parle. Je dis que vous êtes un journal... Vous avez le droit de le faire, ça vous regarde. Mais il reste que vous êtes un journal qui a une orientation partisane et qui utilise cette orientation partisane à des fins de contrôle politique. C'est vrai, peut-être que j'aurais pu vous écrire pour vous, disons, manifester mon opposition. Je l'ai fait dans certains cas pour des journaux qui m'ont attaqué sur d'autres terrains. Mais, dans ce cas-là, je trouvais que c'était une côte pas mal difficile à remonter.