L’interculturalisme est une imposture anti-laïque

La stratégie de la diversité culturelle est une diversion

En mars dernier, dans une entrevue au journal le Devoir, Gérard Bouchard affirmait que le débat sur la laïcité piétine, qu’un consensus semble impossible et qu’il conviendrait d’élargir ce débat en parlant d’interculturalisme. Deux mois plus tard, lors du Symposium international sur l’interculturalisme organisé par Gérard Bouchard et son église, ce dernier réclamait du gouvernement, une loi sur l’interculturalisme.

Coïncidence ou non, les jeunes libéraux, réunis en congrès au mois d’août, réclament pour leur part, une loi pour définir la laïcité ouverte et demandent à Jean Charest de créer un Office québécois d’harmonisation interculturelle.

La pilule de la laïcité ouverte ne passant pas dans la population, il faut donc l’enrober d’une gélatine afin qu’elle glisse tout en douceur. Une loi-gélatine sur l’interculturalisme, votée par l’Assemblée nationale, qui servirait à imposer une politique de laïcité ouverte. Parce qu’ici, il ne faut pas s’y tromper, l’ouverture à la culture de l’autre, c’est l’ouverture à sa religion. Et que le respect de la diversité culturelle, c’est le respect de la religion.

Suite aux nombreuses controverses concernant des demandes d’accommodement pour motifs religieux, le gouvernement annonce en février 2007 la création d’une Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles.

Bien que celle-ci fut créée pour examiner des cas concernant des demandes religieuses, le mandat de ladite commission ne fait aucunement allusion à la place de la religion dans l’espace public, orientant plutôt le débat sur la diversité culturelle et l’intégration des immigrants. La stratégie fut payante puisqu’elle empêcha ainsi un véritable débat sur la laïcité et cantonna habilement ses défenseurs dans le camp des xénophobes, des racistes et des islamophobes.

L’un des mandats de la Commission Bouchard-Taylor était de faire le point sur la crise des accommodements raisonnables afin de départager les faits réels d’avec les perceptions déformées. Or, il suffit de jeter un simple coup d’œil à la table des matières du rapport B-T pour constater qu’au chapitre deux, portant sur La chronologie d’une crise, s’étendant de décembre 1985 à avril 2008, 65 cas au total sont répertoriés. Sur ces 65 cas, 64 se rapportent au religieux.

Mais on préfère camoufler la « chose » et parler de différences culturelles alors que c’est la religion qui est en cause. De même, dans le document de consultation produit par la Commission, il y a un sondage que l’on proposait aux participants pour tester leur ouverture à l’accommodement. Sur un total de 22 questions, 17 se rapportent à des cas de demandes d’accommodement ou d’ajustement pour des motifs religieux. Où est la culture ? Et où sont les demandes d’accommodement pour motifs culturels ?

Paradoxalement, la religion devient soudain l’épicentre de la culture alors que les pluralistes font tout pour nous convaincre de son caractère périphérique. À la page 278 du rapport B-T, il est écrit : « Le port de signes religieux à l’école ou à l’hôpital est un phénomène périphérique qui n’affecte en rien l’autonomie des établissements. » Qui ici déforme la réalité ? Les médias ou les pluralistes ?

Comment expliquer que nos deux sages savants de commissaires, entourés de tous leurs experts-universitaires, occultent constamment cette distinction entre la religion et la culture ? La réponse est toute simple. Dans nos démocraties laïques et sécularisées, les intellectuels pluralistes se servent de la culture de l’autre pour faire passer la religion. Mais ces gens-là vous diront qu’ils ne prient pas. Non, bien sûr, c’est le bon Dieu qui prie pour eux…

Dans le mémoire présenté par le Regroupement des Centres de la Petite Enfance de l’île de Montréal (RCPEÎM) à la Commission B-T, on fait part de l’adhésion du RCPEÎM à l’interculturalisme.

Quant à l’expertise dans la pratique de l’interculturalisme, voici quelques exemples mentionnés : « Alimentation et adaptation des menus : Les demandes de parents immigrants, reliées au respect de principes religieux, sont traitées au même titre que les allergies alimentaires ou les choix philosophiques de certains autres parents, le végétarisme par exemple. Très souvent, il n’y a pas de porc au menu des CPE. La chose est vue comme un défi pour la responsable de la cuisine et un enrichissement pour les enfants et les adultes qui ont l’occasion de goûter de nouveaux aliments. Chacun peut manger du porc chez soi. »

Cette pratique de l’interculturalisme est une perle comme il s’en fait peu. Oubliez le bon porc de chez nous et ses producteurs. Mais le plus beau ici, c’est l’enrichissement, grâce à la diversité musulmane, qui va permettre aux enfants et aux adultes non-musulmans de manger du bœuf, du veau et du poulet parce qu’évidemment, ils ne peuvent en manger chez eux. On interdit le porc, et c’est un enrichissement. Imaginez maintenant si un végétarien exigeait que le porc, le bœuf, le veau et le poulet disparaissent des assiettes… des autres. Ce serait encore plus enrichissant, vous ne trouvez pas ?

Je continue. « La célébration des fêtes : Les fêtes traditionnelles québécoises sont célébrées, sans connotation religieuse….. Pendant une période de jeûne, l’éducatrice qui ne mange pas en même temps que les enfants peut expliquer qu’elle va manger plus tard. » Bon, c’est de la religion, mais il ne faut pas le dire aux enfants, juste le faire…

L’expression de l’appartenance religieuse : « Certaines éducatrices portant le voile vont expliquer aux enfants que c’est une pièce de vêtement reliée à leur pays d’origine, d’autres vont le retirer. » C’est de la religion et de la politique, mais il ne faut pas le dire. Parlons plutôt culture, rectitude oblige.

Qu’en est-il maintenant des demandes d’accommodements à ­l’école ? Toujours à la table des matières du rapport B-T, au chapitre 4 portant sur les pratiques d’harmonisation à l’école, d’après le rapport Fleury, il est écrit que 16 % de l’ensemble des demandes sont liées à la diversité linguistique, 1,9 % sont liées à la diversité ethnoculturelle et, tenez-vous bien, 78,2 % des demandes sont liées à la diversité religieuse. Si on fait le compte, 17,9 % de demandes pour la culture et 78,2 % pour la religion.

Les dieux sont avec nous et nos experts en pluralisme ne sont pas sans l’ignorer. Bien au contraire, à la page 252 du rapport B-T, il est écrit : « D’une manière ou d’une autre, il faudra faire en sorte que, dans le monde scolaire, on évite d’imposer à des élèves des pratiques contraires à leurs croyances, dans les limites de la contrainte excessive. » Alors, une loi sur l’interculturalisme va servir à quoi, pensez-vous ?

Concernant les cégeps, dans le mémoire présenté à la Commission B-T par le Service interculturel collégial (SIC), à la rubrique « Accommodements raisonnables et pratiques d’harmonisation », l’on constate que toutes les demandes qui sont faites le sont pour des raisons religieuses. Et il est même précisé que : « Les demandes ne représentent plus des situations exceptionnelles, mais un phénomène de plus en plus présent, surtout dans les cégeps de la région de Montréal ».

Malgré le fait que le conseil exécutif du SIC soit principalement formé de sociologues et d’anthropologues, des professeurs dont on s’attendrait à ce qu’ils sachent distinguer la religion de la culture, l’on continue de parler d’ouverture à la diversité ethnoculturelle, alors qu’il s’agit de s’ouvrir à la diversité religieuse. Doit-on s’étonner alors qu’à aucun endroit dans leur mémoire, la laïcité n’est mentionnée, pas même comme valeur québécoise.

Le rapport B-T ne veut pas de loi ou de Charte de la laïcité. Rien d’officiel. Il préconise des ajustements concertés qui emprunteraient la voie citoyenne plutôt que la voie judiciaire. Autrement dit, les demandes d’accommodements doivent se régler sur le terrain, au cas par cas. Mais pour que cela se fasse à la faveur de la religion, il faut mettre en place des stratégies pour éduquer la population québécoise qui, contrairement à son élite intellectuelle, n’est pas très ouverte au pluralisme.

Ainsi, afin de promouvoir la diversité et les mesures d’harmonisation, il est recommandé de responsabiliser les acteurs des milieux institutionnels, mais cela suppose qu’ils aient reçu, au préalable, une formation adéquate. « Des mesures appropriées devraient donc être prises sous forme de sessions spécialisées ou autres, à l’intention du personnel de toutes les institutions publiques » (p. 252).

Le rapport recommande qu’il en soit de même avec les gestionnaires et professionnels des médias dont il déplore « la formation interculturelle insuffisante », ces médias « dont le pouvoir considérable en fait un puissant levier d’intégration » (p. 250). Ce qui nous a donné en août dernier, une palpitante série d’articles du genre « Le ramadan pour les nuls » publiés dans le Devoir, mettant même à contribution le chef cuisinier Philippe Mollé qui nous vantait le plaisir de jeûner en gang.

Et, finalement, une attention toute spéciale devra être accordée à l’école, lieu par excellence de la socialisation, « en modifiant le programme de formation des futurs enseignants pour y ajouter un apprentissage des questions interculturelles, et organiser des sessions spécialisées à l’intention du personnel en exercice ». Ajoutez à cela le programme d’éthique et de culture religieuse (ÉCR) destiné aux jeunes, et d’ici quinze ans, le Québec au grand complet, deviendra ramadanisé et multireligieux.

Cette offensive anti-laïque est sournoise et d’une grande ampleur. Comparé à cela, le retrait du crucifix à l’Assemblée nationale, qui a tant frappé l’imaginaire des gens, lors du dépôt du rapport B-T, c’est de la petite bière. Superbement orchestré par les experts en pluralisme, bon nombre de ces mesures sont déjà mises en œuvre. Le personnel est en place, les réseaux d’intellectuels vivant de l’immigration et des questions relatives à la diversité sont constitués, les programmes existent et l’argent est là. Ne manque qu’une loi pour donner à tout cet arsenal des assises politiques et juridiques. Qui a dit que cette Commission n’aura servi à rien ?