Les soins à domicile passent sous la coupe du privé

Les compagnies d’assurances s’emparent du marché

Monique Jérôme-Forget, présidente du Conseil du Trésor, encourage le partenariat privé-public dans les soins à domicile pour faire face à la demande québécoise. Déjà, les agences privées et les compagnies d’assurance se sont emparé de ce nouveau marché en proposant une multitude de services.

Toutefois, en ce qui concerne les soins proprement médicaux à domicile, Jacques Fournier, organisateur communautaire dans un CLSC, affirme que « les soins sont assurés par des infirmières du secteur public, à titre gratuit et, pour le moment, nous n’avons pas de souci de ce côté-là ». Le manque de personnel de la santé des CLSC se situerait davantage dans les domaines de la physiothérapie et de l’ergothérapie. Dans ces cas précis, les personnes n’ont pas d’autres choix que de se tourner vers les entreprises privées et de prendre une assurance santé à cet effet, étant donné le prix de ces services.

Implantée à Longueuil, Servir Plus fait partie de ces entreprises privées qui dispensent des soins infirmiers à domicile pour les personnes en perte d’autonomie et réalisent des bilans de santé à domicile dans toute la province. Cette agence assure également un service de soutien à domicile (exécution des tâches quotidiennes, des soins d’hygiène, préparation de repas, déplacement, accompagnement, gardiennage), ce qui entre en concurrence avec le travail des auxiliaires familiales et sociales des CLSC et des entreprises d’économie sociale en aide à domicile.

Le secteur privé est donc en train de s’installer dans différents domaines de services à domicile, dont les soins médicaux et les aides domestiques, où il y a une grande demande de la part de la population québécoise.

Le développement des agences privées inquiète le personnel de la santé quant à la qualité des soins et du traitement envers les patients. Nicole Boudreau de l’Union québécoise des infirmières et infirmiers (CSQ) souligne à ce sujet que « les soins prodigués dans les CLSC avaient une dimension pluridisciplinaire. Si on s’apercevait qu’un patient avait besoin d’autres soins, on le transférait à un autre service, ce qui n’est pas possible dans le cadre des agences privées ».

Nicole Boudreau évoque aussi le fait que « les soins intimes doivent être assurés par le réseau public pour garantir une norme de qualité, car les agences privées n’ont pas de régie de qualité comme les CLSC ». Elle ajoute que « l’intérêt des agences privées ne tourne qu’autour du profit et c’est pour cette raison qu’il est plus facile de passer outre les paramètres ». Il ne faut pas oublier que les entreprises privées paient les infirmières directement. Il n’y a donc pas de liens avec d’autres réseaux de la santé.

Les coûts pour les particuliers sont difficilement abordables. Aussi, les agences ont développé des liens de partenariat avec des compagnies d’assurance afin de rendre leurs services plus accessibles et augmenter leur clientèle. Servir Plus, par exemple, recommande des compagnies d’assurance comme la Croix bleue, la Survivance et Mondiale Assistance alors que d’autres plus populaires et plus avantageuses pour les faibles revenus comme Desjardins et Great West ne sont pas mentionnées.

Les compagnies d’assurances se sont donc emparées de ce nouveau marché et offrent des programmes comprenant les soins et l’assistance à domicile. Ces derniers sont remboursés à 100 %, s’ils ne dépassent pas 70 $/jour, mais pour des primes mensuelles oscillant entre 26 $ et 46 $, dépendamment du marché et de l’étendue de la formule choisie.

Comment en est-on arrivé là ? Le virage ambulatoire, en vigueur depuis 1996, n’a pas eu les effets escomptés. En effet, les objectifs initiaux du virage ambulatoire étaient de réduire la durée de certaines hospitalisations, d’augmenter le nombre et la disponibilité des lits de soins de longue durée et diminuer les soins hospitaliers au profit des soins à domicile.

D’après une étude sur les incidences du virage ambulatoire, réalisée notamment par Denyse Côté et Éric Gagnon en 1998, « ces objectifs correspondent au vieillissement de la population et au besoin d’une meilleure répartition des services ». Toutefois, même si les spécialistes médicaux passent plus de temps à dispenser des soins de santé à domicile que dans les années précédentes, la demande n’est pas comblée. L’étude stipule que les restrictions budgétaires n’ont pas permis d’atteindre les objectifs du virage ambulatoire. Cette situation a ainsi favorisé le recours aux agences privées pour satisfaire la demande.