Le président Préval leur doit une fière chandelle

Heureusement que les Brésiliens et les Chiliens étaient là

Le 16 février dernier, neuf longs jours après le vote, le Conseil électoral provisoire (CEP) annonce enfin la victoire de René Préval à la présidence d’Haïti !

Mais, heureusement, nous dit Pablo Biffi, du quotidien argentin Clarin, que le Brésil faisait partie de la mission d’observation des élections et qu’il était responsable de la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH); heureusement aussi que les chiliens Juan Gabriel Valdes et Miguel Insulza dirigeaient respectivement la MINUSTAH et l’Organisation des États américains.

L’article de Clarin (18 février) raconte les événements de la nuit du 15 au 16 février ayant mené à la décision d’accorder la victoire à René Préval dès le premier tour des élections même s’il n’avait pas officiellement franchi la barre des 50 % des voies obtenues, comme le veut la constitution haïtienne.

Dès le début, dit Biffi, le Brésil voulait absolument éviter un second tour par crainte de prolonger l’incertitude de plusieurs semaines alors qu’un mort dans les rues, de nombreuses preuves de manipulation du vote et des manifestations qui s’amplifiaient, laissaient craindre le pire.

Une rencontre avec le plus proche adversaire de René Préval, Leslie Manigat, se soldait d’abord par l’entêtement de celui-ci, insensible à l’argument que le vainqueur n’était qu’à un point des 50 % tout en ayant 37 points d’avance sur ce même Manigat (48.7 % contre 11.7 %).

Celui-ci s’accrochait au respect de la loi électorale, disant que c’était justement là ce que la «communauté internationale» exigeait d’Haïti.

« Bien sûr, nous dit Biffi, Manigat n’agissait pas par pureté institutionnelle mais par intérêts bien concrets ». En fait, le patronat et les secteurs opposés à l’ex-président Aristide espéraient un second tour, sachant qu’il allait mettre le feu aux poudres et leur donner leur unique chance de vaincre René Préval.

Selon Pablo Biffi, Manigat avait l’appui du « Groupe des 184 » (patrons et organisations sociales qui ont joué un rôle clé dans la chute de Jean-Bertrand Aristide) de même que du G-9, neuf candidats liés à l’establishment qui, en cas de second tour, s’étaient promis un appui mutuel et de « tout faire » pour éviter le triomphe de Préval qu’ils accusent d’être un allié du parti d’Aristide, Lavalas.

Manigat comptait aussi « sur l’appui de la France, pays influent en tant qu’ex-puissance coloniale et qui a un contentieux historique avec Préval et tout ce qui touche à Aristide ».

Les Chiliens Insulza et Valdés, poursuit Biffi, se sont alors adressés au CEP où une autre bataille allait s’engager:

« Le conseil électoral était formé de neuf membres et d’un directeur général, tous “ indépendants ” représentants la «société civile», c’est-à-dire les patrons et l’establishment, et aucun d’eux partisan du parti Lavalas. »

Le CEP avait déjà repoussé les élections à quatre reprises, alléguant un manque de sécurité. En réalité, selon des sources diplomatiques qui ont parlé à Clarin, il s’agissait d’éviter des élections que René Préval ne pouvait que remporter.

Biffi révèle que les discussions avec le CEP furent « sauvages ». Un membre en aurait menacé un autre, disant: « Tu sais quoi ? Cette nuit, j’ai rêvé qu’une balle entrait dans ta tête ! »

Désireux de sauver « sa » MINUSTAH, le Brésil aurait, de loin, effectué les pressions les plus fortes. Les États-Unis, pour leur part, se seraient contentés d’adopter un « profil bas » de même que le Canada qui dirigeait la mission internationale d’observation des élections !

Pourtant les électeurs les plus pauvres devaient marcher des kilomètres pour aller voter suite à la décision du CEP de centraliser les bureaux de vote.

De nombreux bureaux de vote n’ont finalement été ouverts qu’après plusieurs heures de retard dans les banlieues de Port-au-Prince dans le but de décourager les supporteurs de René Préval d’aller voter.

Selon les observateurs internationaux autres que le Canada, on a constaté un nombre anormalement élevé de votes blancs (annulés ou non valides).

Sans parler des milliers de votes (en grande majorité destinés à René Préval) qu’on a trouvés dans une décharge à ordure, au nord de Port-au-Prince. Huit jours après le vote, le 15 février, des boîtes de scrutin provenant des écoles Sainte-Trinité et Carrefour-Feuilles, entre autres bureaux de vote, arrivaient encore au CEP et aucune explication n’était fournie pour expliquer les délais.

Manigat et le CEP furent finalement « convaincus » d’appliquer ce qu’on appelle le « système belge » où les votes blancs sont comptés mais répartis proportionnellement entre tous les candidats. René Préval se trouvait alors avec 51,15 % du suffrage, un second tour d’élections était évité et, nous dit Clarin, « Leslie Manigat était et est toujours furieux ».