Le Québec et les Olympiques

2024/08/23 | Par André Binette

Les 33e Jeux olympiques d’été viennent d’avoir lieu à Paris. Les 34e sont prévus pour Los Angeles dans quatre ans. De leur côté, les 25e Jeux d’hiver auront lieu dans le nord de l’Italie en 2026.

Peut-on espérer que le Québec y sera représenté? La question se pose d’autant plus que la vaste majorité des pays qui ont envoyé des athlètes à Paris étaient nettement plus pauvres et plus petits. Le monde célébrait les Îles Comores, le Sud-Soudan et autres Sainte-Lucie, mais le Québec n’y était pas.

La réponse facile est qu’il y sera s’il devient souverain. Cependant, il faut souligner qu’au moins cinq États non souverains participaient aux épreuves olympiques :  la Palestine, Hong Kong, Porto Rico, les Iles Vierges britanniques et les Iles Vierges américaines. Les Jeux olympiques sont très politiques.

La Palestine était présente sans le consentement d’Israël, qui s’y trouvait également. Hong Kong fait manifestement partie de la Chine, qui a écrasé son autonomie. Porto Rico et les Iles Vierges américaines sont des colonies des États-Unis; la première a été arrachée à l’Espagne dans une guerre en 1898, et les secondes ont été vendues par le Danemark au cours de la Première Guerre mondiale. Les Iles Vierges britanniques, situées elles aussi dans les Antilles, comptent 35  000 personnes.

De plus, contrairement à la perception générale, le Royaume-Uni dans son ensemble n’est jamais représenté aux Jeux Olympiques. La délégation britannique représente la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, ce qui exclue l’Écosse et permet par conséquent à celle-ci une représentation sportive internationale qui est distincte. Les athlètes écossais n’étaient pas présents aux Jeux à ma connaissance, mais ils réussissent parfois à se qualifier pour les tournois mondiaux de soccer ou de rugby.

Le Royaume-Uni et les États-Unis permettent donc en l’occurrence ce que le Canada n’autorise pas : à savoir, une présence séparée d’une entité politique non souveraine aux Jeux olympiques. Bien sûr, le Canada n’est pas seul dans son refus. La France n’accepte pas une délégation corse ou bretonne, l’Espagne une délégation catalane ou la Belgique l’envoi d’athlètes flamands.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le blocage ne vient pas du Comité international olympique, qui se plie aux positions des États. Il vient uniquement d’Ottawa. La position fédérale est prévisible, mais ce qui est aberrant c’est que le gouvernement du Québec ne la conteste pas.

On aurait pu s’attendre à ce qu’un État non souverain, qui tient tant depuis plus d’un demi-siècle à développer sa personnalité internationale tous partis politiques confondus, aurait depuis longtemps cherché à la prolonger sur la scène olympique et à en faire une priorité. Quelle jolie bataille politique en perspective! Comme pour la culture, qui demeure sous-financée, nous méconnaissons l’impact du sport sur le rayonnement du Québec.

Dans les années cinquante, Félix Leclerc et Maurice Richard n’étaient-ils pas les premiers ambassadeurs du Québec à l’étranger? Bien avant Céline, Félix remplissait des salles en France et le Rocket faisait courir les foules à New York et à Chicago. En ce domaine comme en d’autres, on dirait que personne ne réfléchit de manière stratégique.

Comme il se doit, nos meilleurs athlètes sont présents dans les Jeux d’hiver, mais ils patinent ou skient à l’intérieur d’une délégation de culture différente. Tous les athlètes qui représentent le Canada méritent respect et sympathie, mais où sont notre fierté et notre identité? Il devrait y avoir, d’ici les Jeux d’hiver de 2026, un effort public et insistant du gouvernement du Québec pour une représentation québécoise distincte. 

Cela doit faire partie d’un programme cohérent et complet d’affirmation de notre nation, et cela doit être un objectif majeur de la diplomatie québécoise. C’est une vitrine internationale beaucoup plus importante qu’ouvrir une délégation en Israël. Le gouvernement du Québec n’a pas les bonnes priorités internationales.

Heureusement, il y a eu Céline, encore elle, pour sauver l’honneur de la francophonie et de la culture française à la cérémonie d’ouverture. La France l’a invitée à chanter Piaf parce qu’il n’y a plus aucune icône culturelle de cette envergure dans l’Hexagone. Une femme qui vient d’une banlieue de Montréal appelée Charlemagne a exprimé une forme de grandeur que sa tragédie personnelle a accentuée.

Même le Irish Times a titré à Dublin que les Jeux pouvaient commencer parce qu’elle avait chanté. La personnalité internationale de Céline Dion est bien plus grande que celle du Québec. Elle vient d’atteindre un nouveau sommet parce que, pour la première fois, elle combine le sport et la culture au niveau planétaire.

On ne prend pas de notes à Québec? Le sport fait partie de la culture! Il est permis de se réveiller.

On ne peut pas s’en remettre éternellement aux individus québécois qui percent dans tous les domaines sur la scène internationale. À un moment donné, on ne peut plus se contenter de prendre note des réussites personnelles de nos gens et de s’en faire une fierté discrète. Il faudra s’ouvrir les yeux et reconnaître que notre inventivité et notre créativité, qui foisonnent, découlent d’une grandeur collective qui leur a donné naissance.

Lève-toi, Québec.
Tu as beaucoup, à ce monde, à donner.
Souviens-toi de ta dignité et de ta beauté.