Un Québec bashing permanent

2019/02/11 | Par Michel Rioux

Comme il nous semble loin, aujourd’hui, ce formidable épanchement amoureux auquel se sont livrés des milliers de Canadiennes et de Canadiens venus le 27 octobre 1995 nous crier leur amour, nous exhortant avec la plus grande insistance à ne pas les abandonner à leur triste sort de succédané culturel des USA.

Ils sont venus de l’Atlantique et du Pacifique dans des vols nolisés par des mécènes dont on ignore toujours l’identité, tout cela au mépris de la Loi québécoise sur les référendums. Mais comme l’a déclaré bien candidement le chef de cabinet de Jean Chrétien, le fort peu regretté Jean Pelletier, « dans la guerre, on ne demande pas si les munitions sont payées. On les tire ! »

« Nous sommes 150 000 », crie alors au micro l’animatrice du love-in, Liza Frulla en présence des Chrétien, Charest Johnson et des premiers ministres McKenna, Savage, Harris et Callback. Même les organisateurs avaient dit au préalable que la bien nommée Place du Canada, hôte de la statue en l’honneur de John A. Macdonald, ne pouvait contenir plus de 30 000 personnes…

Et pourtant, en 1995, le Canada avait une occasion unique de se débarrasser de ce Québec dont il n’avait, jusque-là et depuis toujours, eu de cesse de dénoncer la prédisposition au racisme et l’insidieuse propension au fascisme.

Nul besoin de remonter à Lord Durham.

Déjà, en 1989, les Canadiens avaient pu lire dans le Toronto Sun « qu’entendre parler de culture québécoise donnerait envie à Hermann Goering de sortir son revolver… » La même année, un député libéral ontarien du nom de Karygiannis avait clamé : « Le Québec me laisse un mauvais goût dans la bouche, selon moi, prenez ces bâtards et jetez les dans l'océan. »

Mais c’est après que leur Canada a été sauvé qu’on s’est déchaînés, ici et dans le ROC.

En 2011, le réputé financier Stephen Jarislowsky, qui avait déjà, en 1997, comparé le nationalisme québécois de Parizeau et Bouchard au nazisme allemand et au fascisme italien, récidivait en 2011 en élargissant ces accusations à l’ensemble des souverainistes québécois. Après le drame du Cégep Dawson, en 2006, la journaliste Jan Wong, du Globe and Mail, avait mis cette tuerie sur le compte de la loi 101 et du racisme des « pures laines » qui poussaient à l’aliénation les immigrants et leurs enfants. Après une manifestation d’appui au peuple palestinien qui avait rassemblé 15 000 personnes à Montréal en 2006, le National Post avait titré : The rise on Quebecistan

En 2012, dans la bande-annonce du documentaire Les États-Désunis du Canada, visionnée plus de 100 000 fois en moins de 24 heures, on pouvait lire No More Quebec. Nous y étions traités de « Voleurs. Pleurnichards. Vermines ». Rien de moins !

Un récent sondage Angus Reid a révélé que le Québec est la province la plus détestée de ce Canada qui lui avait pourtant crié son amour à l’époque. 81 % des Albertains, 74 % des Saskatchewanais, 57 % des Manitobains et 56 % des Ontariens ont avoué leur hostilité à notre égard. Alors que le Québec considère l’Ontario comme son ami dans une proportion de 44 %, la réciproque n’est le fait que de 12 %.

À la parution de ce sondage, le site d’information Vice a écrit que « si le Canada était une cour de récréation, le Québec serait l’élève qui reste dans un coin de la cour et avec qui personne n’a envie de jouer ». Vice ajoutait : « On ne devrait peut-être pas être surpris par cet amour à sens unique. Après tout, pour reprendre l’idée de la cour de récré, si un élève répète pendant des années qu’il veut lancer sa propre école et qu’il en a marre d’être dans la même cour que tout le monde, il ne faut pas s’étonner que ses camarades n’aient pas vraiment envie d’être amis avec lui. »

Il se trouve bien sûr des Uncle Tom québécois de service pour relayer ces calomnies. Ainsi Maxime Bernier qui, en 2010, dénonçait «  40 ans de revendications pour aller chercher toujours plus d’argent dans les poches de nos concitoyens du reste du Canada ». Pour ne pas être en reste, l’ineffable Jean-Pierre Blackburn en avait rajouté. « L’image qu’on a projetée à l’extérieur du Québec, c’est que le Québec demande tout le temps, quémande, n’est jamais content et n’est jamais satisfait », avait-il proféré du haut de son insignifiance avérée.

Comme dans la chanson, l’amour canadian n’aura duré que l’espace d’un moment. Mais le mépris canadian, lui, ne s’est jamais démenti au long des décennies.

En vérité, il y a peut-être là matière à espérer. Comme nous n’avons pas le courage de quitter le ROC, le ROC pourrait-il en arriver à nous jeter dehors ? La question serait alors réglée une fois pour toutes, non ?