Instaurer la démocratie en Libye n’est qu’un prétexte

Une invasion planifiée qui fait partie de la bataille du pétrole

Les États-Unis et l’OTAN appuient une insurrection armée dans l’est de la Libye dans le but de justifier une « intervention humanitaire ». Il ne s’agit pas d’un mouvement de protestation non violent comme ceux de l’Égypte et de la Tunisie. Les conditions en Libye sont fondamentalement différentes. L’insurrection armée dans l’est de la Libye est directement soutenue par des puissances étrangères. Les insurgés à Benghazi ont immédiatement hissé la bannière rouge, noire et verte avec le croissant et l’étoile : le drapeau de la monarchie du roi Idris, symbolisant le règne des anciennes puissances coloniales.

Les conseillers militaires et les Forces spéciales des États-Unis et de l’OTAN sont déjà sur le terrain. L’opération a été planifiée pour coïncider avec les manifestations dans les pays arabes voisins. On a fait croire à l’opinion publique que le mouvement de protestation s’est étendu spontanément de la Tunisie à l’Égypte et ensuite à la Libye.

L’administration Obama en consultation avec ses alliés assiste une rébellion armée, à savoir, une tentative de coup d’État :

« L’administration Obama reste prête à offrir tout type d’assistance au Libyens cherchant à déloger Mouammar Kadhafi, a affirmé la secrétaire d’État Hillary Clinton (le 27 février). Nous avons contacté de nombreux Libyens de différents horizons qui tentent de s’organiser à l’est et à l’ouest, à mesure que la révolution avance également dans cette direction. Je crois qu’il est trop tôt pour dire comment cela va se dérouler, mais les États-Unis seront prêts et préparés à offrir tout type d’assistance souhaitée. Dans la partie est du pays, là où la rébellion a débuté au milieu du mois, les efforts visant à former un gouvernement provisoire sont en branle. »

Clinton a affirmé que les États-Unis menacent de prendre d’autres mesures contre le gouvernement de Kadhafi, mais n’a pas mentionné leur nature ou quand elles seraient annoncées.

Une intervention militaire est maintenant envisagée par les forces des États-Unis et de l’OTAN en vertu d’un « mandat humanitaire ».

« Les États-Unis sont en train de repositionner leurs forces navales et aériennes dans la région pour préparer leur gamme complète d’options à l’égard de la Libye : c’est ce qu’annonce hier (mardi 1er mars) le porte-parole du Pentagone, le colonel de marines Dave Lapan. Il a ainsi dit que c’est le président Obama qui a demandé aux militaires de préparer ces options, car la situation en Libye empire. »

Le véritable objectif de l’« Opération Libye » n’est pas d’instaurer la démocratie mais de prendre possession des réserves de pétrole du pays, de déstabiliser la Compagnie pétrolière nationale de Libye (CPN ou NOC en anglais) et de privatiser tôt ou tard l’industrie pétrolière du pays, c’est-à-dire transférer le contrôle et la propriété de la richesse pétrolière libyenne dans des mains étrangères. La CPN est au 25e rang des 100 compagnies pétrolières les plus importantes.

La Libye est l’une des plus importantes économies pétrolières au monde, avec approximativement 3,5 % des réserves mondiales de pétrole, plus du double de celles des États-Unis.

L’invasion planifiée de la Libye, laquelle est déjà en cours, fait partie de la plus vaste « bataille du pétrole ». Près de 80 % des réserves pétrolières de la Libye se situent dans le bassin du golfe de Syrte, dans l’est du pays.

Les hypothèses stratégiques derrière l’« Opération Libye » évoquent les engagements militaires des États-Unis et de l’OTAN en Yougoslavie et en Irak.

Le scénario stratégique consisterait à faire des pressions en faveur de la formation et de la reconnaissance d’un gouvernement intérimaire dans la province sécessionniste dans le but de faire éclater le pays tôt ou tard.

Cette option est déjà en cours. L’invasion de la Libye a déjà débuté.

« Des centaines de conseillers militaires états-­uniens, britanniques et français sont arrivés en Cyrénaïque, la province séparatiste de l’est de la Libye [...] Les conseillers, incluant des agents du renseignement, sont débarqués des navires de guerre et des bateaux lance-missiles dans les villes côtières de Benghazi et Tobrouk. » (DEBKAfile, US Military Advisers in Cyrenaica, 25 février 2011)

Les États-Unis et les Forces spéciales alliées sont sur le terrain dans l’est de la Libye et fournissent un appui clandestin aux rebelles. Cela a été admis lorsque des commandos des Forces spéciales SAS britanniques ont été arrêtés dans la région de Benghazi.

Les forces SAS ont été arrêtées alors qu’elles escortaient une « mission diplomatique » britannique entrée au pays illégalement (sans aucun doute à bord d’un navire de guerre britannique) pour discuter avec les chefs de la rébellion. Le Foreign Office britannique a admis qu’« une petite équipe diplomatique britannique [avait été] envoyée dans l’est de la Libye pour prendre contact avec l’opposition soutenue par des rebelles ». (U.K. Diplomatic Team leaves Libya - World - CBC News, 6 mars 2011).

Ironiquement, les reportages confirment non seulement une intervention militaire occidentale (comprenant des centaines de forces spéciales), ils reconnaissent également que la rébellion était fermement opposée à la présence illégale de troupes étrangères en sol libyen.

Des armes sont fournies aux forces de l’opposition et cela est confirmé par des déclarations des États-Unis et de l’OTAN. Malgré l’absence de preuves établies à ce jour, des signes indiquent que des armes ont été livrées aux insurgés avant l’attaque contre la rébellion. Selon toute probabilité, des conseillers militaires et du renseignement des États-Unis et de l’OTAN étaient également sur le terrain avant l’insurrection. C’est le modèle appliqué autrefois au Kosovo : des forces spéciales ont entraîné et soutenu l’Armée de libération du Kosovo (ALK) dans les mois précédant la campagne de bombardement et l’invasion de la Yougoslavie en 1999.

Le mouvement d’opposition est fortement divisé sur la question d’une intervention étrangère. Il y a division entre le mouvement populaire et les « chefs » de l’insurrection armée appuyée par les États-Unis et favorisant une intervention militaire étrangère « pour des raisons humanitaires ». La majorité des Libyens, à la fois les opposants et les partisans du régime, sont fermement opposés à toute forme d’intervention extérieure.

Les objectifs stratégiques plus vastes sous-jacents à l’invasion proposée de la Lybie ne sont pas mentionnés par les médias. À la suite d’une campagne médiatique trompeuse, où les nouvelles ont littéralement été fabriquées sans que l’on rapporte ce qui se passait sur le terrain, un large secteur de l’opinion publique internationale a accordé son appui indéfectible à une intervention pour des raisons humanitaires.

L’invasion est sur la planche à dessin du Pentagone. On prévoit la mettre en œuvre sans tenir compte des demandes de la population libyenne, y compris les opposants du régime qui ont exprimé leur aversion pour une intervention militaire étrangère dérogeant à la souveraineté de la nation.

Si l’intervention militaire était mise à exécution, elle entraînerait une guerre totale, une blitzkrieg, impliquant le bombardement de cibles militaires et civiles.

À cet égard, le commandant du Commandement central états-unien (USCENTCOM), le général James Mattis, a suggéré que l’implantation d’une « zone d’exclusion aérienne » impliquerait de facto une campagne de bombardement extrême ciblant entre autres le système de défense antiaérienne libyen.

Une puissance navale massive des États-Unis et des alliés a été déployée le long de la ligne de côte libyenne. Le Pentagone envoie ses navires de guerre vers la Méditerranée. Le porte-avions USS Enterprise avait pour sa part transité par le canal de Suez dans les jours qui ont suivi l’insurrection. Les navires d’assaut amphibies des États-Unis, l’USS Ponce et l’USS Kearsarge, ont également été déployés en Méditerranée.

Quatre cents Marines états-uniens ont été envoyés sur l’île de Crète en Grèce « avant d’être déployés sur des navires de guerre partant pour la Libye ».

Pendant ce temps, l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, le Canada et l’Italie sont en train de déployer des navires de guerre le long de la côte libyenne.

Entre-temps, la 17e Force aérienne états-unienne dénommée US Air Force Africa, située sur la base aérienne de Ramstein en Allemagne, aide à l’évacuation de réfugiés. Les forces aériennes des États-Unis et de l’OTAN en Grande-Bretagne, en Italie, en France et au Moyen-Orient sont en attente.

Traduit par Julie Lévesque pour Mondialisation.ca

Ce texte a été mis en ligne le 7 mars, sur le site de Mondialisation.ca, soit 12 jours avant le début de l’intervention des forces de la Coalition.