Où va la négociation?

 

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Dans le secteur public



Avec la fin des consultations des assemblées générales concernant le plan d'action du Front commun, force est de reconnaître que le projet de mobilisation avancé par les organisations syndicales n'a pas reçu l'appui des membres des différentes composantes du secteur public. D'un seul coup, toutes les questions sur les difficultés associées au développement d'une stratégie gagnante ont resurgi. L'activité proposée par le Forum intersyndical le 27 novembre invite non seulement à prendre la mesure des événements mais surtout à débattre des moyens pour développer la mobilisation.

L'attitude anti-syndicale de Bouchard à l'égard des infirmières et des infirmiers, des camionneurs artisans et du secteur public, explique certainement une partie du refus de nombreuses personnes dans les assemblées. Toutefois les débats étaient chargés de critiques sévères à l'endroit des syndicats. Les années de pratique à l'enseigne de la concertation ne permettent pas de comprendre le revirement stratégique des directions syndicales. On doute de la démarche proposée, critiquant le volontarisme soudain du plan d'action. On dénonce le dirigisme en pointant l'annonce publique faite du plan d'action. On critique le manque de stratégie et la faible progression des moyens d'actions.

L'unité intersyndicale en question

Il est vrai que, depuis plusieurs mois, le différend entre la CSN et la CEQ concernant l'équité salariale a fourni des occasions aux médias pour clamer l'absence d'unité intersyndicale et condamner à l'avance l'existence d'un Front commun dans le secteur public. Ces médias n'ont pas manqué non plus d'utiliser tous les signes d'affaiblissement de l'unité pour en faire des manchettes à sensation, même en modifiant la réalité au passage.

Dans les assemblées, nombreuses furent les interventions de membres qui ont mis en doute l'existence d'un Front commun. Les directions des centrales ont tenté de présenter le contraire en proposant un plan consolidé d'action unitaire. Si plusieurs avancent que différentes revendications peuvent être portées par une même mobilisation unitaire en Front commun, l'expérience récente pour établir un même plan d'action a mis à jour les difficultés d'harmonisation des moyens de lutte et des calendriers entre les organisations des différents secteurs.

De plus, les difficultés à mettre sur pied un réel mouvement en Front commun relancent le débat sur les priorités de négociation, accordant aux revendications sectorielles une fonction essentielle dans la mobilisation. Tout le problème de la prise en charge en Front commun des préoccupations sectorielles réapparaît brutalement dans le débat sur les moyens à mettre en place actuellement.

De plus, on reconnaît aussi que les aspects sectoriels des demandes syndicales qui sont négociées ailleurs fondent non seulement la mobilisation des membres mais aussi, pour l'essentiel le plaidoyer en faveur des services publics. Toutefois, les facteurs structurels de division se manifestent et agissent entre les secteurs, voire entre les membres, par exemple entre le personnel permanent et précaire qui sont à égalité au plan des effectifs dans certains réseaux. Il demeure que toute perspective nouvelle pour le développement de la mobilisation exige une prise en charge accrue des enjeux sectoriels. Sans s'opposer aux demandes concernant les salaires et la retraite, les préoccupations sectorielles apparaissent comme une clé dans la démarche d'unité entre les secteurs.

Pour obtenir satisfaction

L'intransigeance des positions du gouvernement Bouchard s'appuie sur une orientation politique inacceptable. Elle consiste à privilégier la baisse des impôts et à l'agiter comme leurre pour faire oublier la détérioration non seulement des services publics mais aussi celle des conditions de vie de la majorité de la population. Cette orientation politique du gouvernement péquiste participe certainement à accentuer au maximum la démobilisation. Toutefois, la lutte des travailleuses et des travailleurs du secteur public demeure une occasion pour montrer qu'une autre politique est nécessaire.

C'est pourquoi les débats qui s'engagent maintenant dans les syndicats sont importants. C'est un des moyens pour combattre le danger de jeter la serviette. Ce qui a permis d'accorder un tant soit peu de crédibilité au Front commun fut la rencontre commune, en Conseil d'orientation, de toutes les délégations de chacune des organisations syndicales liées avec la négociation.

L'actuelle négociation dans le secteur public est cruciale pour les salariés-es comme pour la population au Québec. La rencontre du 27 novembre, organisée par le Forum intersyndical, veut être une occasion pour les militantes et les militants d'échanger librement et de confronter leur réflexion sur les enjeux. C'est une invitation.

* Enseignant de cégep et militant syndical