L’indépendance ? Pourquoi et pour quel Québec ?

*Il arrive parfois en politique qu’un regard extérieur soit plus perspicace que celui des acteurs qui ont le nez trop collé sur leur réalité. C’est le cas du point de vue exprimé par l’ancien gardien de but des Canadiens et ex-ministre libéral fédéral Ken Dryden dans un article publié dans le Globe and Mail, trois jours après l’élection, et intitulé « Now, Quebec must decide what to stand for ».

Dans ce texte, où on l’imagine dans sa posture caractéristique, accoté sur son bâton, à l’autre bout de la patinoire, Ken Dryden a une meilleure vision du jeu politique que bien des supposés stratèges politiques québécois.

Dryden met en garde le Canada anglais contre une interprétation voulant que les Québécois aient voté contre la souveraineté le 7 avril et il établit une distinction très claire entre une élection et un référendum. Il vaut la peine de le citer.

« Une élection provinciale met en évidence la faiblesse de la souveraineté comme enjeu. Pour plusieurs Québécois, la souveraineté est plus importante que toute autre question. Ils vont voter pour le PQ. Pour plusieurs autres Québécois, la souveraineté est importante, mais il en va de même pour l’économie, les politiques sociales, l’intégrité et plusieurs autres questions. Ils peuvent voter pour le PQ, mais ils peuvent aussi voter pour la CAQ ou même pour les Libéraux.

« Un référendum provincial met en évidence l’importance de la souveraineté comme enjeu. Un référendum ne porte pas principalement sur le PQ, la CAQ ou les Libéraux, ni sur l’économie ou les politiques sociales. Pour plusieurs Québécois, la souveraineté n’est pas assez importante pour qu’ils accordent leur vote au PQ lors d’une élection, mais elle leur importe plus que la non-souveraineté. Ils vont donc voter Oui lors d’un référendum. »

Selon Ken Dryden, les enjeux étaient clairs aux référendums de 1980 et de 1995. Les souverainistes savaient pourquoi ils se battaient, ce qu’ils défendaient. C’était moins clair pour les fédéralistes.

Aujourd’hui, soutient-il, souverainistes et fédéralistes sont sur un pied d’égalité. « Aucune des deux options n’apporte de réponse satisfaisante aux questions que se posent les Québécois : La souveraineté, pourquoi ? Le fédéralisme, pourquoi ? Quel Québec ? Quel Canada ? »

Aussi, soutient-il, lorsque Pierre-Karl Péladeau a fait son entrée dans la campagne électorale, l’élection est devenue référendaire et le PQ avait perdu. Il n’avait pas de réponse à la question : « La souveraineté, pourquoi ? Pour être quoi ? Pour faire quoi ? Pour quel Québec ? »

Dryden conclut son article en disant que « le débat sur la souveraineté n’est pas terminé. Il vient seulement d’entrer dans une nouvelle phase ».

Nous sommes entièrement d’accord avec cette analyse.

Le référendum de 1980 couronnait l’aboutissement de 20 ans d’intenses débats et l’échec de diverses tentatives de modification de la constitution canadienne (Fulton-Favreau, etc.).

Quant au référendum de 1995, il clôturait une période extraordinairement agitée au point de vue politique et constitutionnel avec l’échec de Meech, la Commission Bélanger-Campeau, et le référendum sur l’accord de Charlottetown.

Mais, depuis l’échec de 1995, le mouvement souverainiste tourne en rond. Tour à tour, Bouchard et Landry démissionnent. Le Parti Québécois se donne comme chef André Boisclair pour se prouver que son option n’est pas uniquement le projet de la génération des « baby-boomers ». Puis, il choisit Pauline Marois pour se faire pardonner de lui avoir préféré Boisclair la fois précédente.

Sous les deux mandats, Boisclair et Marois, ne s’amorce aucune réflexion sérieuse organisée au sein du Parti Québécois.

À cet égard, les militantes et militants bénévoles des États généraux sur la souveraineté ont produit des analyses plus développées que tous les conseillers grassement payés d’André Boisclair et Pauline Marois. Les années Boisclair et Marois furent neuf années de perdues pour le mouvement souverainiste !

Aujourd’hui, il incombe aux militantes et aux militants de prolonger la démarche des États généraux sur la souveraineté et d’étudier, d’analyser, d’approfondir la situation actuelle du Québec dans ses volets économiques, sociaux, politiques, linguistiques, culturels, environnementaux, et sur la place du Québec dans le monde, afin d’en dégager clairement les raisons plaidant pour l’indépendance du Québec et de mener, par la suite, une campagne d’éducation pour convaincre le peuple du bien-fondé du projet souverainiste.

En somme, répondre aux questions soulevées par Ken Dryden : « La souveraineté, pourquoi ? Pour être quoi ? Pour faire quoi ? Pour quel Québec ? »

La stratégie pour accéder au pays se clarifiera en cours de route en fonction des réponses apportées à ces questions, de la pénétration de ces idées au sein de la population, et de la conjoncture politique du moment.

Au SPQ Libre, nous croyons à l’adage selon lequel « les idées mènent le monde ». Précisons d’abord nos idées, élaborons notre programme, et surgiront inévitablement les chefs pour les porter. C’est la direction que le SPQ Libre entend prendre.

Ce travail essentiel d’études, d’analyses et d’éducation populaire ne se réalisera pas spontanément. Il faut l’organiser. Sérieusement. Efficacement. De plus, toute cette démarche doit avoir un but concret. Celui-ci ne peut être que la matérialisation de ces idées dans le prochain programme du Parti Québécois.

Nous voulons collaborer avec tous les groupes et les individus qui partagent notre analyse sur la nécessité d’amorcer ce véritable travail de recherche, de réflexion et de diffusion.

Il y aura aussi un énorme travail d’organisation à faire pour diffuser ces idées, mais également un travail de mobilisation contre les politiques fédéralistes anti-québécoises qui émaneront des gouvernements Harper et Couillard.

Et, bien entendu, il faudra aussi financer toutes ces activités, que ce soit par la sollicitation individuelle ou l’organisation d’activités bénéfices. Il y a donc de la place pour tous ceux qui veulent donner un coup de main.

Le SPQ Libre invite donc toutes les militantes et les militants qui veulent mettre l’épaule à la roue à joindre ses rangs.

On se retrousse les manches, et on se crache dans les mains !

*Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre