Un brûlot indigne d’un travail de session d’étudiant

La défiscalisation des entreprises au Québec est un mythe

J’ai eu droit récemment à beaucoup d’honneur : l’économiste Pierre Fortin, un des douze lucides, et deux fiscalistes de l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, ont pondu le 5 octobre 2006 un document intitulé : « La défiscalisation des entreprises au Québec est un mythe », travail de bras qui avait pour objectif premier de me discréditer.

Ces universitaires, qui constituent le bras armé idéologique du patronat, voulaient démolir les conclusions de notre étude produite au mois de mars 2006 et intitulée «L’autre déséquilibre fiscal : le déplacement du fardeau fiscal des compagnies vers les particuliers au cours des dernières décennies », recherche effectuée en collaboration avec le professeur Michel Bernard et les chercheurs de la Chaire d’études socio-économiques de l’UQAM Marc Hasbani et Gabriel Ste-Marie.

Franchement, vouloir me couper le clapet avec un tel brûlot, même pas digne d’un travail de session d’étudiants à l’école de secrétariat moderne, c’est carrément insultant.

Qu’à cela ne tienne, ils ont trouvé grâce, comme toujours, auprès des leurs, composés du patronat, de leurs médias écrits, comme La Presse et le journal Les Affaires et de leurs éditorialistes chéris. Par exemple, l’éditorialiste de la grosse Presse à Power Corp., Michèle Boisvert, a consacré le 6 octobre 2006 un texte d’apologie faisant plus d’une demi-page avec, en prime, une grosse photo de l’éminent Pierre Fortin, conjoint de la grande boss à Télé-Québec, intitulé : «Déboulonner un mythe ». Vous allez voir, et ce sans trop me creuser les méninges, que je vais décramponner les mythes véhiculés par Pierre et sa journaliste.

Ladite journaliste n’a relevé aucune faille dans le travail de Pierre Fortin, seulement du génie. Nous n’avons pas eu autant d’égards quand notre étude a été rendue publique en mars 2006. Même qu’au cours des dix dernières années, aucune de mes opinions n’a été publiée dans ledit journal alors que pour mon collègue de l’UQAM, Pierre Fortin, ils en ont publié plusieurs, sans compter les nombreuses entrevues accordées sur tout et sur rien. Le chanceux.

Que dire aussi de Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir, qui s’est pâmé devant l’œuvre de Pierre Fortin et cie en pondant un éditorial le 10 octobre 2006 intitulé : « Qui doit payer ? ». Jean-Robert s’est même permis de me crier des noms dans son papier. Venant de tels individus, je les prends vraiment comme des compliments.

Enfin, le summum de l’éloge pour Fortin et ses adjoints est venu le 14 octobre 2006 alors que leur étude a fait l’objet de la citation de la semaine dans le journal Les Affaires. Maudits chanceux ! Toujours les mêmes qui ont droit à tous les honneurs et à tous les éloges. C’est sûr que ça fait des jaloux !

Au niveau de l’originalité, il faudra repasser, car Pierre Fortin et ses p’tits amis n’ont fait que répéter ce que les organismes patronaux et leur suite royale n’ont de cesse de radoter depuis toujours, et encore récemment, comme l’étude effectuée par la Fédération des chambres de commerce du Québec au mois de juillet 2006 et intitulée : « Réflexion sur la situation fiscale des entreprises au Québec », comme l’opinion de la vice-présidente du Conseil du patronat du Québec publiée dans La Presse du 23 octobre 2005 et intitulée : « Une toute autre réalité : Le Québec n’est pas un paradis fiscal pour les entreprises », comme la chronique de l’ineffable Claude Picher de La Presse du 18 octobre 2005 intitulée : « Le Québec et la fiscalité des entreprises », comme aussi le très touchant article du 24 février 2004 de Rudy Le Cours de La Presse intitulé : « Ras-le-bol des manufacturiers québécois : les entreprises sont lasses de se faire dire qu’elles sont trop gâtées » et, enfin, comme la dernière virulente sortie de la Chambre de commerce du Québec et de sa présidente Françoise Bertrand qui s’en est prise, le 10 octobre 2006, à l’immobilisme et à l’enfer fiscal des entreprises du Québec.

Toutes ces très honorables personnes misent sur le fait qu’à force de répéter les mêmes menteries, les gens en viendront à les croire. Vous avez une grosse côte à remonter, car un sondage mené en mars 2005 par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, d’où proviennent ironiquement les deux chercheurs associés de Pierre Fortin, démontre qu’à la question : « Dites-moi si, à votre avis, les grandes entreprises paient trop, assez ou pas assez d’impôts ? », une forte majorité de Québécois (76 %) considèrent que les grandes entreprises ne paient pas assez d’impôt. Seulement 4 % des individus croient au contraire que le gouvernement impose trop ces entreprises. Ces commentaires furent recueillis dans l’étude même desdits chercheurs à la note 3 au bas de la page 1.

Bizarre tout de même qu’aucun média écrit n’ait épilogué sur ledit sondage. Le message est clair, on ne dit rien sur ce qui pourrait porter ombrage à nos compagnons corporatifs. Qu’il fait bon de constater que les gens ne se laissent pas berner si facilement par de telles énormités.

Comme je l’ai dit, le but premier de l’étude de Pierre Fortin et ses adjudants était de démolir drette là les constatations de notre étude afin de nous discréditer à tout jamais. C’est avec une étude qui relève du pathétisme et d’une approche à la fois malhonnête et tordue qu’ils ont bien essayé de nous faire la leçon et vous « brainwasher » une fois de plus. L’élément majeur de notre recherche était de démontrer qu’au fil des ans les gouvernements ont déplacé le fardeau fiscal des compagnies vers les particuliers avec l’aide de tableaux et de chiffres émanant de Statistique Canada, du ministère des finances du Québec, de l’Institut de la statistique du Québec.

Bizarre, dans leur travail, ils ne disent absolument rien sur ledit déplacement fiscal des compagnies vers les individus, pourtant le point central de notre recherche, pour plutôt se concentrer uniquement sur les impôts et les taxes payés par « leurs » compagnies. Puis, on traitait autant de la fiscalité fédérale et provinciale; eux ont préféré traiter principalement de la fiscalité des compagnies au Québec.

Si on a tout faux comme ils le prétendent, ils n’avaient qu’à corriger nos tableaux « erronés ». Mais non, ils ont préféré préparer leurs petites analyses, surtout des graphiques, tordus afin d’arriver à leurs fins. Par exemple, leur premier tableau inclut les impôts sur le revenu versés par les entreprises au fédéral et au provincial, la taxe sur le capital du Québec et toutes les cotisations sociales sur la masse salariale (Fonds des services de santé du Québec, régimes de retraite publics du Québec et du Canada, Régime d’assurance-emploi et la commission de la santé et de la sécurité au travail).

Il y a juste un petit hic. La taxe sur le capital et toutes les cotisations sociales sur la masse salariale versées et apparaissant dans leur tableau incluent non seulement celles payées par les entreprises privées mais bel et bien celles versées par le public, c’est-à-dire par les gouvernements eux-mêmes, les sociétés d’État, les commissions scolaires, les municipalités, les hôpitaux, les universités, les organismes sans but lucratif, c’est-à-dire tout le secteur public et parapublic. De plus, ils incluent des trucs, comme les régimes de retraite public et la CSST qui ne sont même pas versés aux gouvernements.

En plus, eux-mêmes admettent à la page 16 de leur étude que : « Il est vrai que les cotisations sociales des entreprises sont souvent considérées par les entreprises (sic) comme des éléments de la rémunération globale plutôt qu’un élément de fiscalité ». Qu’à cela ne tienne, il ne fallait surtout pas s’embarrasser de telles limites.

Nous verrons dans mon prochain article d’autres petites entourloupettes, car quand il faut dramatiser, tous les moyens sont bons !