MAPEI : quand un conflit de travail dégénère

2012/12/18 | Par Maude Messier

Les 115 travailleurs de l’usine MAPEI de Laval sont sans contrat de travail depuis le 31 décembre 2011. Au terme de plusieurs mois de négociations, les syndiqués ont déclenché la grève le 4 mai dernier.

Dans un ultime effort pour régler le conflit avant les Fêtes, les parties se rencontrent ce lundi et mardi.

Pour le président du Syndicat des salariés des produits de céramique et autres (CSN), Éric Caron, ce conflit de travail n’aurait jamais dû s’éterniser de la sorte. Dans un entretien avec l’aut’journal, il explique que les relations de travail, déjà tendues avant même le début des négociations, se sont envenimées au cours des dernières semaines. Les parties s’accusent d’ailleurs mutuellement de mauvaise foi sur la place publique.

Pour Éric Caron, il faut considérer ce conflit en deux temps : avant et après le déclenchement de la grève. « Les clauses normatives étaient pratiquement réglées. Mais l’employeur ne déposait pas de propositions monétaires. Sans ça, on n’avançait à rien. » Pour faire bouger l’employeur, les syndiqués ont déclenché la grève.

« Il faut comprendre qu’à ce moment-là, quoiqu’en dise la direction de l’usine, les relations étaient tendues. Ils nous menaçaient de lock-out. C’est facile de revenir là-dessus après, mais nous, on pense que c’était la chose à faire. »

Pour le syndicaliste, la suite des choses prend des airs de vengeance. « C’est clair qu’ils nous essaient. Nous sommes tous nouveaux sur l’exécutif; l’ancien président et l’ancien trésorier étaient là depuis 20 ans. »

Éric Caron explique que les négociations se sont poursuivies pendant la grève et que les parties étaient très près d’arriver à une entente au début du mois de septembre. « On pensait vraiment s’entendre, il ne manquait pas grand chose sur le monétaire. »

Pourtant, l’employeur a fait volte-face, se présentant à la table avec de nouvelles demandes. « Ils sont revenus sur ce qui avait déjà été réglé, dont l’ancienneté. »

Dans un communiqué publié le 19 novembre, la direction de l’usine de Laval soutient que « l'ancienneté n'est aucunement remise en cause dans la proposition patronale », ajoutant plus loin qu’« il est essentiel pour nous que les dirigeants locaux comprennent les préoccupations de l'employeur sur l'article des mouvements de personnel ».

Le syndicat ne l’entend pas ainsi. « Dans les nouveaux textes, c’est indiqué ‘’quand l’employeur juge à propos’’. Ils veulent pouvoir déplacer la main-d’œuvre comme ils veulent, avec un droit de gérance comme s’il n’y avait pas de syndicat. »

Éric Caron est catégorique : les clauses d’ancienneté et de droit de rappel sont non négociables pour ses membres, qui tiennent à ces principes parce qu’ils sont des régulateurs dans l’usine et qu’ils assurent un minimum d’équité et des relations de travail justes.


Au cœur du conflit… une histoire de concessions

Toutes les offres patronales ont été rejetées dans de très fortes proportions par les membres. « Je vous le dis, ma lecture de ça, c’est qu’ils [la direction de MAPEI Laval] ne la prennent pas, la grève. Ça ressemble à une vengeance, comme s’ils voulaient nous faire payer. »

Le syndicat n’aurait-il pas aussi sa part de responsabilités dans ce conflit qui tourne à vide? « Je vois mal comment on pourrait dire ça. Ils nous ont menacés de lock-out depuis le début des négociations. On a reçu des injonctions et toute la gomme. Ils ont congédié 43 permanents qui avaient jusqu’à dix ans d’ancienneté, ils sabotent le droit de rappel, s’attaquent à l’ancienneté et là, ils nous menacent de carrément fermer l’usine. »

À ce point des négociations, les salaires et les avantages sociaux ne sont pas au cœur du litige, qui se referme hermétiquement sur une guerre de pouvoirs. « Nous, on veut régler. On a fait de larges concessions. On a fait notre part. »

Éric Caron se dit confiant de pouvoir arriver à une entente sur le monétaire. « On a pratiquement laissé tomber toutes nos demandes initiales sur le normatif. On tente de comprendre les besoins de l’employeur depuis le début et de trouver des solutions, mais l’employeur veut imposer les siennes. Il faut aussi donner en négo, ça ne marche pas juste d’un bord. » Le syndicat confirme avoir abandonné 80 griefs déposés contre l’employeur avant le début du confit.

Pour le syndicat, la priorité, c’est maintenant d’arriver à une entente qui permettrait de maintenir le principe de l’ancienneté et du droit de rappel ainsi que d’établir un protocole de retour au travail.

« À ce stade, on ne comprend pas où ils s’en vont. Qu’ils négocient ou qu’ils ferment. »

Éric Caron souhaite véritablement pouvoir conclure une entente avant Noël. « J’espère que l’employeur nous rappelle à la table pour régler, mais on entend des rumeurs de congédiements et de déplacement de machinerie… »


Vers une refonte de la loi anti-scabs?

Le dirigeant syndical soutient que la loi anti-briseurs de grève ne permet pas aux travailleurs d’obtenir un rapport de force nécessaire pour éviter qu’un conflit de travail, comme celui qui sévit chez MAPEI, puisse perdurer.

« On est allés voir chez les distributeurs des produits MAPEI, il semble y avoir un bon roulement malgré tout. Ils devraient pourtant être à sec de marchandises. Ils font venir les produits de Virginie, du Texas ou d’ailleurs. Notre conflit profite à d’autres travailleurs. »

Éric Caron souligne qu’à l’occasion d’une assemblée spéciale, le syndicat a invité des représentants des partis politiques à se prononcer sur la refonte de la loi anti-briseurs de grève. Suzanne Proulx (PQ), Léo Bureau-Blouin (PQ) et Françoise David (QS) se sont engagés à travailler pour que des modifications soient apportées à la loi, de façon à la rendre plus conséquente, notamment en ce qui concerne la délocalisation de la production. Les libéraux et la CAQ ont décliné l’invitation selon M. Caron.

MAPEI est un fabricant de colles et de produits chimiques pour le bâtiment. L’entreprise opère 59 sites de production dans plus de 28 pays sur les 5 continents.

Photo : CSN.