La Chine, la Russie et l’Iran font des manœuvres militaires

Pendant que la France, l’Allemagne et la Turquie se mobilisent

Le déploiement des forces de l’OTAN et des États-Unis se déroule présentement en deux théâtres d’opérations distincts : le Golfe persique et la Méditerrannée orientale.

L’armada navale dans le golfe persique est en grande partie sous commandement américain, avec la participation du Canada. Les groupes de combat du USS Enterprise, du USS Eisenhower et du groupe Iwo Jima (Expeditionary Strike Group) sont maintenant déployés depuis le 20 octobre dans le Golfe persique et la Mer d’Arabie, en face de la côte iranienne.

La militarisation de la région de la Méditerrannée orientale sur terre et sur mer est sous le contrôle de plusieurs pays de l’OTAN incluant la France, l’Allemagne et la Turquie. Cette escalade militaire est conduite derrière la facade d’une mission de maintien de la paix de l’ONU (la FINUL) à la suite de la Résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans ce contexte, la guerre contre le Liban doit être vue comme une étape d’une feuille de route militaire américaine plus large qui vise la Syrie.

En septembre, l’Allemagne a détaché une flotte de huit bateaux, incluant deux frégates, avec jusqu’à 2400 soldats à bord. La marine allemande fonctionnera à partir du port chypriote de Limassol, situé à moins de 100 km de la côte libano-syrienne. La force navale multinationale basée à Chypre pourrait éventuellement servir à mettre en oeuvre un blocus économique à l’endroit de la Syrie.

Au début octobre, la Turquie a dépêché plusieurs vaisseaux de guerre, qui se se sont joints à la force navale multinationale sous commandement allemand. Alors que la Turquie participe à la FINUL, elle est aussi un proche allié d’Israël. Des vaisseaux de guerre grecs, italiens, bulgares ont été envoyés au large de la côte libanaise.

La France a envoyé des véhicules blindés et des unités d’infanterie.

La nature des équipements militaires et des systèmes d’armement déployés n’a pas grand chose à voir avec le « maintien de la paix ». De plus, l’OTAN a établi un partenariat militaire avec Israël en 2005 qui, en pratique, force les membres de l’OTAN impliqués au Liban à collaborer pleinement avec Israël. En date du 16 octobre, Israël et l’OTAN ont signé un accord cadre de coopération militaire qui permet d’intégrer de facto Israël dans l’opération navale au large de la côte libanaise, sous commandement allemand. Israël se voit de la sorte intégrée au forces de FINUL, dont le mandat consiste à mener des « opérations antiterroristes ».

L’escalade navale pourrait être coordonnée avec d’éventuelles attaques aériennes contre l’Iran. Les plans qui ont trait aux attaques aériennes furent élaborés au milieu de l’année 2004 dans le cadre du CONPLAN 8022. Les attaques aériennes contre l’Iran impliqueraient un blitzkrieg « choc et stupeur » d’une ampleur similaire à la guerre aérienne de 2003 contre l’Irak.

En novembre 2004, le US Strategic Command s’est livré à plusieurs exercices majeurs d’un « plan global de frappe » intitulé « Global Lightening ». Il mettait en cause une attaque simulée avec des armes tant conventionnelles que nucléaires contre un « ennemi fictif » (l’Iran). À la suite de l’exercice, le US Strategic Command s’est déclaré en état de préparation avancée.

CONPLAN est le plan opérationnel lié au plan global de frappe. Il est décrit comme « un plan que la marine et les forces aériennes transposent en plan de frappe pour leurs sous-marins et bombardiers ».

Le recours à des armes nucléaires tactiques est considéré dans le CONPLAN comme faisant partie de la doctrine de « guerre préventive » de Bush. En mai 2004, la directive présidentielle de sécurité nationale NSPD 35, intitulée Autorisation de déploiement d’armes nucléaires, était émise. Même si son contenu demeure confidentiel, on présume que NSPD 35 concerne le déploiement d’armes nucléaires tactiques dans le Moyen-Orient, en concordance avec le CONPLAN.

L’Iran se prépare à faire face à une attaque américaine. En réponse aux préparatifs militaires de l’OTAN et des Etats-Unis, l’Iran s’est livré à des exercices de guerre de grande envergure à travers son territoire.

De plus, comme l’ont rapporté les médias occidentaux, la Chine et la Russie se sont livrés à des exercices militaires en Asie centale, en collaboration avec leurs partenaires. À la fin septembre, la Russie a mis en œuvre des exercices de guerre aériens sur une grande portion de son territoire, à partir de la Volga jusqu’aux frontières de l’Alaska et de l’Amérique du Nord. Ces exercices militaires ont d’ailleurs provoqué le décollage d’urgence des chasseurs de NORAD.

D’autres manœuvres militaires avec la participation de la Russie, du Kazakhstan, du Kyrgystan et du Tajikistan, sous les auspices de l’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), ont été lancées en août. Ces exercices, officiellement décrits comme faisant partie d’un « programme contre-terroriste », ont été tenus à peine une semaine avant ceux de l’Iran.

Presque à la même période, soit au mois d’août, la Chine et le Kazakhstan ont aussi tenu des exercices militaires dans le cadre de l’Organisation de coopération de ShanghaÇi (OCS). L’Iran est un membre observateur à l’OCS. À la fin septembre, la Chine et le Tajikistan ont tenu un exercice militaire conjoint, dont le nom de code était « Coopération-2006 », selon un memorandum signé par les deux gouvernements. Le Tajikistan partage une frontière de 500 km avec l’Afghanistan. Ces déploiements militaires concernent directement la présence militaire des Etats-Unis et de l’OTAN dans l’Afghanistan voisine.

Au début du mois d’octobre, dans le dernier round de manœuvres militaires en Asie centrale sous les auspices de l’OTSC, des exercices conjoints réunissant la Russie et le Kyrgystan ont été organisés à la base aérienne russe de Kant, à 30 km de la capitale kyrgyse. Officiellement décrits comme un entraînement anti-terroriste, ces exercices militaires mettraient en cause le déploiement des forces spéciales des deux pays. Des hauts-gradés russes et même le ministre de la Défense Sergei Ivanov étaient présents.

Par ailleurs. à la fin du mois de septembre, la Russie a également tenu des exercices militaires au Daguestan, impliquant la 136e brigade. L’exercice tenu au terrain d’entraînement Buynakskiy postulait l’attaque de la Russie par un État étranger anonyme. Selon un des rapports de presse russe, « compte tenu de l’ampleur de l’attaque envisagée, cela pouvait être comparé à la Seconde Guerre mondiale ».

Toujours au début du mois d’octobre, la télévision biélorusse annonçait que la Biélorussie et la Russie tiendraient des sessions d’entraînements pour les corps de commandement des deux pays, dans une optique de coordination de leurs activités militaires.

Au total, la signification de ces exercices militaires doit être évaluée en relation avec les exercices russes, chinois et iraniens tenus depuis la fin août.

Ces exercices militaires ne sont pas des événemnents isolés. Ils font partie d’un projet minutieusement conçu en réponse à l’escalade militaire des Etats-Unis et de l’OTAN. Ils visent à démontrer les capacités militaires des pays en question et à décourager une action militaire américaine.

Les exercices de l’OCS et de l’OTSC doivent aussi être examinés en relation avec la structure des alliances militaires. Tant la Russie que la Chine sont des alliées de l’Iran, au sein des accords de coopération militaire. La Chine et la Russie sont des acteurs majeurs dans le pétrole de l’Asie centrale et du bassin de la mer Caspienne. Ils ont aussi des accords de coopération économique avec l’entreprise pétrolière d’État iranienne.