Agences de placement temporaire

2011/05/10 | Par L’aut’journal 

Les organismes Au bas de l’échelle et le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI) ont décidé d’unir leur force et de lancer une campagne pour la protection des droits des travailleuses et des travailleurs des agences de placement temporaire.


Argumentaire

Le marché des agences de placement temporaire est florissant. Les revenus en 2008, pour le Québec seulement, dépassent le milliard de dollars.

Cette industrie ne cesse de se développer sans qu’aucune règle spécifique n’encadre ses pratiques. Pourtant les problèmes sont nombreux et connus : les mauvaises conditions de travail, en particulier les bas salaires, les clauses abusives des contrats, les entreprises qui se servent des agences pour contourner les lois ou affaiblir le syndicat (lorsqu’il y en a un), le risque élevé d’accidents du travail, et, dans le cas de certaines agences peu scrupuleuses : l’exploitation par le travail au noir et les infractions répétées aux lois du travail.

Les entreprises trouvent beaucoup d’avantages à utiliser les services des agences de placement temporaire. Elles font des épargnes sur les coûts. Elles n’ont pas à s’occuper de l’ouverture de postes, du processus d’embauche ou d’évaluation, ou de la formation.

Elles n’ont plus à payer pour des avantages sociaux : jours de maladie payés, régime de retraite, assurance collective ou autres.

Mais en plus, elles peuvent se servir des agences pour se défaire de leurs obligations d’employeurs. Ainsi, elles peuvent congédier à leur guise, donner leurs directives d’embauche sans risque d’accusation de discrimination, faire courir les risques pour la santé et la sécurité à des travailleuses et des travailleurs externes, contourner les conventions collectives, et autres.

De plus, il n’y a aucune limite au placement « temporaire », on a vu des personnes en affectation au même poste durant plusieurs années. C’est pourquoi les agences bénéficient de la protection du « lobby » patronal à chaque fois qu’il est question de leur imposer des règles.

Les organismes Au bas de l’échelle et le Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI) ont décidé d’unir leur force et de lancer une campagne pour la protection des droits des travailleuses et des travailleurs des agences de placement temporaire.

Nous sommes de plus en plus nombreux à réclamer que le gouvernement encadre les pratiques des agences de placement temporaire. Les agences de placement sont un élément important de la précarité du travail et une menace pour le respect des droits des travailleuses et des travailleurs.

Nous demandons l’intervention urgente du gouvernement sur deux aspects essentiels et incontournables : la mise en place d’un permis d’opération obligatoire et renouvelable pour les agences et l’établissement dans la Loi sur les normes du travail d’un principe de co-responsabilité entre l’agence et les clients d’agence pour le respect des droits et le versement des sommes dues aux salariés.


1ÈRE MESURE URGENTE : LE PERMIS D’OPÉRATION OBLIGATOIRE

Il y a au Québec plus de 1’200 bureaux d’agence en opération. Les agences offrent des services de location de personnel dans tous les domaines d’emplois : de la bureautique au domaine de la construction, des soins de santé, en passant par les usines de fabrication ou de transformation, la manutention et bien d’autres.

Certaines agences font signer des contrats (aux clauses souvent abusives) aux personnes qu’elles embauchent; alors que d’autres agences ne font rien signer : les ententes sont verbales.

Une multitude d’agences opérant sur le terrain, sans encadrement, c’est aussi une multitude de pratiques que nous ne connaissons pas toujours.

Parmi les pratiques les plus inquiétantes que nous connaissons, mentionnons les pratiques d’agences de placement frauduleuses, qui se spécialisent dans le recrutement de personnes vulnérables (immigrantes et autres), connaissant souvent peu leurs droits et ayant un urgent besoin d’argent.

Certaines paieront en dessous du salaire minimum et en argent comptant à la fin de la journée. Certains travailleurs se font promettre un chèque de paye après 2 semaines de travail et ne le reçoivent pas. D’autres reçoivent leur salaire amputé des déductions à la source, alors que celles-ci ne se rendent pas au gouvernement.

Lorsque ça devient trop chaud à un endroit, ou qu’il y a trop de plaintes et de poursuites, des agences ferment leurs portes et ouvrent un peu plus loin sous un autre nom; ou encore, elles se mettent sous la protection de la Loi sur la faillite.

De plus, il n’existe pas de données fiables sur l’industrie. À notre connaissance, la seule source d’information sur l’industrie des agences de location de personnel demeure le rapport annuel de Statistique Canada.

Ce ne sont pas toutes les agences qui y répondent puisqu’un certain nombre d’entre elles changent régulièrement de noms et d’adresses pour exercer leurs opérations frauduleuses ou s’inscrivent comme des compagnies à numéro pour créer le voile corporatif.


LES POSSIBILITÉS DU PERMIS

Le permis d’opération est une façon d’exercer un minimum de contrôle sur les agences de placement et d’établir leur imputabilité envers le gouvernement, la société et indirectement envers leurs employés.

En vérifiant l’historique financier (la solvabilité), on met un frein aux opérations de certaines agences frauduleuses. En imposant le renouvellement annuel et l’obligation de tenir les informations sur l’agence à jour, on vient s’assurer d’avoir les bonnes coordonnées de l’agence et les noms des dirigeants.

Si l’agence fait l’objet de poursuites pour des infractions ou des pratiques déloyales aux lois du travail, on peut suspendre ou révoquer le permis de l’agence.

L’exigence d’un dépôt de garantie apporte une protection supplémentaire et élimine (possiblement) les agences insolvables. Emploi Québec, qui diffuse les offres d’emplois des agences de placement, pourrait s’assurer de n’afficher que les offres provenant d’agences qui ont un permis en règle.

Toutes les personnes en recherche d’emploi devraient pouvoir vérifier si une agence a un permis en règle.

Par les différentes questions qui peuvent faire partie du formulaire de base, on peut aussi obtenir un certain nombre d’informations qui fournit un portrait des agences en opération; par exemple : secteur d’activités, types de recrutement (temporaires, permanents, contractuels), agence internationale (recrutement) ou autres.

Le gouvernement peut aussi imposer aux agences l’obligation de tenir des registres ou de fournir des rapports d’opération. Il peut aussi demander aux agences de fournir un rapport annuel de leurs activités, la liste des clients et des employés.


Notre revendication pour le permis d’opération est la suivante :

QU’IL SOIT OBLIGATOIRE POUR LES AGENCES DE PLACEMENT TEMPORAIRE D’OBTENIR UN PERMIS D’OPÉRATION RENOUVELABLE ANNUELLEMENT, POUR CHAQUE BUREAU D’AGENCE.

QUE CE PERMIS NE SOIT ACCORDÉ QU’AUX AGENCES QUI DÉMONTRENT LEUR SOLVABILITÉ.

QU’UN DÉPÔT DE GARANTIE SOIT EXIGÉ POUR ASSURER LE REMBOURSEMENT DES SOMMES DUES AU PERSONNEL DES AGENCES.

QUE LES AGENCES SOIENT TENUES D’INFORMER RAPIDEMENT DE TOUT CHANGEMENT D’ADRESSE OU DE DIRIGEANTS.

QUE L’ORGANISME EN CHARGE D’ÉMETTRE LE PERMIS AIT LE POUVOIR DE RÉVOQUER LE PERMIS EN CAS DE PRATIQUES DÉLOYALES OU D’INFRACTIONS SYSTÉMATIQUES AUX LOIS DU TRAVAIL.

Il y a aussi, ne l’oublions pas, des entreprises qui utilisent les services des agences. Elles ne veulent pas savoir combien ou comment les personnes qui travaillent chez elles sont payées. Elles ne vérifient pas non plus si les personnes embauchées ont un permis de travail en règle.

Des entreprises qui s’en lavent les mains, et disent que ce n’est pas leur responsabilité mais celle de l’agence, et qui profitent du travail et de l’exploitation de ces personnes.


C’est pourquoi nous demandons :

QU’UNE ENTREPRISE, QUI UTILISERAIT LES SERVICES D’UNE AGENCE DE PLACEMENT

TEMPORAIRE QUI FONCTIONNE SANS PERMIS D’OPÉRATION, SOIT PASSIBLE DU PAIEMENT D’UNE AMENDE.

2E MESURE URGENTE : ÉTABLIR UN PRINCIPE DE CO-RESPONSABILITÉ ENTRE LES AGENCES ET LES ENTREPRISES-CLIENTES.

La situation des travailleuses et des travailleurs d’agence de placement est particulière.

D’une part, il y a une agence qui embauche et paie, d’autre part, un client d’agence qui supervise et dirige au quotidien. La personne embauchée est payée par l’agence mais travaille pour le client de l’agence. C’est une relation de travail tripartite (trois parties).

Mais disons que les trois côtés ne sont pas égaux.

Le fait d’être coincé entre deux entreprises (une qui paie, et l’autre qui encadre au quotidien) place la personne salariée d’agence dans une situation complexe au niveau des droits du travail.

En principe les mêmes droits s’appliquent, mais en pratique l’application de ces droits est souvent plus difficile. Les Lois du travail n’ont pas été pensées, ni encore adaptées, à ces situations. Pour chaque plainte de travailleuse ou de travailleur d’agence, se pose la question de « qui est l’employeur ? ». C’est du cas par cas, basé sur un ensemble de facteurs, un processus complexe et souvent long, qui en décourage plus d’un à porter plainte.

Pour les travailleuses et les travailleurs d’agences, contrairement aux autres travailleurs, le droit à un recours contre une pratique interdite (ex. : congédiement parce que enceinte, malade, ou pour avoir réclamé le respect des normes du travail) n’est pas garanti, ni la protection contre un congédiement injuste. Il dépend de qui a mis fin à l’emploi ou qui a exercé les représailles (l’entreprise ou l’agence) et de qui sera reconnu comme l’employeur par les tribunaux, puisqu’un seul des deux peut l’être à l’heure actuelle.

Dans certains cas, on identifiera l’agence comme employeur ce qui laissera la personne salariée sans recours si c’est le client d’agence qui n’a pas respecté ses droits.

Dans d’autres cas, même si c’est l’agence qui est coupable, il sera difficile de prouver la pratique interdite ou le congédiement alors que l’agence affirmera n’avoir tout simplement pas d’affectation disponible.

Parmi les problèmes rencontrés, les travailleuses et les travailleurs d’agences éprouvent souvent des difficultés à faire reconnaître le temps travaillé. Les feuilles de temps, remplies par l’entreprise-cliente et envoyées à l’agence, sont parfois incomplètes, arrivent en retard ou se perdent en route.

De plus, il arrive que le client d’agence négocie des ententes parallèles à ce qui est prévu au contrat avec l’agence.

L’agence refusera alors de payer les heures supplémentaires exécutées sans son consentement. Quel est alors le recours de la personne salariée si elle n’est pas payée ?

On le sait, les travailleuses et les travailleurs non syndiqués connaissent peu les lois du travail et les droits que celles-ci leur confèrent. Même lorsque les droits sont connus, il y a souvent une crainte à exercer les recours prévus par la loi, par peur de sanction ou de perte d’emploi.

Cette situation est encore plus risquée pour les personnes qui n’ont pas accès à un poste permanent dans une entreprise et qui dépendent de la bonne volonté d’une agence à leur fournir une affectation.

Actuellement, lorsqu’une entreprise-cliente ne respecte pas les droits de la personne salariée d’agence, le plus souvent l’agence prendra le parti de l’entreprise qui lui fournit des contrats lucratifs.

La déresponsabilisation des entreprises est d’ailleurs un des principaux arguments de vente des agences de placement temporaire. Embaucher et congédier sans avoir à respecter les règles leur donne une grande flexibilité.

Établir dans la Loi un principe de co-responsabilité entre l’agence et les clients d’agence protègerait les personnes salariées contre les agences frauduleuses qui ferment leurs portes pour échapper à leurs responsabilités.

L’entreprise-cliente pourrait alors devoir compenser les droits qui n’auraient pas été respectés et défrayer les salaires dus. Elle y penserait deux fois avant de faire affaire avec une agence qui ne respecte pas les lois du travail.

La co-responsabilité améliorerait le respect des droits et des sommes dues pour toutes les travailleuses et les travailleurs d’agence, pas seulement les agences frauduleuses et viendrait réduire les avantages qui encouragent la transformation d’emplois permanents en emplois temporaires.


C’est pourquoi nous demandons:

QUE LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL ÉTABLISSE UN PRINCIPE DE CO-RESPONSABILITÉ ENTRE LES AGENCES DE PLACEMENT ET LES ENTREPRISES-CLIENTES AFIN D’ASSURER LE RESPECT DES NORMES DU TRAVAIL POUR LES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS D’AGENCE.

POUR LES OBLIGATIONS PÉCUNIAIRES (SALAIRES, CONGÉS PAYÉS, ETC.), LES AGENCES DE PLACEMENT TEMPORAIRE ET LEURS CLIENTS SERAIENT SOLIDAIREMENT RESPONSABLES ENVERS LES PERSONNES QU’ELLES EMBAUCHENT. POUR CE QUI EST DE L’APPLICATION DES AUTRES DROITS (CONGÉDIEMENT INJUSTE, PRATIQUE INTERDITE, HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE, ETC.), UN OU L’AUTRE OU LES DEUX POURRAIENT ÊTRE TENUS RESPONSABLES DES DROITS LÉSÉS ET DES RÉPARATIONS PRÉVUES DANS UNE ENTENTE OU UN JUGEMENT.

Si vous êtes en accord avec ces revendications et que vous acceptez de nous appuyer, nous vous demandons de vous impliquer dans notre campagne de toutes les façons possibles :

1. Signez et envoyez la lettre d’appui ci-jointe à la Ministre et ne pas oublier de nous l’envoyer en copie conforme à : chenry@aubasdelechelle.ca

2. Faites circuler nos documents auprès de vos groupes membres, alliés ou tout organisme susceptible de s’intéresser à ces enjeux.

3. Contactez-nous pour toutes informations supplémentaires et/ou invitez-nous chez vous pour sensibiliser et informer vos membres sur la question des agences de placement temporaire.

4. Tenez-vous au courant de nos actions et de l’évolution de la campagne et du dossier sur Internet : www.aubasdelechelle.ca/campagne-agences


Au bas de l’échelle Centre des travailleuses et des travailleurs immigrants
6839A rue Drolet, bureau 305 4755 Van Horne, bureau 210
Montréal, H2S 2T1 Montréal H3W 1H8
514-270-7863- poste 22 514-342-2111